Tonino Benacquista – Porca miseria

Rentrée littéraire hiver 2022

vagabondageautourdesoi.com - Tonino Benacquista Porca miseria, dont la traduction est putain de merde, était l’insulte récurrente du père de Tonino Benacquista, Césare ! Et dans ce nouveau récit, il le raconte, lui, qui ne sait que noyer son amertume dans son vin jusqu’au moment où il se couche. Alors, seulement, sa famille peut de nouveau respirer !

Tonino Benacquista raconte aussi sa mère,  Eléna, conquise par le cotè frustre de Césare. Telle une « Sabine », il l’enlève, à la vingtaine, et l’emmène en France, espérant trouver la fortune. Mais, là, où son frère ainé parti pour les États-Unis et en revient en Cadillac, Césare, toujours ouvrier, ne peut que glisser des tablettes de chocolat dans les valises de ses quatre enfants pour offrir à ceux qui sont restés.

Deux mots uniques sont prononcés par cette mère : cholestérol et contrariété. Ils évoquent le malaise de cette femme obligée de se laisser guider dans la rue par son fils, âgé alors d’une dizaine d’années. Elle est complétement étouffée et même maltraitée par ses conditions de vie et la maladie de son mari. Ce syndrome du déracinement est décrit avec beaucoup d’émotions  tant l’amour du fils transparait dans ces pages.  Du coup, ce sont les enfants qui sont l’interface entre ce couple et le monde. Et lorsque ses sœurs partent ainsi que son frère aîné, Tonino Benacquista reste seul avec ces adultes.

En chapitres courts, Tonino Benacquista questionne la manière dont il a grandi, sa terre, son identité face à ses parents qui sont restés à jamais des émigrés. Et, pourtant, leur dernier fils démontre à partir du récit de sa jeunesse, comment il ne s’est senti que français.

De cet écrivain dont j’avais aimé il y a quelques années les écrits puis après un peu perdu de vue, j’ai eu plaisir à retrouver son sens de la narration, avec les images qu’elle suscite et la simplicité des émotions qu’elle évoque. Mais, plus encore qu’un récit autobiographique, Tonino Benacquista analyse son rapport à la langue écrite.

Porca miseria, est un récit sur le passé et sur le rôle qu’a joué la littérature dans la vie d’un écrivain reconnu et apprécié. Un retour sur une jeunesse par un homme qui, apaisé par l’âge venant, se permet de regarder son passé sans amertume, ni nostalgie, ni même de regret. Une vie, en somme, qu’on a plaisir à découvrir !

Puis quelques extraits

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Il en emportera le mystère avec lui, nous privant d’une explication qui nous aurait aidés à lui pardonner.

C’est dans cet aréopage que je puise pour créer mes personnages de fiction, volant à celui-ci un détail physique, à celle-là un trait de caractère, que j’agrège selon mes besoins et mes envies.

Notre banlieue est une sorte d’oxymore. Elle est tranquillement laborieuse. On y vit durablement en transit. Elle impose son développement perpétuel, ici une cité dortoir, là une autoroute. Sans que sa population soit consultée, on la morcelle, on l’a redistribue, on l’a restructure. Ses dénominations lui ôtent toute identité : agglomération, périphérie, faubourg, zone suburbaine.

Les effacés, pensent-ils, rêvent-ils plus forts que les agités ?

Aujourd’hui encore, sur l’idée de culture, j’envie ceux qui savent séparer le bon grain de l’ivraie. J’en suis toujours aujourd’hui incapable.

Ma famille et moi sommes de ce peuple qui prend le baratin pour de la faconde, les phrases toutes faites pour de la répartie et les poncifs pour du bon sens, les jeux de mots faciles pour des traits d’esprit et le café du commerce du débat public. Au contradicteur agile, je suis incapable de le répondre sans un temps de retard, celui de la confusion ou de la gêne.

Autant d’injonctions produisent sur moi l’effet opposé : une méfiance à vie pour toute pensée dogmatique.

Et encore …

Ne rêvons plus, Cesare et Elena s entre-tueront peut-être un jour, mais jamais ils ne me feront cadeau de leur rupture.

Faute de réparer, écrire c’est rétablir. C’est rendre dicible ce que je pense, ce que je ressent, ce que l’on est .

La fiction, c’est du rêve fait main. C’est jouer à On dirait qu’on est des pirates même quand on est tout seul. C’est aussi donner du sens aux évènements de la vie quand ils semblent n’en avoir aucun. C’est raconter faute de comprendre. C’est prendre ses réalités pour des désirs. C’est un stylo et un bloc- notes, une phrase qui en appelle une autre, à condition de tenir en place et de n’avoir rien de mieux à faire. Écrire n’autorise aucune exhibition de l’ego ni ne procure de satisfaction immédiate; on ne s’asperge pas de peinture, on ne casse les oreilles de personne avec des fausses notes, on ne franchit pas de ligne d’arrivée sous les bravos.

Le roman noir, c’est de la fiction en marche, déterminée, c’est de l’investigation, de la recherche de la vérité cachée, souvent sombre et dérangeante.

Se livrer au plaisir de l’extrapolation, c’est se consoler du talent que la vie n’a pas eu.

Ici en bref

D'habitude, je ne partage pas mes lectures lorsqu'elles ne m'ont pas plue ! Mais, là, c'est le livre qui se vend à plus

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Un premier extrait
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Puis un second

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Tonino Benacquista – Porca miseria

Éditeur : Gallimard 

Collection Blanche

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Parution : 6 janvier 2022

EAN : 9782072953767

Lecture : Mars 2022

Littérature contemporaine

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18 commentaires

    • J’ai bcp aimé ce récit émouvant d’un homme qui regarde son passé avec bienveillance mais sans mensonge…L’âge certainement !

  1. Je n’ai encore jamais rien lu de cet auteur, mais ta chronique me donne une grande envie de le découvrir, je le note. Bon dimanche

  2. C’est un écrivain que j’apprécie beaucoup également. Pas de souvenir d’avoir été déçue, mais je n’ai pas tout lu…😉 J’aime bien sa façon de raconter, avec un certain recul, et une belle écriture. Merci pour ton analyse. Bon week-end !🌞

  3. je n’ai toujours pas commencé à aborder son œuvre et pourtant j’en ai plusieurs dans ma PAL, cela en fera un de plus aïe! il va falloir que je fasse vraiment le ménage, et que je résiste à certaines tentations sinon je vais passer à côté dont j’ai vraiment envie 🙂

    • Je t’admire d’avoir tant et tant en attente …Trop intuitive, j’y vais à l’instinct et tant pis si je passe à côté de « chefs-d’oeuvre si à l’instant où je les rencontre, il ne me font pas envie 🙂

    • Oui, exactement sauf que je ne sais plus à partir de quels romans … J’ai oublié 🙂

    • Non, au contraire …Je viens de retrouver au écrivain avec qui j’avais passé de bons moments 🙂

  4. Comme toi, j’avais beaucoup aimé cet auteur, puis deux titres décevants et je n’avais plus la curiosité de le lire. Mais là, j’aime beaucoup les citations que tu as choisies. J’attendrai quand même la sortie en poche, mais je suis tentée à nouveau.

    • Ah, oui, j’ai eu vraiment bcp de plaisir à le re-découvrir. A l’époque, je lisais ses livres et ceux de Djann avec bcp de plaisir. Puis, je ne sais plus qd j’ai arrêté. Mais j’ai continué Djan. Et, là je retrouve son ton, son style et sa simplicité! Belle redécouverte qui me fit plaisir !

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