Sarah Jollien-Fardel – Sa préférée

RENTRÉE LITTÉRAIRE

Prix du livre FNAC 2022

Prix Goncourt des Prisons 2022

vagabondageautourdesoi.com- Sarah Jollien-Fardel- Avec Sa préférée, Sarah Jollien-Fardel propose le récit d’une victime qui dès son plus jeune âge a refusé de l’être par orgueil, peut-être, par dépit, sûrement, et avec une extrême vigilance, sans aucun doute.

Un roman comme un hurlement, où Jeanne, la narratrice, n’en finit pas de traîner la maltraitance de l’enfance oscillant entre colères tonitruantes et culpabilités invalidantes, et pourtant, elle était sa préférée !

Brins d’histoire

Ce court roman se lit presque d’une traite, tant Sarah Jollien-Fardel maîtrise son style tiré au cordeau sur le fil de nos émotions. De sa mère et de sa sœur, elle sera celle qui fut la plus préservée des coups répétés, des insultes salissantes, des violences extrêmes déchaînées pour rien. Tout le monde savait, mais personne n’en a rien dit. Le silence comme barrière infranchissable sur l’horreur !

Quand tout tourne autour du bourreau ! Quand l’air que le reste de la famille inspire est celui qu’il expire ! Quand tout s’arrête avec le bruit d’un moteur ! Quand … Que leur reste-t-il, sinon le dédoublement par le rêve. Du moins, c’est la voie choisie par l’une d’entre elles. L’autre se noiera dans le regard des autres. Et elle, Jeanne, n’en finira pas de se défier pour ne pas sombrer.

Ainsi, Jeanne se veut ailleurs, profitant des rêves que lui inspirent les livres. Les études, puis la transmission de son savoir seront sa fuite. Seulement, celles qui restent payeront trop chers le prix de sa liberté. Et cette connaissance-là sera autant de gouffres qu’il lui faudra franchir pour continuer à cheminer, propre à l’extérieur et ravagée de l’intérieur.

Premier roman

Sur le souhait d’oublier le passé au prix d’étouffer tous désirs, Jeanne sait faire ! A vouloir le renier, elle ne cesse de se mentir.  Sarah Jollien-Fardel sait nous rendre voyeur de cette destruction qui, des années après les sévices, impacte tous les interstices d’un chemin de vie à jamais douloureux.

Pardonne-t-on à son bourreau ? Et, pourtant, Sarah Jollien-Fardel met son héroïne dans cette question entraînant vers d’autres abandons, jusqu’à la fin du roman.

Et quelle fin !

Les paysages tiennent une place importante. Les montagnes du Vallais en Suisse deviennent au fil du roman après avoir été le lieu de l’emprise, une ancre, un territoire apaisé. Lausanne, où Jeanne s’enfuira, s’ouvre sur le monde avec la présence du lac où la narratrice aime s’y plonger, comme le liquide amniotique de sa renaissance.

Sarah Jollien-Fardel, journaliste suisse, a longtemps mûri ce roman. Et, puis, un jour, les premières lignes devinrent une évidence. Rien n’a été révélé sur la ressemblance de l’écrivaine avec Jeanne, mais son engagement dans des associations de femmes battues dit plus que toutes les confidences non dites.

Pour conclure,

C’est par cette fiction terriblement maîtrisée que Sarah Jollien-Fardel, mieux qu’un documentaire, montre les difficultés à se construire lorsque les racines se développent sur le terreau de la violence, des cris et des coups.

Sa préférée a déjà reçu le Prix Fnac 2022 et est encore en lice pour le Goncourt. Qu’importe car sa lecture ne peut laisser personne indifférent ! À découvrir sans tarder…

Puis quelques extraits

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Puisqu’il avait le pouvoir terroriste de moduler l’air et l’ambiance, j’étais en permanence obsédée par lui.

Ces mots connus de tous, arrangés à ma sauce, accolés à un adjectif plutôt qu’un autre, formaient ce truc qui n’existerait pas sans moi. Ce n’était pas de la fierté, c’était une joie solitaire avec un pouvoir magique immense : m’extirper de ma vie.  

