Magyd Cherfi – La vie de ma mère

RENTREE LITTERAIRE HIVER 2024

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Dans La vie de ma mère, Magyd Cherfi, ex-chanteur de Zebda, raconte l’émancipation d’une femme de quatre-vingt ans et la reconquête d’un amour parental, trop malmené précédemment. C’est enlevé, savoureux et caustique, et parfaitement réussi !

Huit mois que ce fils, cuisinier au chômage, Slimane Kaoui, nouvellement célibataire, n’a pas vu sa mère ! Après un éloignement de sa femme, il héberge ses deux grands fils de temps en temps, Les paroles aigries entre le fils et la mère ont laissés des rancœurs qui ont poussé chacun à prendre ses distances.

Il faut dire que la fameuse mère a de la ressource : ses mots sont des balles qu’elle envoie pour blesser afin d’éviter d’être atteinte par ceux des autres.

En s’associant avec un ami, dont sa famille lui reproche d’être juif, il a ouvert le premier Food Truck qui a vulgarisé une cuisine issue de ses deux origines comme cet hamburger aux épices du soleil, sorte d’Hallal Burger, comme le suggère la couverture. Une façon de présenter sa préférence qui a fondé tout son engagement, sa vie durant : être français avant d’être Kabyle.

Tendre et drôle

La vie de ma mère est le cheminement d’un fils et de sa mère pour qu’ils s’apprivoisent, se détestent et se redécouvrent afin de permettre à la sincérité de pousser les mots de la tendresse au bord des lèvres. Mais, c’est aussi le récit du chemin que mène une femme, dans les dernières années de sa vie, pour trouver sa liberté et pour développer son libre arbitre afin de l’imposer à ses enfants.

Magyd Cherfi introduit dans le récit de son narrateur suffisamment de truculences, de traits d’humour et de traits acerbes pour que ce duo prennent vie et nous retiennent dans leurs récits. Évidemment,  ce narrateur ressemble  un peu à son créateur lui-même : la soixantaine bien sonnée, l’embonpoint bien installé et le drapeau français en étendard.

Magyd Cherfi, après avoir poursuivi une nouvelle carrière après le groupe Zebda autour du groupe Toulouse Contour, se consacre aussi à l’écriture. Ses premiers écrits sont des nouvelles. Le troisième Ma part de gaulois bénéfici d’un accueil remarqué du public et des critiques puisqu’il figure dans la première sélection du Goncourt 2016. Son adaptation cinématographique sortira en fin janvier de cette année.

En conclusion,

Dans la description des situations vécues, observées et décryptées, les personnages deviennent vivants et terriblement sympathiques. Ces boomers français aux prises avec tous les tiraillements culturels, politiques et sociaux subis sont très intelligemment décrits. Les portraits des frères et sœurs s’entrechoquent dans ce microcosme intime. Associant tirades acides et humour, on frise le burlesque. Les chapitres courts s’enchaînent. Et, le temps passe agréablement !

De façon plus concise…


Cinquième écrit de cet ex-chanteur-compositeur, Magyd Cherfi, La vie de ma mère raconte les déboires d’un sexagénaire de la seconde génération aux prises avec une mère aux désirs d’émancipation assumée. C’est enlevé, savoureux et caustique, et parfaitement réussi !

Puis quelques extraits

Toujours cette schizophrénie chez moi de me fondre en Arabe quand trop de Blancs s’agglutinent au mètre carré…et l’inverse au milieu de trop d’Algériens.

Faut que j’aille voir si je suis le frère de mes frères et celui de mes sœurs, j’étais quand même pas né fils unique !

Maman conserve, maman garde, maman fait l’épicière, réflexe d’affamée.

La pauvreté, bon sang! ça vous emboucanne jusqu’à l’os, voilà ce que j’ai pensé.

Il nous avait fallu deux décennies, à mes frères et à moi, pour lui faire intégrer la notion de gauche, une de plus pour la droite, et je me suis rendu compte que je ne savais pas où précisément situer le macronisme sur l’échiquier idéologique.

Comment dit-on Freud en hébreu ?

Et Œdipe, ça se dit comment en Kabyle ?

Et encore,

Elle avait cette facilité qu’ont les grandes sœurs à jouer les autruches, parce que chez nous, les grandes sœurs veulent garder les frères à tout prix. Les apparences, c’est tout ce qui comptait pour elles, en gros, entretenir le mythe de la famille nombreuse où les vêtements se passent d’un âge à l’autre.

On a beau avoir faim, on regarde sa sœur et c’est sa mère qu’on voit, font crier les racines, ces défaites.

De la peine, je savais que j’en avais aussi pour moi, parce qu’arrive un âge on rêvede trêve,, de frères et sœurs, de vrais parents qui bien qu’âgés, nous traiteraient encore en enfants, nous époussetant un peu de poussière sur un revers de manche.

Arrive un âge où on réclame des prolongations pour rattraper le retard, un rab pour le goût trop vite passer du sucre et de la margarine. Si nous n’avions pas été aimés, nous nous serions endurcis comme les autres de la cité et je ne serai pas là à exiger d’une mère une caresse ou qu’elle me traite « d’égal à égal ». Pas aimés, aurions-nous fait allégeance à la terreur ? Pas aimés, on se serait laissé pousser une barbichette afin d’être haï, c’est ça :

C’est comme si l’hôpital décourageait toute envie de planter ses guêtres, ça ressemble à cette France terrorisée de nous voir débarquer en parasol. Manquait plus que l’affiche qui précise « La salle d’attente, tu l’aimes ou tu la quittes. » Ça dénigrait le prolo jusqu’au sein des services publics.

En bref

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Incipit
Un extrait
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Puis le dernier

Questions pratiques

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Éditeur : Actes sud

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Parution : 3 janvier 2023

EAN : 9782330186487

Lecture : janvier 2024

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Chroniques littéraires

11 commentaires

    • J’ai bien aimé le thème, le ton et la façon de le traiter. Alors, peut-être à suivre avec le plaisir de connaître ton avis !

    • Alors, j’aurais plaisir à lire la chronique ! Il était dans Le cours de l’histoire sur FCulture vendredi !

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