À partir de quelques photographies, Paco Roca part à la découverte de la vie de sa mère pour lui rendre hommage. Issue du milieu ouvrier, elle subit de plein fouet le franquisme, et sa misère organisée, mais aussi le pouvoir du mari et l’emprise de l’église. Pourtant, Antonia ne voudrait pour rien au monde changer de vie, avec son “jardin d’Eden”, cet espoir qui l’accompagne, comme la photographie de cet instant figé sur une plage lors d’un après-midi en famille…
C’est un récit sensible, émouvant et terriblement pudique. Antonia a envie, plusieurs fois, de s’émanciper des différentes autorités. Néanmoins, rattraper par leurs mainmises, elle cède autant de fois. Seulement, la force de cette femme se situe dans l’espoir, toujours renouvelé, de connaître un jour un peu de ce jardin d’Eden auquel elle aspire !
La beauté de Retour à l’Eden se situe dans son format particulier et sa mise en page inhabituelle. Les pages de couleur noire du début introduisent l’univers poétique de Paco Roca. Puis les chapitres se construisent en toile d’araignée qui éclaire le vécu familial d’Antonia.
Paco Roca décrit la naïveté de l’adolescente, presque analphabète qui suit les recommandations de sa mère sans les discuter, rabâchées par l’église qu’elle fréquente assidûment. Puis, attentive et assidue, elle apprend à devenir une mère possessive et une femme serviable, presque servile !
La critique politique est savoureuse, sans jamais tourner au pamphlet. L’humour vient ponctuer les traits d’une nuance acide, jamais impudique, toujours respectueux de la situation que vivent les personnages.
Le roman graphique est poignant d’émotion, de respect et de dignité. Dessinateur, scénariste et coloriste à la fois, Paco Roca propose avec Retour à l’Eden un instant de grâce dédié à une femme qu’il aime tendrement.
Puis quelques extraits
Le passé nous est essentiel.
Nous ne sommes rien sans lui,
Sans cette certitude de faire partie d’un
Ensemble plus grand, formé de nos ancêtres,
Et que nous nommons “humanité”.
Comme la majorité des hommes, Vicente n’exposait pas ses sentiments au grand jour. À part peut-être la colère, qu’il exprimait sans honte ni retenue.
Dans cette “démocratie organique” prônée par Franco,seule la misère était effectivement démocratique.
Le jour où j’ai apporté à ma mère un exemplaire de Retour à l’Eden, elle l’a lu devant moi, pleurant parfois. Elle conclut sa lecture en me disant : ” Quand je serai partie, je veux que tu gardes ce livre et que tu le lises régulièrement pour te souvenir de moi. Prends-en soin, il est unique.” Quand je lui répondis qu’il avait été imprimé à plusieurs dizaines d’exemplaires et qu’il avait été publié à plusieurs dizaines d’exemplaires et qu’il serait publié dans d’autres pays, elle a été bouleversée cherchant les raisons qui pouvaient amener les gens à lire son histoire. Sûrement parce que sa vie n’a rien d’extraordinaire et qu’elle témoigne de celle de tant de femmes, privées d’études, soumises à un machisme féroce, sans même la liberté de s’imaginer une autre destinée que celle de femme au foyer.
Ici en bref



Du côté des blogs
Tours et Culture – Sambabd – Sur mes brizées –
Questions pratiques
Paco Roca – Retour à l’Eden
Instagram : @pacorocasketches
Éditeur : Editions Delcourt
Twitter : @DelcourtBD Instagram : @delcourt_soleil_bd
Parution : 12 octobre 2022
EAN : 9782413048206
Lecture : Décembre 2022
Bonjour Matatoune doit être très émouvant, un bel hommage d’auteur à sa mère. J’aimerais bien le lire. Bonne journée
Oui, le trait et les dialogues sont très émouvants. Bonne continuation 🙂
En général les livres de Paco Roca ne laissent pas indifférents… je vais essayer de découvrir celui-ci 🙂 Merci pour le partage
Un très bel ouvrage dédié tendrement à sa mère. De l’excellent travail !
c’est une belle découverte!
Ah, complétement convaincue par le trait et la façon d’aborder les sujets de cet artiste !
L’Espagne franquiste est un univers que je connais peu, ce livre a l’air touchant. Bonne journée
Oui, ce récit m’a émue complétement ! D’une grande qualité, je trouve ! Bonne soirée à toi !