Lydie Salvayre – Irréfutable essai

… de successologie

vagabondageautourdesoi.com - Lydie Salvayre - À l’ère du tout image, au point que les jeunes femmes pratiquent la chirurgie esthétique pour ressembler à des photos produites par l’Intelligence Artificielle, Lydie Salvayre propose un essai cynique, plutôt cinglant, sur la culture du paraître dans notre société.

Et, au lieu de transformer son écrit en nostalgie qui signe la vieillesse plus que les rides, du genre “c’était tellement mieux avant”, Lydie Salvayre parodie les écrits de développement personnel et présente un manuel du parfait “Paraître”, devant assurer à coup sûr le succès dans le milieu littéraire mais pas uniquement !

En deux parties, Irréfutable essai de successologie décline des recettes pour être reconnu, non pour son talent, mais pour sa capacité à imposer son image dans tous les lieux d’opinion.

Lydie Salvayre manie l’humour avec délectation, réussissant en plus de cent soixante-dix pages à ne pas lasser son lecteur ! Ici, le concept de successologie diffère de celui d’arriviste, chargé d’ondes négatives récoltées depuis Balzac et son Eugène de Rastignac. Il est aussi différent de celui de la renommée qui associe une nuance de talent dont la successologie est dépourvue.

En qualifiant ses lecteurs, de “mes candides”, “mes chers”, “mes sensibles” et même “mes amis”, et tant d’autres, Lydie Salvayre se transforme en coach ! Est-ce en mieux-être ? Non ! Est-ce en coach de performance ? Toujours pas !

Non, l’écrivaine pousse avec humour à réfléchir et remettre en questions ces miroirs aux alouettes qui vantent une vie facile, des œuvres reconnues par tous, etc.

Alors que pour elle :

“(…) les vrais livres doivent être les enfants non d’un grand jour et de la causerie mais de l’obscurité et du silence. ” Marcel Proust – Le temps retrouvé

Puis quelques extraits

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Il a été, en effet, mille fois démontré que, pour gagner les cœurs et se réconcilier la sympathie des plus rétifs, le meilleur moyen était de se montrer con avec les cons, odieux avec les odieux, enjoué avec les gens enjoués, raciste avec les racistes, et penseur avec les pensants.

On l’affectionne. Il n’y tient pas.
On lui résiste. Ça l’indispose.
On le craint. Ça l’enchante. Ça l’enivre. Ça l’émerveille.
Il ne s’en lasse pas.
On l’aime d’un amour apeuré. Il en abuse sans remords.
On l’admire. Ça le flatte. Ça l’émeut. Ça l’attendrit. Il en deviendrait presque bon.

Il s’adresse d’un ton paterne aux jeunes écrivains et écrivaines qui prétendent aux honneurs littéraires. Il arrive même qu’il les félicite, tout à sa joie de constater l’abîme qui existe entre le tirage de ses livres qui avoisine les 200000 exemplaires et ceux de ces malheureux plumitifs dont le nombre d’invendus égal ou presque le nombre d’exemplaires imprimés.

Ayant réussi à s’arracher par sa seule vaillance à la condition sociale à laquelle il ou elle était fatalement condamné.e et à franchir l’abîme qui le ou la séparait du beau monde, ce ou cette prolétaire en ascension, comme le définissent les sociologues, devient rapidement la coqueluche des bourgeoises de province qui lui trouvent une volonté de fer et un cœur gros comme ça.

Passion qui n’empêche nullement notre homme de peser, soupeser, évaluer, sonder, scruter et mesurer sur toutes les coutures les chances mathématiques qu’offre un livre de rapporter du blé.

Camper dans sa posture de justicier, il poignarde consciencieusement, scrupuleusement, minutieusement, les quelques ouvrages qui lui semblent relever d’une morale relâchée, la sienne ayant – toute son existence en témoigne – la raideur du granit.

Serait-il trop couard pour dézinguer comme ils mériteraient de l’être, ces livres insolents qui bravent l’opinion des bonnes gens !

Et forcez-vous, pour plaire à la classe moyenne, d’être moyennement brillant, moyennement profond, moyennement optimiste, et moyennement moral.
Ou affectez de l’être.

Ici en bref

D'habitude, je ne partage pas mes lectures lorsqu'elles ne m'ont pas plue ! Mais, là, c'est le livre qui se vend à plus

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Premier extrait
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Puis le second
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Un troisième
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Puis le dernier

 

4 commentaires

  1. C’est bizarre que Lydie Salvayre critique les auteurs à succès car elle-même est une écrivaine à succès. Et puis où veut elle en venir avec sa dénonciation de la classe moyenne ? Elle-même doit être lue en grande partie par la classe moyenne. J’ai l’impression que tout ça n’est qu’une posture de bobo germanopratine assez vaine. Mais il est possible que je lise ce bouquin pour me rendre compte du désastre. Merci pour cette chronique en tout cas !

    • Oui c’est une satire humoristique, bien écrite et surtout bien étudiée ! Bonne soirée

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