Il est des hasards qui disent beaucoup… Pensez que le jeune Picasso âgé de tout juste 19 ans, est descendu du train à Orsay pour son premier voyage à Paris en octobre 1900, ça laisse songeur, non, juste avant la Période “Bleue et Rose” !
Comme souvent, lors des expositions sur Picasso, le futur visiteur s’étonne : Encore ! Encore ! Imaginant pour une fois ne pas se plier aux dictats des médias artistiques. Et, puis, pour ma part, ma petite voix m’a chuchoté dans le creux de l’oreille qu’il faut y allez…au moins, pour se faire son idée. J’ai donc cédé et je parie que, comme moi, c’est d’un éblouissement dont vous vous souviendrez !
Le père de Picasso, professeur de peinture, ayant initié son fils à son art dès l’âge de 5 ans, décide d’arrêter de peindre lorsqu’il découvre son talent, qui ne tarde pas à être comparé à Raphaël ! Le visiteur comprend ce que ce père a pu ressentir, car de talent, il y en a et surtout, ça éclate tout au long des 300 œuvres présentées. Il est ainsi perceptible qu’à partir de toutes ses œuvres, Picasso va créer un style libre et nouveau ! Et, l’exposition nous propose de suivre les dix ans où Picasso invente son art…
Lorsqu’il revient du petit village de Horta vers 17 ans, il s’installe à Barcelone, capitale de l’art nouveau avec Gaudi et côtoie des peintres comme Utrillo mais aussi ceux bien plus jeunes comme Carlos Casagemas et Pallares qui deviennent sa bande!

Picasso dira : « Tout ce que je sais, je l’ai appris dans le village de Pallarès”. Peindre en toute liberté, loin de l’académisme, c’est ce que ces huit mois à Horta vont lui apporter. Néanmoins, en voyant de visu les œuvres de ses contemporains, Picasso va s’en inspirer mais jamais les copier.



Un de ses tableaux est choisi pour représenter l’Espagne à l’exposition universelle de 1900. Et, le voilà qui débarque à Montmartre.
Avec Casagemas et Pallares, ils investissent Paris, le centre artistique du monde! Pour Picasso, il s’imprègne des toiles des artistes qu’il admire : Steinlen – Daumier- Degas -Toulouse Lautrec –

Le marchand Ambroise Vollard le repère à l’été 1901. Le critique Gustave Coquiot rédige la préface de l’exposition Picasso de Vollard. Ce sera lui, aussi, qui en 1914 divisera le premier les années de jeunesse en périodes en bleue et rose.




Donc, à l’été/ automne 1901, son style change. D’expressionniste, il devient monochrome. C’est la période bleue associée au suicide de Casagemas en février 1901.

Picasso perd son complice et s’enchaîne à la misère. Il partage aussi le lit de Max Jacob sans partager ses préférences sexuelles.
“C’est en pensant à Casagemas que je me suis mis à peindre en bleu”.
Picasso à Pierre Daix

Picasso n’est pas à Paris avec son ami lors de son geste dépressif. Se sachant délaisser par la femme qu’il aime, Germaine un modèle, qu’il n’arrive pas à combler, Casagemas se suicide devant elle. Ses amis racontent le drame à Picasso. La figure de son ami le hante sur plusieurs tableaux. Il gardera celui de la “mort de Casagemas” auprès de lui toute sa vie.

Ce tableau est une allégorie sur la mort de son ami. Il contient les thèmes qui feront son œuvre futur. Faute de moyens, il est obligé de retourner chez ses parents. Plusieurs allers-retours , avec peu de vente. Il peint et repeint sur les mêmes toiles.

En avril 1904, Picasso habite une baraque en bois que son ami, Max Jacob, surnomme le “Bateau-Lavoir” où vivent aussi Van Dongen , Modigliani, pour les peintres, Mac Orlan et André Salmon pour les poètes.

A l’automne 1901, Picasso se rend à la prison de femmes de Saint-Lazare. Selon le motif de leur incarcération, le bonnet change de couleur.


Pour se payer un costume, Picasso répond à une commande en s’inspirant du Déjeuner sur l’herbe de Manet (1863) et peint ce tableau “La famille Soler”.


La Célestine est inspirée par Carlota Valdivia, tenancière de maison close de Barcelone. Mais son nom renvoie aussi à une pièce de théâtre de la Renaissance espagnole vers 1499. Dans la littérature, elle est une entremetteuse borgne qui finit assassinée.
A l’été 1905, Picasso suit les traces de Van Gogh en Hollande qu’il considère comme “le Christ de la peinture”, hanté par le talent de Vermeer et Rembrandt.


