Les Effacées viennent de paraître. C’est l’événement de ce mois d’avril, côté parution pour les romans policiers. Ce thriller, en introduisant pour la seconde fois son enquêtrice, permet à Bernard Minier de signer un roman très réussi autour des aspects néfastes des réseaux sociaux avec leur influence sur nos sociétés et le darknet qui échappe à toutes les lois.
Deux enquêtes
Lucia Guerrero, lieutenante, est enquêtrice à L’union Central opérationnel (UCO) de Madrid, la plus célèbre enquêtrice de la Corogne. Ses surnoms sont « la Guerrière » , »Robocop », » Terminator », « Carrie » … Elle est accompagnée le plus souvent par Arias, son second, qui louche fortement, mais dont la complicité ne nécessite aucune parole.
Ils gèrent l’Affaire des séquestrées de Galice. Un trou dans le sable pour accueillir un corps allongé, habillé, bien mis, les ongles faits, trois têtes d’ail à ses côtés, un rosaire et des ciseaux dans le cœur. Il semble que cela illustre une légende de la région…
Mais, toutes sont des femmes de l’ombre, ouvrières ou employées de conserverie, kidnappées puis séquestrées pendant cinq jours, avant d’être assassinées.
Marta Millàn est morte. Elle était une figure de la jet-set de Madrid, proche de la famille royale. Son corps, sectionné en deux, est retrouvé en deux endroits différents. Les politiques sont inquiets. Lucia est délocalisée pour prendre la tête de cette enquête. Pour l’accompagner, un bleu, tout neuf, le Sergent Mateo Soler!
Au niveau privé, dans la vie de Lucia il y a le souvenir de Rafael, son petit frère, au-dessus de la falaise, un matin d’été. Mais aussi, il y a son fils de onze ans dont la garde a été confiée à son père. Puis, sa mère est dans le coma, depuis un AVC en novembre dernier.
Des deux côtés, d’autres victimes vont emmêler ses deux enquêtes.
Thriller social
Dès les premières pages, le social est présent chez Bernard Minier. Il s’y inscrit avec pudeur, juste en toile de fond, comme un incontournable à ne jamais négliger. Ainsi sont abordés la différence de traitement entre les deux enquêtes, le darknet où il n’existe aucun interdit ainsi que les manipulations, qu’exerce sur nos sociétés, les réseaux sociaux.
Seulement, Bernard Minier insiste sur les inégalités sociales que beaucoup dénoncent, comme une illustration d’un sentiment de plus en plus partagé par le plus grand nombre provoquant même émeutes et manifestations violentes.
Nouvelle enquêtrice
Alors, bien sûr, le personnage de Lucia énerve, même au sein de son équipe, tant elle fonce sans se soucier des dégâts collatéraux. Mais sa complexité est bien rendue entre privé et professionnel.
Bernard Minier réussit à créer sa flic de polar, crédible, intelligente et obstinée. On s’attache à ce personnage qui s’oblige à être anguleuse alors qu’elle pourrait être toute en rondeur. Ni une « super woman », ni une flic obstinée, Lucia se laisse aussi aider lorsqu’elle est dans le brouillard. C’est assurément une possible série qui devrait trouvait son public et alterner avec le personnage de Martin Servaz, devenu culte au fil des publications.
La Galice
Le choix de l’Espagne comme toile de fond pourrait laisser supposer l’envie de Bernard Minier d’inscrire son polar dans l’histoire trouble de ce pays. Mais, au contraire, l’écrivain entre dans un univers qu’il n’a jamais exploré, me semble-t-il, l’art contemporain.
De même, pour l’enquête sur les séquestrées, Bernard Minier réussit à immerger dans une problématique complètement opposée à celle du début.
De façon concise…
Bernard Minier propose avec Les Effacées un thriller particulièrement réussi et introduit dans ce tome 2, une enquêtrice que j’aurais plaisir à retrouver dans ses prochains.
