Je suis le carnet de Dora Maar

– Brigitte Benkemoun

Prix Geneviève Moll de la biographie 2019 Première liste du Renaudot Essai 2019

Vous aimez les enquêtes et les biographies originales… Alors  » Je suis le carnet de Dora Maar » écrit par Brigitte Benkemoun est une lecture qui va vous enchanter !

Le mari de  Brigitte Benkemoun perd son carnet. Uniquement disponible en occasion,  elle en rachète un autre et découvre, en recevant l’envoi, un répertoire datant de 1951. Apparaissent les adresses d’Eluard, Cocteau, Douglas Cooperland et tant d’autres … Petit à petit, il devient évident que l’égérie des surréalistes en était la propriétaire.

Qui n’a pas rêvé de vivre une telle aventure ? Trouver un trésor et remonter l’histoire de son propriétaire…A la manière d’un détective racontant ses relations au fil des noms trouvés dans le carnet, Brigitte Benkemoun, journaliste devenue écrivaine, décrit la vie talentueuse d’une photographe devenue muse et compagne de Picasso pendant plus de dix ans (1937-1946). Leur rupture la laisse à jamais « la femme qui pleure »…

Elle finit sa vie en fusionnant avec Dieu n’ayant pu s’unifier à jamais avec son génie, s’isolant de plus en plus, gardant tout, refusant toute visite sous des prétextes toujours fallacieux mais continuant à peindre comme « son maître » le lui avait suggéré, avec un livre nauséeux oublié (?) dans sa bibliothèque !

Toute une longue vie décrite ainsi par petites touches qui s’assemblent, comme un puzzle, au fil des situations, des événements et des époques !

Deux ans de recherche avec des rencontres, des fausses pistes, des rendez-vous, des conversations que Brigitte Benkemoun  offre, dans un langage simple, pour construire un portrait vivant, tout en nuance et délicatesse, d’une femme, sa jeunesse effacée, devenue blessée, malade, complétement esseulée, mais libre !

Ce procédé présente une galerie de personnes célèbres ou pas : allant du plombier contacté pour installer une salle de bains afin de combattre l’hygiène encore douteuse de son compagnon à celui du psychanalyste, Jacques Lacan, qui, après sa rupture avec Picasso, assurera son soutien pendant presque sept ans, après lui avoir administré des électrochocs interdits à l’époque, en passant par Brassaï, Balthus, Breton mais aussi Anne de Noailles, Jacqueline et Huguette Lamba, etc…

Avec son « Je suis le carnet de Dora Maar », Brigitte Benkemoun décrit une personnalité souvent excessive, absolue et entière, qui a par son talent et son amour marqué le XXè siècle. Un livre à découvrir avec la visite de la belle exposition qui lui est consacrée au Centre Pompidou en ce début d’été!

Merci à #NetGalleyFrance et #Stock pour #JeSuisLeCarnetDeDoraMaar

Ce livre m’a été offert en service de presse par Netgalleyfrance. Remerciements aux éditions Stock. Ceci est mon avis en toute honnêteté et sans pression, comme d’habitude.

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Suis-je prête à passer dans les pas d’une bigote antisémite? Peut-on écrire sur quelqu’un sans l’aimer ? J’espère au moins comprendre pourquoi et comment on devient ce qu’elle a été. Pourquoi on dérape, pourquoi on dérive, pourquoi on achète ce livre là.

Elle correspond à l’idée qu’ils ( les surréalistes) se font de la femme idéale : belle, rebelle, artiste, talentueuse, inspirante…voire un peu hystérique.

Il ne fait aucun doute que le macho.( Picasso) ne supporte pas que sa compagne soit trop indépendante…. il ne cherche pas à la briser en lui conseillant de peindre: il estime la pousser à devenir une véritable artiste.

( Guernica) L’enjeu politique est colossale et le défi artistique exaltant.

Et dans l’œuvre de Picasso, elle devient  » La femme qui pleure » , défigurée, dévastée. Personnage Kafkaïen, disait-il, symbole de toutes les guerres et des hommes.

…on ne quitte pas Picasso ! On ne le remplace pas! Ses femmes lui appartiennent même quand il s’en lasse et les répudie. S’il pouvait, il les conserverait dans une sorte de garde-meuble, avec toutes ces vieilles choses qu’il refuse de jeter.

Ou alors, il observe leurs tableaux comme un rapace pour y chiper une idée, une couleur, un mouvement, un détail médiocre qu’il transformera en génie.

