Jean Védrines – L’enfant rouge

RENTRÉE LITTÉRAIRE HIVER 2023

vagabondageauutourdesoi.com - Jean Védrines -Dans L’enfant rouge, Jean Védrines raconte sa jeunesse à hauteur de l’enfant qu’il était. Décrivant l’univers des militants communistes, il confronte ses souvenirs aux documents qu’il a retrouvés pour comprendre l’histoire à la fois de l’engagement de ses parents, mais aussi de leurs déceptions, au fil du temps.

Un brin d’histoire

Dans la famille Védrines, il y a tout d’abord le grand-père, Jules, pionnier de l’aviation. Celui qui a posé, en 1919, son biplan de toile et de bambou, léger comme une plume, sur le minuscule toit des Galeries Layettes. Mort en héros, pulvérisé dans son engin !

Il y a aussi sa mère, originaire de la Haute Loire. Et son père, véritable Lénine des luttes à Montluçon. Et, lui, le petit qui raconte sa jeunesse au cours de trois périodes, ses 6/8 ans, puis vers 11 ans, puis au début de son adolescence.

La chaise à Cachin, la fédé et aussi Maurice au bon sourire (Thorez, pour ceux qui n’auraient pas trouvé ! ), il y a aussi le massacre de Charonne et toujours les défilés des luttes, toujours les manifs !

Alors, du haut de ses six ans, Jean Védrines sème ses souvenirs en y mélangeant son ressenti d’adulte. Lorsque l’adulte essaye de prendre position, devant l’idolâtrie du parti, par exemple, il est rattrapé par le môme de six ans qui admire tellement la figure paternelle, même si elle lui fait peur et même s’il ne comprend pas tout. Le monde de l’enfance est revisité, ou inversement, par l’adulte qui écrit !

Alors,

La génération des parents est celle de la mort, omniprésente, ceux de la dernière guerre déjà, mais aussi ceux des luttes de l’après où la violence est au coin de la rue. Alors, l’enfant exprime avec poésie tout ce monde passé par son attirance pour la Place des Poteries, surnommée celle du Colonel Fabien,  où il ressent l’onde des morts du charnier romain qui y demeurent.

Jean Védrines décrit le rêve, le jeu, l’instant présent de l’enfance, ses préoccupations métaphysiques pour comprendre le monde, ou du moins, pour tenter de l’appréhender et de l’apprivoiser.

Du côté des parents, Jean Védrines dépeint l’entre-soi et le secret à outrance, la méfiance maladive et même la désillusion qui blesse. Malgré tout, le parti reste la famille, sorte de collectif indispensable, où il faut s’oublier pour être le garant de l’espérance et de la fierté ouvrière.

En conclusion,

Le roman L’enfant rouge entremêle le récit puissant d’un gamin qui découvre qu’au-delà des souvenirs, la réalité de l’engagement de ses parents s’est accompagnée de désillusions qu’il a fallu mettre de côté pour poursuivre le chemin des luttes.

Pour aller plus loin

Le père de Jean fut le seul député communiste réélu après les évènements de mai 1968.

Puis quelques extraits

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Sa signature : ouvrierqui aime sonouvrage, homme modeste au point de ne pas sortir du rang, de se fondre dans le groupe de ses semblables, ses frères de classe, de s’y faire irrémédiablement.

La belle table que c’est ! Dix mètres, au moins, de quoi faire tenir un banquet du Parti, Cinquant4 personnes coude à coude …et la nappe, épaisse, lourde, qui retombe sur le plancher, une robe de bal, de princesse…. éclatante, il m’a dit, ton père. Une blancheur de neige. Comme l’hiver à Bussière, le gel étincelle devant la grotte à Vaury. Un éclat qui blesse l’œil, il trouve même. Une lumière incroyable, dans la pénombre de ce premier étage. ” Comment ils font “, y s’demande. (moi, je sais: ma mère était lavandières sur le bateau-lavoir, au pont Saint Pierre.). P’t qu’elle était neuve ? Qu’ils l’ont achetée pour l’occasion ? ” ( Tu parles : ils en ont plein les armoires, et le blanc neige, ce sont les coups de battoir, les bras rouges de froid de ma mère dans d’eau glacée du Cher.) Il n’ose pas poser les mains dessus: les gens, sûrement, les trouveraient noiraudes, pas assez frottés. Des paluches. Pas des doigts du prince ou du petit roi. Il guigne vers le fils aîné, qui qu’à un drôle d’air, l’œil qui moque : la peau claire, les ongles transparents…
Les curés, je sais bien, mentent tout le temps. Gagarine, quand il habitait son Spoutnik, leur a cloué le bec une bonne fois : il a eu beau scruter l’espace par le hublot, jamais il n’y a repéré le moindre bon Dieu, ni un seul esprit à auréole planant et tournicotant dans le vide à la façon légère d’un cosmonaute.

Et encore,

S’il parle volontiers de Lénine, il se tait obstinément sur Staline, détourne la tête à son nom et répète juste les trois mêmes phrases : qu’il a très bien dirigé l’offensive contre les nazis. Glorieusement libéré les pays de l’Est, mais commis des erreurs, quantité d’erreurs ( tout le monde en fait, dit le maître en rendant la dictée).
Comment lui expliquer qu’on n’a jamais joué ? Qu’on a la chance incroyable de pouvoir vivre à fond des vies ?
“Il ne leur faut jamais plus de 25 ans, à ces charognards de bourgeois, pour remettre en route la mécanique et nous forcer à aller crever à leur place…
“Un communiste, il m’a appris, ne vole jamais, même son patron. Il se bat pour l’égalité entre les hommes, pas pour la sauvagerie du chacun pour soi.”
” À nous, la belle vie, celle des riches ! Celle qu’on leur a volée en 36, par la grève et la frousse qu’on leur a fichue… n’oublie pas ça, fils : le meilleur de l’existence, tu le devras à nous autres, les grévistes… Et gare, quand je serai plus là, à ce que les patrons et leurs larbins ne te fauchent pas ce trésor : le farniente à la plage, la sieste tous les après-midi, le travail enfin jeté aux oubliettes …tu sauras te battre, hein, garçon ! Parce que, dès qu’ils pourront, les bourgeois reprendront ce qu’on leur a arraché… »

“Oh, faut apprendre à lire entre les lignes, vois-tu…Ce sont les rois du silence, là-haut, du demi-mot…”

Ici en bref

D'habitude, je ne partage pas mes lectures lorsqu'elles ne m'ont pas plue ! Mais, là, c'est le livre qui se vend à plus

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Jean Védrines – L’enfant rouge

Éditeur : Fayard

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Parution : 4 janvier 2023

EAN : 9782213721866

Lecture : Mars 2023

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10 commentaires

  1. Bonjour Matatoune. Ce roman doit être très intéressant pour se replonger dans cette période où le communisme semblait un eldorado pour beaucoup. Bonne journée

  2. Ça doit être un roman intéressant et touchant. À l’époque il y avait une très grande foi dans le communisme et une sorte d’aveuglement vis-à-vis de L’URSS. Les gens étaient dans le déni.

    • Oui, un récit poignant qui éclaire cette période d’engagements qui ont permis des avancées notoires dans le monde du travail.

  3. Ce roman témoignage doit être passionnant. C’est une époque historique intéressant même si on peut déplorer l aveuglement des militants face aux dictatures, mais bon on est toujours plus malin après coup. Bon week-end

    • C’est vrai: plus malin après coup 🙂 C’est un chouette récit de vie qui replonge dans une époque et dans les luttes ouvrières qui ont permis bcp d’avancées. Bon weekend

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