Notre misère familiale venait d’ailleurs. Dans les agissements violents et l’inculture paternels, dans l’obscénité verbale, dans la fermeture d’esprit.

On sait tous que les paroles ne sont pas forcément la vérité, mais qu’elles peuvent modifier la réalité.

Comme dirait mon père : « Vous envoyez un Français cinq jours en Chine, il reviendra spécialiste du pays et fera même des conférences sur le sujet alors que moi, je vis en France depuis plus de quarante ans et je serais bien incapable d’expliquer quoi que ce soit. »

Tandis que j’écris ce livre [2020-2021], le Liban traverse une période dramatique de son histoire, « aux bombes près, c’est encore pire que pendant la guerre » m’a whatsappé mon oncle Habib qui ne quittera le pays pour rien au monde.

J’ai besoin de l’écrire cette guerre, de la raconter, de comprendre ce que mes parents ont ressenti et vécu. J’essaie de mettre des mots sur des photos de famille, des images que j’imagine, sur celles d’un pays détruit, en ruines (…). Je les feuilletais pendant des heures et je découvrais cette terre qui me donnait envie malgré sa violence.

Ici en bref

D'habitude, je ne partage pas mes lectures lorsqu'elles ne m'ont pas plue ! Mais, là, c'est le livre qui se vend à plus

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Incipit

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Sarah Jollien-Fardel – Sa préférée

Twitter :    Instagram : @sarahjollienfardel

Éditeur : Sabine Wespieser éditeur

Twitter : @wespieser Instagram : @sabinewespieserediteur

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Parution : 25 août 2022

EAN :  9782848054568

Lecture : Octobre 2022

Littérature contemporaine

Essais

Auteurs commençant par H, I, J, K

Chroniques littéraires

17 commentaires

  1. Un roman d’une noirceur totale qui émeut durablement. C’est tellement bien écrit. Coup de cœur pour moi aussi. C’est assez courageux de la part de la Fnac d’offrir le prix littéraire 2022 à un roman aussi tragique. Merci pour le lien vers ma chronique Matatoune !

    • Un des grands romans de cette année, oui tout à fait d’accord. Sûr il figurera dans mon Top 10 famille 😉

  2. Je viens de le lire – grâce aussi à ton article. En effet, un uppercut – et la noirceur est moins dans les mots (elle ne rajoute ni de brou de noix ni d’encre noir-noir) que dans la représentation que nous nous faisons sur sa base dé-sentimentalisée…. Merci !

  3. un roman « coup de poing » qui laisse KO debout, mais que j’ai eu plaisir à lire, malgré la noirceur du sujet. Une écriture très vive, très simple, qui nous happe , et qui restitue bien le sentiment du vécu. Très grand roman, limpide et courageux.

    • Oui c’est tout à fait ça : un coup de poing ! Je suis tout à fait d’accord avec toi. Merci de rappeler son importance

  4. Bonjour Matatoune
    Le sujet est trop lourd pour moi, sans doute parce qu’en tant que professeure, je suis trop souvent confrontée à des enfants en souffrance.

    • Oui, je comprends tout à fait car cette analyse de la violence familiale est implacable et ne peut qu’évoquer des situations vécues où la colère renvoie à l’impuissance ! Il faut mieux lire de quoi rêver 🙂

  5. Bonjour Matatoune. Le sujet ne me tente pas du tout même si c’est bien écrit et court. J’ai besoin de rêver à des mondes meilleurs quand je lis. Bonne journée

  6. On parle beaucoup de ce livre, mais ce sujet est trop lourd pour moi en ce moment. J’espère qu’elle aura le Goncourt. Bonne journée

    • C’est un roman à découvrir vraiment même si on en parle partout. Le sujet est évidemment pas vraiment léger mais il se lit rapidement happé par sa langue stylistique. Bonne fin de journée 🙂

    • oui comme vous, je ne dis pas non si je le trouve mais je n’irais pas spontanément

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