Maria Pourchet – Western

RENTREE LITTERAIRE 2023

Prix de Flore 2023

vagabondageautourdesoi.com - Maria Pourchet

Se régaler par un ton, des tournures de phrases, une impertinence littéraire, ce fut mon émotion à la lecture de Western de Maria Pourchet. En raconter des brides serait, peut-être, se priver de cette découverte si particulière qu’est le style mordant de cette écrivaine. Et pourtant, en voici des éléments :

Décor

Comme dans un Western, mais ici sur le Causse, deux protagonistes s’affrontent : Alexis dont le métier est de faire semblant décide de s’effacer du monde. Aurore n’a plus rien que des habitudes. Elle a même réussi à effacer ses désirs. Et, sur le côté, un étrange enfant, Cosma, dont les pouvoirs divinatoires sont représentés par le maniement de pierres. La fin…car dans un western, on la connaît : retrouver l’envie, le désir et la spontanéité, et repartir plus à l’Ouest, pour un renouveau espéré ! La fin, donc, sera une composition particulière où Maria Pourchet, après s’être régalée à nous promener, réveille nos doutes et laisse ses personnages prospérer dans nos têtes.

Personnages principaux

Lui, est un professionnel du regard et de la voix, de l’observation minutieuse de l’autre et de sa duperie. Un Dom Juan moderne ! Après s’être effacé de ce rôle au théâtre, il devient l’image de l’homme moderne apprécié des féministes. Seulement, celui qui est adulé un jour est vilipendé le lendemain ! Car, Alexis doit répondre d’accusations de violences sexuelles par une de ses étudiantes. Lorsque les médias se déchaîneront, la fuite sera la seule solution.

Aurore est corsetée dans sa vie rituelle, fragile et fragilisée par sa vie passée. Elle n’attend plus rien et s’occupe entièrement de son petit garçon. Cosma a développé avec cette solitude la capacité de sentir l’invisible et prépare le lecteur aux complications diverses qu’il va rencontrer.

Combat des héros

Ici, pas de corps exsangue sur le sable de la rue principale. Juste, un réajustement vers plus de franchise, de naturel et d’envie qui profite à chacun après l’emprise, l’antagonisme et la tromperie.

Entre, Maria Pourchet analyse l’emprise, le pouvoir, la rencontre, la séduction et l’acceptation de désir revisitant le mythe d’un Dom Juan, bien actuel. C’est une analyse sociologique où tous les personnages, tous les points de vue y sont disséqués avec jubilation, ironie et, bien sûr, intelligence éclairée sur le monde actuel. 

L’explication de texte sur les SMS et sur les lettres que le prédateur envoie à son objet est édifiante de ce que notre modernité ressemble à celle de Molière avec son Dom Juan. De la domination à la « vampirisation », Maria Pourchet décortique avec son journaliste blessé et opiniâtre le processus du pervers qui laisse exsangue son jouet. Un régal !

C’est dans un film littéraire que nous immerge Maria Pourcher où elle observe tout, sous chaque angle, pour nous immerger dans son décor.

Des tas de détails viennent éclairer l’intrigue, la complexifier comme est la vie, en fait. Déjà, Alexis est à aimer et quelques pages plus tard, à détester, puis le doute s’installe au fur et à mesure qu’Aurore est obligée de lui ouvrir sa maison, puis le déplace dans la grange, puis etc.

The end

En peignant dans Western, une relation actuelle entre un homme et une femme qui se refuse d’être linéaire, Maria Pourchet analyse les jeux de pouvoir et, comme dans le genre cinématographique, entraîne vers un autre monde, plus à l’Ouest encore, à investir.
Un autre coup de cœur !

Remerciements

À @EditionsStock et @NetGalleyFrance pour #Western de #MariaPourchet

Puis quelques extraits

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Le funeste exemple de Saint-Cirq-Lapopie, consacré le plus beau village de France suite à un simple reportage télévisé, a épouvanté et épouvante encore tout le département. Depuis, à Saint-Cirq-Lapopie, neuf mille mètres carrés de parking terrassent les alentours d’un site deux fois plus petit pour endiguer les véhicules des deux mille estivants qui dénoncent tous les jours d’été le pavé médiéval de ce village de moins deux cents habitants.

Dans les westerns, on recommence. On est ce que l’on espère, ce que l’on trouve, pas ce qu’on a fait. Le genre entier repose sur le solide imaginaire qu’aller à l’ouest c’est aller à zéro.

(…), nourrir à vie une rancœur de singes savants sans public.

La seule réponse à la torture quand on n’est pas suicidaire, c’est le plaisir.

Le dégoût même pas du type mais d’elle-même, de s’être regardée dans les yeux d’un homme descendre si bas sans rien faire.

Et encore,

Dom Juan au XVIIè siècle est, selon l’anathème de Snagarelle, l’épouser du genre humain. Aujourd’hui on épouse peu, les femmes ont gagné : les hommes ne leur doivent rien. Ni protection, ni mariage, ni argent, ni pardon, et le crime de Dom Juan s’est modifié avec la société qu’il parasite. Ce n’est plus d’épouser comme il respire, c’est seulement de détruire comme il parle, de prendre et de partir, (…)

Rien sauf à s’accrocher encore au point de vue du western : c’est le divorce d’avec la loi dominante qui projette les héros dans leur destin. Le jeu du western ne s’établit qu’en opposition aux règles de la cité. Et à cette initiale et décisive rupture d’attache, ils sont pour la plupart fidèles jusqu’à la mort. Ce qui fait de l’Ouest l’instrument même de leur destruction.

Ce sont les pauvres qui se corrigent. Chez les puissants, les approximations c’est la personnalité, et les défauts c’est la grâce.

