A presque trente ans, Édouard Louis en a peut-être fini avec cette rage de changer, de quitter, de fuir qui l’obsède dès qu’il a pris conscience de sa différence et qu’elle le rejette.
Le récit autobiographique, Changer : méthode, témoigne de blessures qui forcent l’enfant puis le jeune adulte à refuser son statut social et le détermine à tout tenter pour le quitter et pour s’en construire littéralement un autre en imitant les caractéristiques de chaque classe sociale qu’il a fréquentée. Puis, enfin, arrivée dans les palaces cinq étoiles, avec des voyages dans le monde entier, Édouard Louis comprend combien son ambition est vaine puisqu’il n’est que ce qu’il est !
Car dans Changer : méthode, Édouard Louis explique toute la honte qu’il a ressenti vis à vis de son milieu social. Mais cette honte dirigée vers ses parents est en fait celle qu’il ne pouvait diriger vers lui-même sans se perdre complétement. La scène du dentiste, ou d’autres, sont édifiantes de ce corps, malgré tous les maquillages dont on le pare, qui témoigne de ses origines sociales.
Depuis qu’il écrit, Édouard Louis ne cesse de dénoncer la violence de classe. Celle qui assigne à la place que la société a donné une fois pour toute. Et, il a eu beau tenter d’imiter la démarche, la voix, le vocabulaire, et même la façon de respirer, il reste à jamais ce petit gars de son village de Picardie obligé par sa mère d’aller à l’épicerie quémander la nourriture avec la promesse de payer bientôt !
La société s’entiche d’un nouveau terme : transfuge de classe ! Je refuse cette expression ! Elle révèle la condescendance du milieu accueillant l’autre comme un déserteur, un mystificateur qui ose prétendre à changer de classe sociale. Exactement, ce que sous-entend Édouard Louis dans Changer : méthode !
Un récit à découvrir !
Avec ce récit de fuite pour vivre, Édouard Louis décrit la honte de sa sexualité, sa quête pour la découvrir et même son utilisation pour en vivre. Terrible est cette expérience dès le plus jeune âge où il faut cacher ses penchants, se faire violence et même accepter le rejet qui murit une rage à la hauteur de l’affront.
Ce récit est à découvrir tant est bouleversant et émouvant la parole d’un fils à son père qui comprend au fil des pages combien cette quête était à la fois aussi indispensable à sa survie qu’elle reste vaine ! Pourtant, c’est grâce à celle-ci qu’ Édouard Louis a la capacité de transformer sa colère en littérature ! Une voix que j’aime toujours retrouver à chaque fois avec autant de plaisir !
Pour aller plus loin
Ici en bref


Puis quelques extraits
Je ne savais pas encore que l’humiliation allait me contraindre à être libre.
Le théâtre, la littérature, le cinéma, j’avais le pressentiment qu’ils seraient les outils qui me mèneraient à une nouvelle vie.
Malgré tout je sais que vous étiez fiers aussi, toi et ma mère, fiers d’avoir un fils qui s’en sortait, qui faisait des études, qui était presque le seul garçon du village dans cette situation, fiers d’avoir un fils qui en fin de compte était un candidat à la bourgeoisie.
Chaque parcelle de lui était synonyme du mot Liberté, Liberté conquise contre toi, contre toute ma vie, Liberté la barbe sur son visage, Liberté les muscles sous le tee-shirt, Liberté la pilosité de ses bras, liberté son sexe qui se tendait sous la toile de son jean, Liberté contre ce que le monde avait voulu de moi.
Je pense que je voulais changer pour me libérer et que j’aurais pris n’importe quelle issue pour m’enfuir.
La philosophe Eve Kosofsky Sedgwick parle quelque part de l’énergie transformatrice que peuvent produire les enfances humiliées.
Je comprenais que Savoir=Pouvoir.
Mon privilège c’était d’avoir connu la vie sans privilège.
