Marie-Hélène Lafon – Cezanne

Des toits rouges sur la mer bleue

vagabondageautourdesoi.com - Marie Hélène Lafon -

Après Flaubert, Marie-Hélène Lafon donne vie au peintre Cezanne en décrivant son admiration et en donnant vie à son entourage à partir de portraits. La personnalité du peintre est ainsi mise en perspective par son unique passion, celle consacrée à sa recherche picturale.

Les flâneries de Marie-Hélène Lafon lui suggèrent le projet de décrire son admiration pour le peintre solitaire. Des musées de l’île de France aux chemins abrupts du Pays d’Aix en passant par Auvers sur Oise, naissent son envie de parler de son œuvre, si incomprise de son vivant et si adulée depuis. Mais, surtout, d’essayer d’approcher par les mots, son processus de création.

Conjuguons Cezanne !

Le Docteur Gachet, dont je ne savais pas sa proximité avec le peintre, ouvre la galerie de portraits. Camille Pissarro le suit, dont Paul Cezanne se revendique le fils. Le portrait du père, Louis-Auguste au dernier instant de sa vie, est émouvant. Il est complété de celui d’Anne-Elisabeth, qui n’a jamais arrêté de soutenir son fils, malgré son statut de bourgeoise. Et, par conséquent, la personnalité du peintre s’étoffe d’humanité.

Car du peintre hirsute, légèrement « habité », que Zola nous a laissé, réapparaît un homme sûr de son talent et sachant que la vie n’est jamais infinie, seule l’urgence du travail dictant ses journées.

Même Hortense Fiquet, nouvelle Madame Cezanne, après le décès de celle en titre, ne peut rien lui reprocher à cet homme qui aurait pu oublier de l’épouser. Paul, son fils, s’occupe des ventes et à ce moment-là, il commence à ressentir un léger frémissement du côté des rentrées d’argent.

Les cinq chapitres thématiques comportent les impressions et ressentis de l’écrivaine et la description d’un portrait. Le ton et le style sont toujours uniques et la justesse des mots imprime leurs marques indélébiles.

Avec Marie-Hélène Lafon, nous « cezannons » sous sa plume avec tellement de plaisir que ce Cezanne deviendra, assurément, un incontournable !

Puis quelques extraits

C’est une ligne de tension haute, essentielle, pour qui se mêle d’écrire, peindre, composer, créer, faire. J’aime placer à cet endroit le modeste et très usé et sempiternel et solide verbe faire, dans toutes ses acceptions. …. Le verbe créer est trop grand, trop lourd, il hausse le ton et lève le sourcil, il est empesé, il sent la Genèse et crève d’ambition. Donc je fais, je tâche de faire ce que j’ai à faire, à l’intersection cruciale du désir et de la nécessité.

Elle n’a jamais eu honte de Marie, ni de Rose; elles ne s’entendent pas toujours, le ton monte souvent avec Marie quand elle veut avoir le dernier mot, mais ses filles savent se comporter et faire honneur à la famille. Paul vit sur un autre pied, dans un monde différent , où les questions de décence, de tenue, de politesse ou même de propreté ne sont pas les mêmes que chez les bourgeois. Le mot est dans la lettre de Paul.

« Tous les bourgeois rechignent à lâcher leurs sous ». Son fils se moque des « bourgeois » et ne veut pas vivre comme eux ni adopter leurs manières, mais il dépend de leur argent pour être reconnu et celui de son père pour vivre. Elle n’a pas oublié la phrase que Louis-Auguste répétait à Paul quand il avait vingt ans; « enfant, enfant, songe à l’avenir, on meurt avec du génie et l’on mange avec de l’argent. »

Et encore

On les retrouve et on aime les retrouver, c’est mêmes aussi pour ça que l’on visite les ateliers des peintres ou les maisons d’écrivains, pour la reconnaissance, la familiarité, pour faire partie de la tribu, y entrer, s’y frotter et se tenir à l’épicentre du séisme de la peinture ou de l’écriture.

Le mouton à cinq pattes.
Pissarro appelle Cezanne comme ça, et Pissarro à bon œil.

Le monde est hisurte, il est offert, il se refuse, il galope, il s’écartèle, il suinte, il sue, il renâcle. On le prend comme il est, on n’a pas le choix, on s’appelle Paul Cezanne et on va tout réinventer.

Se frotter aux autres est souvent difficile, rugueux, être avec les autres ne va pas de soi pour Paul Cezanne, être dans le monde non plus, mais par la peinture et pour elle , il fait corps avec les pays traversés, courtisés, apprivoisés pour être peintures, l’Ile de France longuement arpentée ou des bords du lac d’Annecy qui chérit Hortense et qu’il subit.

Sa place, ce serait la peinture, le geste de la peinture, son travail, à l’atelier, dans les ateliers, tous, mais aussi et surtout dans le paysage, en immersion, à vif, au vif du motif.

Pour aller plus loin

Marie-Hélène Lafon – Une autre vie

Marie-Hélène Lafon – Les sources

Marie-Hélène Lafon – Histoire du fils

Ici en bref

Incipit
Un extrait
Puis le dernier

Du côté des critiques

Télérama

Questions pratiques

Marie-Hélène Lafon – Cezanne

Des toits rouges sur la mer bleue

Éditeur : Flammarion

Twitter : @Ed_Flammarion   Instagram : @flammarionlivres

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Parution : 13 septembre 2023

EAN : 9782080421357

Lecture : Novembre 2023

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Chroniques littéraires

18 commentaires

    • Si tu aimes le style de Hélène Lafon, celui-ci devrait te plaire ! Merci d’être passée ici !

    • Oui, c’est une vrai belle découverte et j’aime tant cette ecrivaine !
      Bonne journée 😉

    • Oui, bonne idée ! Marie-Hélène Lafon n’a pas son pareil pour faire vivre son œuvre et l’homme au travers de ces portraits ! Bonne continuation 😉

  1. Appréciant l’écriture de Marie-Hélène Lafon dont je ne rate aucun opus. Je lirai assurément celui-ci.

    • Il faut lire l’interview qu’elle a donné au Musée d’Orsay, en ligne sur leur site.
      Du coup, j’ai eu du mal à faire ma chronique tant son admiration, sa connaissance de l’œuvre et de l’homme apparaissent. J’espère que Arte va faire un doc, que j’aurais plaisir à découvrir.
      Bonne continuation

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