Avec cette année 1905, s’ouvre la période rose : les tonalités sont plus claires et lumineuses et Picasso s’entoure d’un nouvel univers, celui des saltimbanques. Seurat et Toulouse-Lautrec ont peint des spectacles de cirque. Picasso regarde de côté, en coulisses. Il ne s’agit pas d’exotisme puisque son “agent” sera Clovis Sagot, ancien artiste de cirque. Il s’agit d’amitié et d’une famille qu’aime retrouver Picasso, puisque leur camp se situe tout près du Bateau-Lavoir.
Cette période est marquée par la rencontre avec Fernande Olivier qui sera sa compagne pendant douze ans. Elle le décrit ainsi “ petit, noir, trapu, inquiet, inquiétant, aux yeux sombres, profonds, étranges, presque fixes” , jaloux et séducteur. Picasso discute sans fin notamment avec Apollinaire.
La rencontre avec les collectionneurs américains, Gertrude et Léo Stein, lui ouvrent enfin la sortie de la misère.
A l’été 1905, de nouveau, il voyage en Hollande où il étudie les nus, dans les tons roses. Ambroise Voillard lui achète de nombreux tableaux. Sa côte grandit de plus en plus.

Ses tableaux introduisent petit à petit ce rose fané si doux, peut-être aussi au fur et à mesure que la présence de Fernande l’apaise. Pour ce jeune homme qui a découvert très tôt une sexualité tarifée, souffert de maladie sexuellement transmissible soignée à temps, la découverte de la vie de couple est une nouveauté qui infuse dans ses œuvres.

Le collier et même la poitrine naissante font penser à une adolescente. Les fleurs symbolisent probablement la perte de la virginité. Le visage plus travaillée que le corps font que Picasso a du peindre suivant modèle, certainement, une jeune prostituée. Ce tableau est le premier que Gertrude Stein, avec son frère Léo, achete à Picasso.




Inspirées par la troupe du cirque Médrano, situé à l’angle de la rue des Martyrs et du boulevard Rochechouart, ces compositions se caractérisent par leur gravité. Musée Orsay.

Le salon d’automne 1905 est consacré à une rétrospective sur Ingres. A l’été 1906, Fernande et lui (souffrant de scarlatine) monte à dos de mulet au village de Gosol. C’est son retour en Espagne, abandonnée depuis deux ans. Sa recherche s’oriente vers le primitif (voir résumé de l’expo Picasso primitif) et l’étude académique.

S’inspirant d’Ingres et de son “Bain turc”, Picasso travaille à la composition du tableau “La coiffure” qu’il finit à son retour à Paris.

A l’automne 1906, il finit le tableau de Gertrude Stein et les “Deux nus”. Une nouvelle période apparait. Mais, cela sera le sujet d’une nouvelle chronique, celle relatant la visite de l’exposition”Cubisme ” au Centre Pompidou.

Sources :
Galerie France 5 Picasso métamorphoses Bleue Rose
Picasso et l’amitié : analyse d’œuvre : La Vie
Questions pratiques
Expo Bleu et Rose- Musée d’Orsay
Picasso Bleu et Rose
Musée Orsay
18 septembre 2018 – 6 janvier 2019
Commissaires: Claire Bernardi, conservatrice, musée d’Orsay
Laurent Le Bon, président du musée national Picasso-Paris
[…] Olivier a sorti Picasso (1881- 1973) de sa période bleue. A ses côtés du Bateau-Lavoir aux premières reconnaissances, elle assiste à l’amitié avec […]
[…] la Butte Montmartre, Picasso s’installe au Bateau Lavoir avec sa Fernande (Picasso Bleue et Rose). Il y côtoie Modigliani, Brancusi et bien d’autres. Il a 26 ans. C’est un virtuose du […]
Merci pour cette visite virtuelle.
Merci Bon WE !
Un très bel article pour une merveilleuse expo ! Merci Tatoune 🙂
Merci mais quel plaisir de voir un tel talent !
N’étant pas fan de Picasso je me tâtais pour aller voir cette expo mais après un tel article je crois que je vais aller y faire un tour. Bravo.
Merci ! Et, bonne visite !
N’étant pas fan de Pic
La ça me plait nettement mieux que ces œuvres cubiques que je ne comprends pas ni n’aime d’ailleurs. Bisousss
Ravie ! Très bonne journée !
J’adore “Le couple – 1904″…. Merci pour ce merveilleux partage….
Merci à toi et ravie de ton choix!
Quelle coïncidence ! Une amie hier me parlait de cette expo qu’elle a eu l’occasion de visiter ces jours derniers er m’a offert un marque-page de la période bleue « femme au fichu ». Une expo que j’aurais eu plaisir à voir car ce sont les périodes que je préfère chez Picasso. La période cubiste, je la préfère chez Braque. Ha, les ressentis ! Merci de ce beau partage.
Oui, le hasard fait que d’un coup, l’émotion est là ! Une autre expo à voir celle sur le cubisme, à Pompidou en ce moment et là Braque est présent …Est ce que tu l’as vu ?
Hélas non, j’habite Montpellier !
Pas d’exposition à Orsay donc , mais d’autres réjouissances dont le ☀️ !
Quel article ! Quelle expo !