Pour aller plus loin
Puis quelques extraits
Une ville où le temps passait plus lentement qu’ailleurs, une ville où il avait trouvé la paix que lui refusait le milieu trop fébrile des artistes contemporains, ces petits ego sur pattes qui se prenaient pour Michel-Ange et qu’il devait constamment cajoler, menacer, intimider, supplier.
Son rôle ( la justice) est d’évaluer les responsabilités individuelles, non les fautes collectives, et d’appliquer les sanctions conformément au barème prévu par la loi, pas de rendre justice pour l’exemple…
(…) nous sommes tous le produit de nos gènes, de notre éducation et de notre passé, mais ça n’enlève rien à notre responsabilité. À tout moment, nous pouvons, nous devons choisir-et en dernier ressort, ce sont nos actes qui nous définissent, pas nos paroles ni ce qu’il y a dans la boîte noire de notre cerveau. Tout le reste est littérature.
Alors, pour pouvoir haïr en toute bonne conscience, il faut dépersonnaliser l’objet de sa haine.
C’était ainsi que fonctionnaient les sociétés modernes : entre pessimiste et légèreté, morale et hypocrisie, excédent informationnel et amnésie. Sauf que, comme elle l’avait lu quelque part, l’information rend le sage plus sage et l’idiot plus dangereux.
Ici en bref
Du côté des critiques
Du côté des blogs
D’autres avis : Tomabooks – Tu l’as lu –
Questions pratiques
Bernard Minier – Les Effacées
Éditeur : XO Editions
X : @XOeditions – Instagram : @xo_editions
Parution : 4 avril 2024
EAN : 9782374485454
Lecture : avril 2024
Bonjour Matatoune. J’apprécie beaucoup et auteur et j’ai plusieurs livres de lui dans ma PAL. Celui-ci devrait aussi me plaire. Bonne journée
Oui, si tu l’apprécie, alors il faut y aller les yeux fermés 😄
Bon week-end
Je n’ai encore jamais lu Bernard Minier. Ce que tu en dis donne envie. On parle beaucoup de cette sortie, il est devenu une valeur sûre ! Merci Matatoune pour ce joli retour ! 🙂
Un vrai incontournable pour moi, bien que les avis semblent mitigés dans la blogosphère ! Merci 🙏
Ces polars sont toujours super bien ficelé mais je vais attendre encore pour celui-ci. Bises bonne journée
Oui, pas d’inquiétude ! Il t’attendra 😉. Bonne continuation
L’aspect social me tente énormément, c’est un livre que je lirai comme tous les Minier, mais j’ai toujours un an de retard pour ses livres, d’ailleurs en ce moment je suis en train de lire ou plutôt de dévorer Un Oeil dans la Nuit 😊. Ton avis sur Les Effacées est très convaincant !
Alors, j’aurais plaisir à lire ton avis sur Un œil dans la nuit 😉 que je n’ai pas lu !
Je ne suis pas adepte de thrillers ou de polars mais c’est toujours instructif de lire tes chroniques à ce sujet. Merci de cette présentation, bonne journée 🙂
Je sais ! Mais, les sorties polar envahissent les étals en avril et mai, et je ne peux passer à côté ! Bonne continuation 😉
Il est dans ma pal en audio. Je vais d’abord écouter Lucia, le premier épisode, sans doute la semaine prochaine. Bonne journée
Lucia était une ébauche, je ne l’avais pas chroniqué. Là, le personnage s’est épaissi et prend toute son ampleur ! Bonne lecture audio !
Malgré ta note très positive et tentante, je vais sans doute passer cette sortie pour le moment à cause du sujet, le darknet et ses méandres, c’est trop abstrait pour moi.
Bernard Minier nous explique simplement qu’il y a un continent où les lois ne s’appliquent pas . Et c’est quand même très problématique !
Il y a tant à lire…
Très bonne idée de lecture !
Merci Mata
Un thriller très bien mené, écrit avec bcp de talent . Une valeur sûre !