Bien sûr ils ne sont pas responsables. Mais comme il est cruel de se vanter d’avoir fait exister une femme aussi fragile.

Fille d un croate fascinant et d une grenouille de bénitier, Dora Maar n’a peut-être été révolutionnaire avant guerre que pour épouser l ‘époque et suivre la mode.

Et encore

 » Les femmes sont des machines à souffrir, disait Picasso à Malraux. Dora pour moi a toujours été la femme qui pleure. Elle a toujours été un personnage kafkaïen.

« Je suis surpris de découvrir que son monde n avait pas changé. Même séparée de mon père, elle avait les mêmes amis, elle voyait exactement les mêmes personnes !  » Picasso Claude

Mais la véritable tache est ailleurs : dans ses relations indignes et ses légèretés obscènes, ce nazisme de salon et les compromissions alimentaires, Hitler et Mein Kampf arrosés au champagne.

Page après page, jour après jour, cet agenda livre la chronique, douloureuse ou pleine d’espérance, d’une femme toujours dépressive mais qui glisse en quelques semaines du divan au confessionnal. Elle rejette la psychanalyste pour s’abandonner à un directeur de conscience, mi moine mi-gourou.

Pourtant, en 1973, elle cesse de les voir eux aussi. C ‘est l’année de la mort de Picasso, quatre ans après celle de son père. Elle a perdu ses repères…Lacan aurait souri…pères et repères. ..Elle coupe les derniers ponts, s’enferme avec ses fantômes. Plus aucun garde-fou.

 » Après Picasso il ne peut y avoir que Dieu »

Et encore, encore

Tout se mélange…Jusqu’ à l’image de Dora et de ma mère dont on dit qu’elles se ressemblent. Il m’a fallu des mois pour l ‘admette. Mais l’ une sourit l’autre pas.

Dora et Balthus ont un autre point commun : ils se définissent tous les deux comme des artistes chrétiens ! Ils prient tous les matins avant de commencer à peindre comme « une voie d’accès à Dieu, (…) une quête vers la Merveille » ( extrait de Mémoires de Balthus ). Il est probablement le seul à comprendre ce qu’ elle éprouve et à ne pas s’inquiéter de ce que les autres appellent une « dérive mystique « .

Elle s’est donc banalement intoxiquée avec ce cocktail de frustration, de rancœur, d’amertume et de foi dévoyée. Qu’espérais-je trouver que cette haine ordinaire?

Alors, après avoir adoré ses photos, j’ai fini par aimer ses tableaux, ses paysages épurés, ses natures mortes, à la fois sombres et lumineuses, ses croquis pointillistes, et cet acharnement à poursuivre son chemin sans se soucier des critiques.

D'habitude, je ne partage pas mes lectures lorsqu'elles ne m'ont pas plue ! Mais, là, c'est le livre qui se vend à plus

 

Je suis le carnet de Dora Maar – Brigitte Benkimoun

Éditeur : Stock

Parution : Mai 2019

ISBN : 2234083605

Lecture : Mai 2019

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18 commentaires

    • Oui, tout à fait d’accord et passionnante enquête pour ceux qui sont friands de cette période! Bonne fin de semaine !

  1. belle critique en effet. Dora Maar m’intéresse alors je le note!!!
    aurais-tu un livre à ma conseiller sur Gala la muse de Dali (due je préfère à Picasso, mais je me répète!) ?

    • Oui, je sais ta préférence pour Dali ! Non, j’avoue n’avoir pas lu quelque chose sur elle récemment ! Désolée ! Mais, je sais que le livre « Gala Dali » de Carmen Domingo paru à la fin 2018 raconte la vie de cette femme ! Si tu peux le lire, j’aurais plaisir à découvrir ton avis ! Bon weekend !

    • Je suis entrain d’écrire la présentation de l’exposition de Pompidou sur elle! A travers ses différentes œuvres, elle se livre et du coup, on en apprend davantage ! Bon weekend, Eveline !

  2. Merci pour l’excellente présentation de ce livre que je vais m’empresser d’acheter et de lire
    – L’expo fut un plaisir, nul doute que lire cet ouvrage sera un bon complément. Je vous souhaite un très agréable week-end Tatoune 🙂

    • Merci, c’est gentil ! Je trouve que le livre est un bon complément de l’exposition qui montre les œuvres de l’artiste. le livre essaye de décoder la femme ! Bonne exposition, alors !

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