Du côté des critiques
D’autres blog en parlent
Questions pratiques
Édouard Louis – Changer : méthode
Éditeur : Éditions du Seuil
Twitter : @EditionsduSeuil Instagram : @editionsduseuil
Instagram : @elouis7580
Parution : 16 septembre 2021
EAN : 9782021483048
Lecture : Octobre 2021
[…] empreint d’émotions tendres d’une rare intensité. Mème si j’ai beaucoup aimé Changer : méthode, paru en octobre, celui-ci revêt une analyse sociologique réussie des femmes de ma génération. […]
J’hésite encore … La violence sociale qu’il dénonce me parle, mais je crains une posture trop artificielle, comme celle que l’auteur a pu tenir dans les médias suite au succès de son premier roman. Que j’avais dévoré, d’ailleurs, très secouée mais aussi happée par le sujet et l’écriture.
Toujours suivre son intuition, c’est l’intelligence du cœur ! 🙂
J’avais été beaucoup marquée par la justesse de son regard et de ses propos dans En finir avec Eddy Bellegueule mais je me suis arrêtée là, parce qu’il y a tant à lire… en effet. Je lirai sans doute un jour ses autres écrits, ils éclaireront sans doute beaucoup, comme le premier, mon quotidien de prof, confrontée à des mélanges de classes sociales imposés.
Oui son écriture se bonifie au fil des livres ! De plus, la description de sa différence est d’une réalité qui vient du plus profond de sa personnalité. J’aime le suivre depuis son premier !
je n’ai encore lu aucun de ses livres, je suis réticente je ne sais pas trop pourquoi, la violence probablement…
Lui n’est pas violent ! Par contre les situations qu’il a été amené à vivre le sont ! Bon début e semaine !
Moi non plus je ne le connais pas, et ne suis pas attirée. Je suis intéressée par le savoir mais pas par le pouvoir…
Notre société met en relation savoir et pouvoir malheureusement ! Bon début de semaine !
Ce livre a l’air plus emprunt d’émotions que son premier qui m’avait déçu.
En tout cas, je l’ai ressenti ainsi !
Je suis tentée également par ce roman, j’ai lu son premier livre En finir avec Eddy Bellegueule, qui m’a beaucoup marquée…
Celui-ci étudie en la racontant la rage de fuir son univers social dont il a tellement honte puis il s’aperçoit que …
J’ai un très mauvais souvenir de son premier ouvrage et comme il le dit de l’utilisation de son homosexualité comme alibi d’écriture (en résumé). Je n’ai pas apprécié son écriture, sa violence et quand je croise au hasard d’une interview je n’arrive pas à accrocher à ses propos…… Alors je passe 🙂
J’aime la façon dont il s’approprie un Je si difficile pour lui à porter, à incarner et à faire vivre. Cet auteur est pour moi très prometteur du haut de ses vingts neuf ans ! Il représente aussi actuellement une voix qui parle de la violence sociale, de celle invisible qui contraint sans le dire chacun dans son univers… Mais, je peux comprendre que cette rage et sa colère puissent être compliquée à ressentir ! De toutes façons, il y a tant à découvrir ….
très tentée par ce sujet sensible
Oui, un sujet fort …
Un écrivain au franc-parler (j’avais bien aimé sa préface, comme par un lancer de boomerang, au livre “Retour à Reims” de Didier Éribon). 🙂
Cette préface, je ne l’ai pas lue. Mais, dans celui-ci, Édouard Louis explique combien ce livre lui avait ouvert d’autres envies mais aussi des réflexions sur sa classe sociale ! Pour lui, comme avec Annie Ernaux, c’est comme un maître à méditer !
J’aime bien cet écrivain, un peu dans la continuité d’Annie Ernaux, je trouve, avec le côté “autofiction” et “conscience sociale” et le souci de dire la réalité la plus crue.
Oui, c’est parfaitement résumé ! Merci pour ce retour !
Tiens ton article en deux paragraphe ne facilite pas la lecture de celui-ci aujourd’hui…Bisous
Oui je n’arrive pas à le régler ! Je cherche … Bonne soirée
Je ne connais pas cet auteur, mais ce que tu en dis ne m’attire pas du tout. Bonne journée
Pas grave, il y a temps à découvrir ! Bonne soirée !