Claire Berest – L’épaisseur

D’un cheveu

RENTREE LITTERAIRE 2023

vagabondageautourdesoi;com - Claire Berest -Claire Berest décortique de façon presque chirurgicale dans son nouveau roman L’épaisseur d’un cheveu le délitement d’un couple jusqu’à la violence imprévisible du féminicide.

Brins d’histoire

Étienne Lechevallier est correcteur pour les éditions de l’Instant fou. Seulement, il ne se limite pas à corriger les fautes, retoucher de-ci de-là des tournures de phrases et remettre une virgule pour laisser circuler la lecture. Non, Étienne peut réécrire presque complètement les ouvrages qui tombent entre ses doigts. Il ne supporte aucune déviance, aucune familiarité et aucun contresens.
Vive, sa femme, est photographe au carnet d’adresses très fourni. Elle travaille quelques après-midi à l’association Nid des Arts.

Étienne et Vive partagent leur vie depuis dix ans. Il est plus juste de dire qu’il partage le même appartement, tant leurs relations se sont délitées. Le concert du mardi soir reste le seul moment de partage de leur vie commune.

Le lundi, Vive organise un vernissage auquel Étienne est convié. Vincent de Gazeau, son ami de toujours, est aussi présent. A partir de cet événement, l’inévitable va se produire trois jours plus tard !

À chaque fois, Étienne rate “à un cheveu” tout ce qu’il touche : par exemple, la mention “Très bien” sur sa thèse par rapport à un malentendu ou le concours des Chartristes.

C’est aussi à un cheveu de sa vie que celle de sa compagne va basculer dans l’horreur.

Féminicide désossé

Avec ce récit qui aurait pu s’appeler chronique d’un féminicide annoncé, Claire Berest démontre lentement l’évolution d’une personnalité masculine au bord du précipice qui va plonger dans l’irrationnel. Elle montre le moment de basculement où la folie prend le pas sur la raison. L’analyse fine et précise ne peut que déboucher sur l’impensable.

L’écriture comme d’habitude est maîtrisée mais elle s’étire, s’étire longuement frisant l’ennui, comme le peu de nouveauté dans la vie d’Étienne, notre narrateur.

La personnalité d’Étienne est l’objet de cet ennui. Il est engoncé dans sa rigidité maladive avec ses conduites habituelles qui obligatoirement débouchent sur la colère dévastatrice. En tout cas, chaque ligne ajoute à la certitude que l’explosion de la violence est irrémédiable. C’est insupportable. Le malaise grandit au fil des pages. Il devient étouffant.

Claire Berest montre l’engrenage intellectuel dans lequel s’enferme son héros jusqu’à faire douter le lecteur sur la responsabilité de sa femme dans ce féminicide. Car, Vive appuie, de manière trop forte, sur les difficultés qu’il rencontre. Elle sait son manque de confiance et l’abus des rituels qu’ils utilisent pour continuer à pouvoir vivre. Et, pourtant, la crise est pour elle un point vers l’évolution de son couple.

Seulement, est-ce qu’une crise pour une prise d’autonomie doit déboucher sur un féminicide ? Et, là, on est au cœur de la problématique posée par Claire Berest. Car, on est tous un peu un Étienne et on est aussi tous un peu une Vive. Brillant !

Ce roman n’est pas facile à lire. Le malaise s’y répand jusqu’à l’inévitable. Car, nous, lecteur, on reste voyeur, comme souvent dans la vie réelle. Et, ça de la savoir, c’est insupportable !

Alors, votre avis ?

Pour aller plus loin

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Puis quelques extraits

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Et depuis 2016, : microentrepreneurs ! Des êtres aux micro-aspirations, avec des micros — bras et micro-coeurs avaient tranché d’invisibles scribes de la loi Pinel.

C’était la première chose qu’elle lui avait racontée, comme si elle voulait qu’il la rassure séance tenante, au cas où, si toi tu viens en moi, toi, tu resteras.

Et il avait échoué à un cheveu.

