Rentrée littéraire hiver 2022
“Le Connenara”, cette chanson de Michel Sardou sortie en 1981 que Nicolas Mathieu utilise comme un fil rouge pour décrire une quadragénaire arrivée là où elle le souhaitait déjà enfant mais s’apercevant que de changer de milieu, d’accomplir ses rêves, n’enlève pas les problèmes et les déconvenues.
Quelques mots de l’histoire …
Hélène Poirot a tout réussi et son environnement le prouve. Une école de commerce dans le top 10 lui a ouvert un monde où plus rien n’était comme avant : une maison d’architecte, un travail à responsabilités, une famille avec ses deux merveilleuses filles et son mari au un “poste en or” chez Axa . Néanmoins, un burn-out l’oblige à quitter Paris et à embarquer filles et mari pour revenir dans sa province natale, l’Est de la France.
Grâce à Philippe, son mari, elle retrouve un emploi à responsabilités qu’elle espère transformer en s’associant dans une boîte d’audit et de conseils en direction notamment des services publics qui se restructurent. La vie se déroule ainsi jusqu’au moment où Hélène croise une ancienne gloire de son lycée.
Christophe est en instance de divorce et voit son fils par alternance. Il est un représentant de commerce confronté à des objectifs professionnels impossibles à tenir. Son père a de plus en plus la mémoire défaillante. Il a repris le hockey, son sport préféré qu’il a pratiqué dans sa jeunesse avec un certain succès. A noter, lui n’a jamais pensé partir au delà de son département.
Et, la chanson
Pour Christophe et ses copains,
L’on y croit encore
Que le jour viendra, il est tout près. Extrait de la chanson Connenara
et malgré les vicissitudes de la vie, l’espoir renaitra toujours, à un moment ou à un autre !
Hélène a choisi de fuir son milieu depuis qu’elle a vu où habitait sa meilleure amie. Néanmoins, elle s’est aperçue très vite que le vernis social n’était pas la réalité. Pourtant, elle continue encore à y croire, encore.
On dit que la vie, c’est une folie
Et que la folie, ça se danse. Extrait de la chanson Connenara
Une histoire d’amour va naître entre les deux. Au début, elle veut ajouter la gloire de sa jeunesse à sa vie monotone. Lui découvre que cette jeune fille sérieuse et même bêcheuse est devenue une quadragénaire plutôt assez séduisante. Cette relation leur permet de clore une tranche de leur vie, celle de l’après enfance.
En conclusion,
Nicolas Mathieu mène une enquête sociologique sur cette génération qui a pu s’élever dans l’échelle sociale et bouleverser un certain déterminisme en faisant des études pour changer de milieu. Actuellement, on dit transfuge de classe, expression que je n’aime pas, car elle sous-entend la tromperie des deux côtés. Nicolas Mathieu préfère nous décrire, comme un peintre impressionniste, par petites touches, racontant sans colère et sans hargne, le passé pour expliquer leur présent. Du coup, il interroge sur la place qu’on nous assigne, celle qu’on prend ou celle qui nous reste à honorer !
De plus, les personnages secondaires sont tout autant réussis : Les familles de Christophe et Hélène, les copains d’enfance de Christophe, son patron à elle, etc. La stagiaire Lison, personnage plus jeune qui va monter un #Metoo à l’envers, est savoureuse, avec ses contradictions entre son féminisme et ses aspirations à se laisser dominer par d’autres, mais qui ne laisse personne “gouverner son cul” !
La chanson déclenche pour chacun la boîte à souvenirs qui les suit partout. Nostalgie, quand tu nous tiens ! Mais, cet air connu a le pouvoir de les faire retrouver leur jeunesse pleine d’espoir et d’apporter comme un souffle nouveau. Une peinture sociale très réussie !
Puis quelques extraits
Depuis, elle lit comme une dératée, emmagasine tout, comme Mathilda justement, elle lit contre le monde entier, ses vieux, les autres, la vie.
Elle aussi voudrais être de ce monde en noir et blanc, écrire des poèmes, des romans, connaître des amours fatidiques, disposer du décor adéquat pour une vie qui tient la route.
Sa vie est comme une cocotte-minute. Elle sent la pression montée. Elle se dit qu’elle ne tiendra jamais, c’est trop, c’est pas assez, et des larmes coulent toutes seules alors qu’elle n’est même pas si malheureuse.
Elle était de toute façon de ces femmes qui doivent toujours comprendre, les colères et les lâchetés, se trimballer les gosses et torcher les vieux, être toujours moins bien payée et dire amen. De mère en mère, c’était comme ça.
Hélène les a détestés pour ce scepticisme de gagne-petit, leur philosophie d’éternels baisés qui mue la modestie en vertu, le larbinat en sagesse, l’ambition en arrogance. Hélène, elle, veut tout.
Et, encore
Trahir est une vilaine besogne.