Et encore, encore

Passé en quatre cents ans de fils de pute à martyr, d’un ordre social répressif à un ordre normatif, forme plus sournoisement efficace de la répression, le Dom agonise aujourd’hui en chef de file des connards innocents et le déclin, c’est toujours beau à regarder quand il est joliment mis en scène.

Ça raconte la suite ou comment, à travers l’exemple d’Aurore, les femmes se manipulent pour que ça tienne, pour ne pas devoir tout recommencer. Chercher, plaire, rencontrer, rassurer, s’installer, croire, programmer. Surtout les femmes comme elle, qui pensent que c’est déjà un miracle d’avoir son homme à soi, qui pensent que si de toute évidence on n’est pas complètement l’égale de l’homme à soi, c’est qu’on doit faire encore des efforts pour lui prouver que si. On va donc l’avoir cet enfant. Mais elle va faire le reste aussi, la formation, le boulot, le fric, et tu vas voir si c’est pas moi qui décide. Ça raconte à gros traits, à la prune, la fin de l’amour et se faire marcher sur la gueule.

Tout peut mentir sauf la voix.

Et encore, encore, encore

Je pense aujourd’hui que c’est là ce qu’Alexis cherchait, en voulant si clairement se placer dans le tableau des névroses connues. Lui plaire dans ses démissions, les lui faire accepter. Se coller complaisamment sur la tronche les étiquettes cliniques du XXème siècle, satirisme, érotomanie. Regarde-moi sur la pente qui plonge à pic vers le bas, ne suis-je pas beau quand je glisse ?

Ce n’était pas elle qu’il aimait, c’était lui, quand il était beau, c’est d’une banalité.

Dans les westerns, le théâtre que constitue l’artère principale est toujours vide, au vent près qui soulève la poussière. L’homme qu’on recherche est ailleurs, dans la plaine, dans la tête.

Violée une fois, la première. Volée serait plus juste. Le larcin ce n’était pas ma virginité, je priais qu’on me la prenne, même n’importe comment. J’avais déjà un appareil dentaire, des petits soins, alors me traîner un hymen qui finirait par se voir presque autant c’était non. Le larcin ce n’est pas la chair. C’est l’idée que j’avais de moi, celle d’être égale. Avant je courais dans les bois, je skiais comme eux, je mettais moi aussi des claques et je savais dire non.

Ici en bref

D'habitude, je ne partage pas mes lectures lorsqu'elles ne m'ont pas plue ! Mais, là, c'est le livre qui se vend à plus
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Incipit
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Un extrait
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Western – Maria Pourchet

Éditeur : Stock

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Parution : 23 août 2023

EAN : 9782140498206

Lecture : Septembre 2023

Littérature générale

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Chroniques littéraires

22 commentaires

  1. Matatoune, voilà une chronique qui me perturbe. L’an dernier j’avais détesté Feu, que j’avais trouvé sans aucun intérêt et après t’avoir lu je me dis qu’il faut peut-être que je retente avec cette auteure.

    • Pas sûre que tu aime celui-ci, alors. Feu est souvent qualifié de meilleur de cette écrivaine, devant celui-ci, par les puristes ! Alors, peut-être, faut-il oublier

  2. Drôle que tu y vois un ‘film littéraire’. L’autrice-camera est placée partout dans tous les recoins et scrute les détails mais c’est plutôt genre camescope que 35mm. Par contre je partage entièrement ton avis sur le mordant de son écriture.

    • Oui, c’est vrai le western, ça date ! Genre très boomer, en fait !
      Découvrir Clint Eastwood sur grand écran dans un ciné du quartier latin avec son manteau long en daim retourné, et la musique d’Ennio Morricone…
      Quel souvenir !
      Seulement, la stature de Dom Juan si adulé de Clint, encore toujours plus réac aujourd’hui, s’est effacé devant la masculinité qu’essaye d’incarner nos fils et plus tard, à leur tour, leur fils, me plaît quand même bcp mieux aujourd’hui ! 😉

    • Non, c’est un genre vieillot et que depuis longtemps on a remisé dans les vieux films. Mais, ici, peut-être, que cela montre le moment où le pouvoir change de camp. Alexis connaît tous les attributs de l’emprise et il en abuse dans ce rôle de Dom Juan qu’il incarne depuis toujours. Seulement, c’est la femme qui va reprendre la main en le révélant à lui-même. Comme lorsque les villageois arrivent à repousser l’ennemi et à vivre enfin en paix ! 😉

    • Le plaisir qu’a pris Maria Pourchet à écrire son roman est perceptible dans toute l’écriture de ce roman où un roi meure pour faire naître un homme !
      Bonne journée 😉

    • J’ai aimé la façon dont Maria Pourchet  » denude » son héros, Alexis et ce lent processus de renaissance d’Aurore et aussi cette façon toute singulière d
      ’écrire!
      Bonne journée 😉

    • Oui, j’ai bcp aimé son écriture et cette façon de mettre le focus sous tous les aspects et cette histoire d’un Alexis qui se « denude » autant, ce héros déchu qui commence en s’intéresser à l’autre, m’a passionnée ! Un très bon moment de lecture ! Merci pour ton lien aussi 😉

  3. Je viens de l’écouter en replay à la Grande Librairie, elle m’a donné envie de lire son livre, et ta chronique me confirme dans ce souhait. Merci

  4. Pas attirée par ce roman, ni par son sujet hyper-rebattu ni par les extraits… Je fuis !
    Merci en tout cas pour cette présentation d’un livre que je vois beaucoup en librairie et sur lequel je m’interrogeais !

    • Chacun ressent différemment, c’est ce qui fait la richesse de nos ressentis. Moi j’ai aimé ce style mordant et je me suis glissée entre ces pages avec bcp de plaisir !

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