Mais il n’avait pas fait partie de ces enfants que les parents très tôt inscrivent au conservatoire afin de ne pas seulement privilégier leurs penchants égoïstes de petits animaux portés aux jeux, mais de les conforter à l’effort.

La maison d’édition s’était fait racheter quelques mois plus tôt par un gros groupe, à l’avenant d’autres maisons indépendantes, les lignes éditoriales bougeaient suivant les antennes des nouveaux actionnaires, les audaces littéraires se refroidissaient, des postes se préparaient à disparaître, le climat s’était tendu, alors le groupe avait organisé une grosse fête de fin d’année pour recréer des liens.

Et encore,

Les contraires s’attirent parce qu’ils se rassurent et colmatent les brèches.

Le métier de correcteur était devenu un métier de free-lance – affreux anglicisme sans couleur qui avait fait son nid dans la langue française comme une méchante pie, que l’on pouvait facilement traduire par ” travailleur indépendant ” .

(..) qui était, de l’artisan ou du concepteur, le véritable artiste ?

Et, puis chaque communauté humaine d’intérêts a besoin en son sein d’un personnage dissonant.

Ici en bref

D'habitude, je ne partage pas mes lectures lorsqu'elles ne m'ont pas plue ! Mais, là, c'est le livre qui se vend à plus

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Incipit
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Un extrait
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Puis le dernier

Questions pratiques

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Quatrième de couverture

Claire Berest – L’épaisseur

Twitter Instagram @claireberest

Éditeur : Albin Michel

Twitter :  @AlbinMichel   Instagram :@editionsalbinmichel

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Parution : 23 août 2023

EAN : 9782226475015

Lecture : Août 2023

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Chroniques littéraires

8 commentaires

  1. Bonjour,
    Pas certaine d’avoir envie de lire sur ce sujet mais ce que tu en dis pourrait me faire changer d’avis… plus tard peut-être.
    Je suis très tentée par contre par le texte des deux sœurs sur leur grand-mère.
    Bonne journée
    Anne

    • Leur écriture à quatre mains est très réussie surtout que cette femme était un peu oubliée derrière ses deux amants ! L’épaisseur d’un cheveu ne fait pas l’unanimité. Certains trouvent son analyse au scalpel des qq jours avant le feminicide très factuelle. Moi, je trouve justement qu’est là son talent : d’écrire la montée de l’inévivable de cette personnalité qui va carrément laisser venir sa violence meurtrière.

    • Ce qui m’a fascinée, c’est la façon dont Claire Beredt monte sa toile d’araignée qui va emprisonner la femme dans les griffes de son mari ! Et, le sentiment étrange, dérangeant, presque insoutenable que le lecteur ressent !

    • La carte postale était celui de sa sœur. Immense succès, c’est vrai! Ces deux femmes, et en plus sœurs, qui ont opté pour la littérature sont si différentes physiquement. Claire est la cadette et voue une admiration à sa sœur. Elles ont écrit ensemble un roman Gabriele sur leur grand-mère Gabriele Buffet- Picabia. Claire est tatouée de partout, certainement plus fantasque. Anne était passée à la Grande Librairie l’année dernière et le stress la faisait parler très étrangement, comme une grande bourgeoise, et pourtant c’était très intéressant ! Celui-ci devrait rencontrer son public et peut-être être récompensé d’un prix, du moins, je l’espère ! Bonne journée

  2. Pour une fois, j’ai lu les extraits avant ton avis, et les deux me font penser qu’il me tente de plus en plus ce livre, dont le sujet à priori m’éloignait. Trop ancré dans une réalité qui déborde et assaille …

    • Celui-ci donne une impression très bizarre. Claire Berest raconte très tranquillement une histoire horrible. Car, ici il n’y a aucun signe de violence préliminaire, juste une montée très méthodique vers cette seule solution pour le narrateur ! Et cette ambiance-là est terrible pour le voleur que le lecteur est ! Complètement différent de ses précédents, elle démontre son talent littéraire très sûr !

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