Nathacha Appanah – La mémoire

Délavée

RENTREE LITTERAIRE 2023

Dernière sélection du Prix Essais Renaudot

Prix des écrivains du sud 2023

vagabondageautourdesoi.com - Natacha Appanah

Le vol d’étourneaux, premier chapitre, sert à Nathacha Appanah de métaphore pour illustrer l’histoire de ses ascendants, premiers « engagés », ou coulies, venus de l’Inde pour fuir la misère et à la recherche d’un rêve que leur petite fille a accompli. La mémoire délavée est un court récit qui étudie comment le passé, même si on ne le connaît pas complètement, retentit dans le présent.

En 1872, à bord du navire John Allan, ses deux arrières – grands-parents, dont elle retrouve aux archives leurs fiches portant uniquement leurs numéros, ont débarqué à l’île Maurice pour travailler dans les champs de canne. Il a fallu surmonter leur peur de la mer noire, appelée ainsi par les Indiens. Leur traversée a duré à peu près sept semaines. L’enfant de onze ans qui les accompagnait commence aussi son travail dans la canne.

Seulement, la mémoire familiale les a effacés ne faisant commencer l’histoire de la famille qu’au début du XXème siècle. Nathacha Appanah part sur leurs traces en nous contant l’île de son enfance appelée l’île du sucre.

Premier récit

Pudiquement, en respectant les silences, les superstitions de l’une, en comprenant l’injustice qui marque de façon indélébile l’affront vécu par l’autre, Nathacha Appanah offre un livre intime et sensible où la fiction vient remplir les blancs du passé. 

La poésie y est omniprésente. L’hommage est plein de déférence, de tendresse et d’affection pour la figure de géant qu’était son grand-père et de sa frêle grand-mère qui, pour la protéger des mauvais esprits, lui disant de mettre sa culotte à l’envers ! Même si Nathacha Appanah décrit l’injustice, le racisme, la misère, aucune colère ne vient perturber l’énonciation des faits et leurs explications.

À travers cette Mémoire délavée, Nathacha Appanah revient aux sources de sa famille, de sa culture, de la tradition qui fonde toute son éducation et sa source de vie, malgré l’exil et l’esclavage vécus. Un récit tendre où le vol d’étourneaux révèle ce que le passé apporte au présent.

Pour aller plus loin

Nathacha Appanah – Rien ne t’appartient

Puis quelques extraits

Il faut enlever le vernis sur chaque page, éplucher cette peau-apparat sous laquelle le récit est nu, le récit est sincère, le langage est celui de l’eau, de la terre, de la nuit.

Tant qu’il y aura des mers, tant qu’il y aura la misère, tant qu’il y aura des dominants et des dominés, j’ai l’impression qu’il y aura toujours des bateaux pour transporter les hommes qui rêvent d’un horizon meilleur.

Souvent, j’ai essayé de comprendre ce détachement : pendant le temps éclair de la jeunesse, il y a, n’est-ce pas, tant d’autres choses à entreprendre que regarder en arrière, tant de langues à apprendre que retrouver celle de ses ancêtres, tant de nouveaux visages à aimer que de débusquer ceux à qui vous ressemblez sur les planches d’archives.

Je me demande si les peurs peuvent rester tapies pendant plusieurs générations et ressurgir.

La, maintenant, je n’ai rien à faire de la fiction, de l’imaginaire, je voudrais savoir l’impossible : le déroulé exact.

La peine. Ce mot si extraordinaire qui définit la punition qu’inflige la société à un individu. La peine du cœur, La peine du corps, la peine prolongée de l’injustice, la peine qui se transmet comme une maladie, comment les qualifier, ces peines-là ? Quelle est leur unité de mesure, en combien de gaullettes pourraient-elles être mesurées et surtout, qu’en s’arrêtent-elles ?

Je devrais accepter que la mémoire familiale soit biaisée mais parfois j’imagine ouvrir, avec des mots qui auraient le pouvoir d’une clé de biche ou d’un marteau, cette narration close autour du triptyque en forme d’échelle sociale : coulis – cap- classe moyenne.

Tant qu’il y aura des mers, tant qu’il y aura la misère, tant qu’il y aura des dominants et des dominés, j’ai l’impression qu’il y aura toujours des bateaux pour transporter les hommes qui rêvent d’un horizon meilleur.

Ici en bref

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Incipit
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Un extrait
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Puis le dernier

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Nathacha Appanah – La mémoire délavée

Instagram : @nathachaappanah

Éditeur : Mercure de France

X : @MercuredeFrance Instagram : @mercuredefrance

Parution : 31 août 2023

EAN : 9782715260269

Lecture : Septembre 2023

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Chroniques littéraires

20 commentaires

  1. je viens de le terminer et j’ai beaucoup aimé, ce récit est plein de poésie et de pudeur…
    J’ai beaucoup apprécié les grands-parents,, notamment la grand-mère 🙂

    • Oui, une conquête du passé pour lui rendre hommage et de belle façon, avec pudeur et sensibilité !

    • Oui, un récit très sensible sur ce passé qui fondé le présent. Car, dans la manière d’être de l’ecrivaine, et de la femme qu’elle est certainement, il y a les recommandations d’une femme qui ne savaient pas écrire mais qui avaient tellement compris le monde qu’elle permet à sa petite fille de venir nous émouvoir aujourd’hui !

    • Oui, tu as raison il y a une immense tendresse dans ce récit d’immigrés qui ont remplacés dans les champs de canne les esclaves qui y travaillaient. J’admire cette femme qui décrit des conditions terribles sans aucune once de colère !
      Bon week-end 😉

    • Oui il devrait y être, surtout après la Grande Librairie de mercredi ! Bonne continuation !

    • Oui, sa réserve et son hommage à ses grands parents forment un moment de lecture très sensible !

    • Oui, son style est délicat et sensible à la fois ! Une belle personnalité, semble-t-il !

    • Oui, j’ai compris à l’écouter, mercredi soir, combien elle écoutait, encore aujourd’hui, les conseils de cette grand-mère si chère à son cœur. Son écriture est empreinte de tous les conseils qu’elle lui prodiguait. Et même lorsqu’elle parle de « l’esclavage » des coulis après la vraie qui avait été arrêtée par la loi, leurs conditions de vie, aucune colère dans cette écriture qui pourtant dit tout sans rien omettre. Une personnalité très attachante et une écrivaine très talentueuse !

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