Elle se dit que Hélène sera de ce monde-là un jour, celui du commandement et du savoir , les gens qui donnent des ordres d’un ton évasif et marchent un dossier sous le bras, rigolent de trucs incompréhensibles et se conduisent avec les autres comme les adultes avec des enfants. Ça la dégoûte et le réjouit.
C’est leur terrible métier de parents, donner à cette gamine les moyens de son évasion.
Au fond, c’est ce que tout le monde attendait, qu’un enfant du pays se distingue, qu’il soit jeune, beau et doué. Qu’on puisse imprimer la légende. On a si peu de raisons de se réjouir dans ces endroits qui n’ont ni la mer ni la tour Eiffel, où Dieu est mort comme partout, et ou les soirées s’achèvent à vingt heures en semaine et dans les talus le week-end.
Ici en bref



Du côté des critiques
Le Monde –
D’autres blog en parlent
Au fil des livres – Pamolico –
Questions pratiques
Nicolas Mathieu – Connemara
Éditeur : Actes Sud
Twitter : @ActesSud Instagram : @actessud
Facebook : @actessud
Parution : 2 février 2022
EAN : 9782330159702
Lecture : Février 2022
En lisant ce roman j’ai pensé à Annie Ernaux, pour le côté sociologique, et à Olivier Adam aussi , pour les descriptions peu flatteuses de la classe moyenne. J’ai mieux compris aussi le discours récurent de Nicolas Mathieu sur les transfuges de classe. Comme un soulagement , pour lui “d’en être sorti”. Je n’ai pas senti de condescendance de sa part, quand il décrit ses personnages, mais j’ai ressenti une sorte de tristesse à la fin de la lecture. Comme s’il ne restait qu’une atmosphère poisseuse comme une tache de confiture sur une toile cirée.
Belle image ! Il faut voir et écouter le message qu’il a donné à chacun à la grande librairie. Il dit “La vie n’est pas un roman et se finit par “Réserve-toi le plus possible pour la joie” et “Tu n’as qu’une vie défends la ” Tout est dit 🙂
J’ai beaucoup aimé ce roman moi aussi.
Oui c’est un plaisir de decouvrir les romans de Nicolas Mathieu. Il a encore une fraîcheur que peut-être Annie Ernaux a moins maintenant … En tout cas, son prix (Nobel à elle) éclaire la littérature qui raconte ce qu’on appelle maintenant le processus de transfuges de classe qui pendant longtemps à été qualifiée de sous- littéraire….
Un auteur que j’adore. J’ai donc acheté ce roman les yeux fermés. Plus qu’à le lire 😉
Oui, vraiment très réussi . Merci d’être passé ! Bon week-end !
[…] en parlent également : Au fil des livres, Matatoune, Pamolico, Lili, Baz’Art, Marie-Eve, Nat & Rose, Agathe, Julie, Romain, InTheMoodFor, One […]
[…] Ils/elles en parlent aussi : Lili au fil des pages. Agathe the book. Books, moods and more. Les liseuses. Au fil des livres. One more cup of coffee. En lisant en écrivant. Tu l’as lu ?. In the mood for… Plume de l’hirondelle. Vagabondage autour de soi […]
Il semblerait que tu aies aimé ce livre…Bisous bisous
Oui, bcp Bonne soirée 🙂
il me tente plus que les précédents je l’ai déjà noté pour plus tard, car ce serait peut-être un bon moyen d’entrer dans l’univers de l’auteur 🙂
je l’ai noté car il me tente plus que les précédents et on en parle beaucoup alors pourquoi ne pas commencer par celui-ci 🙂
Je l’ai trouvé très bien ..A suivre peut-être 🙂
Je vais le commencer, je te lirai donc après !
Le sujet ne me disait rien, mais tu sembles conquise.
Oui, plutôt ! A toi de voir 🙂
Cette analyse de notre société me paraît intéressante. Je prends note, mais la liste s’allonge démesurément 😉
Oui, moi aussi 🙂
Le roman dont tout le monde parle mais qui pour l’instant ne m’attire pas trop peut-être justement car un peu dans la zone du précédent, un après adolescence, un auteur “spécialiste” des études sociétales….. Oui bon on verra s’il est à la bibliothèque et uniquement par curiosité 🙂
A toi de voir ! Il faut toujours suivre ses envies !
Bien sûr 😉
de bonnes critiques sur ce livre, plus la vôtre, je vais me laisser tenter
J’aurais plaisir à lire votre avis 🙂
L’histoire ne m’attire pas trop… Et puis la chanson de Sardou n’est vraiment pas ma tasse de thé. Je vais passer mon tour sur ce roman… Bonne journée Matatoune !
Dommage, car c’est un chouette roman 🙂
Tu me donnes envie de découvrir ce livre. Je le note. Bonne soirée
J’ai bcp aimé ! Bonne soirée