Prolongation exceptionnelle
Une urgence s’expose à Paris sur quatre étages ! Ce sont les hurlements de Jean-Michel Basquiat ! Des cris de rage et de colère qui n’en finissent pas de nous alerter ! Les œuvres s’étalent, nombreuses, beaucoup, trop quand-même, et semble exprimer la même fureur.
Un jeune homme qui se veut artiste et crée dans l’urgence car il se sait mortel !

L’espace à la Fondation est contraint et biscornu : de grandes salles mais aussi des étages, de partout ! On croit avoir fini et il y a en encore ! 120 tableaux, en général de grand taille, qui nécessiteraient plus d’heures de visite que ne peut en fournir une concentration lambda ! De nombreuses œuvres pour la première fois exposées qui viennent pour beaucoup de collections privées. Sa production est immense. En huit années, Basquiat a fait 1000 tableaux et 2000 dessins. C’est donc une œuvre exceptionnelle et grandiose !

Et, d’un coup, on est en “overdose”, on n’en peut plus de ce cri qui s’expose avec des cartels qui ne répondent pas toujours à la curiosité du visiteur !
En 2015, le Musée d’Art Moderne consacrait une première rétrospective; que j’avais vu, le révélant au public français (350 000 visiteurs). C’était aussi une explosion !
Ici, l’accrochage ne tient pas compte de l’ordre chronologique, même si elle commence par ces tableaux de 1981 où son accident de voiture prend place dans son œuvre. L’exposition s’ouvre sur une première salle où trois tableaux représentants des têtes s’exposent.
Cette évolution résume la présentation de cette exposition. Une transgression s’expose et à force de dénoncer, cet artiste s’abîme dans les contraintes contradictoires de son époque (le racisme – le multiculturalisme – l’opposition Dieu/Diable -etc.).
Et, pourtant, premier artiste se revendiquant noir, alors qu’il est métis, il bouleverse les codes de l’art qu’il a découvert avec sa mère à courir les musées dans sa jeunesse en les réinvestissant.

Né en 1960 à Brockling NY, il passe le pont après sa rupture avec son père d’origine Haïtienne. Sa mère est d’origine portoricaine dorénavant malade.
Al Diaz, un ami d’enfance avec qui SAMO est devenu un nom dit “Son père était un tyran”. Sa mère suite à un accident de la route à offert à son fils de sept ans le livre “Greys Anatomy “. Il se dirige vers l’East Side de Manhattan où immeubles abandonnés et insalubres pullulent.
Habillé de son long manteau en laine noire, Jean-Michel Basquiat hante les rues de la ville le jour, et la nuit, les clubs comme celui du Mudd Club où il joue de la musique, écrit des poèmes et s’essaye à ce qu’on appellera le Street-Art ou il élit domicile dans la rue lorsqu’il ne peut pas profiter d’un lit partagé. Il a 17 ans !

Jean-Michel Basquiat pique ses influences de partout. Il commence avec un marqueur puis arrive la bombe qui va sur n’importe quel support, horizontal ou vertical. Il côtoie Keith Yaring à qui il laissera le graffiti comme moyen d’expression. Car, au milieu des années 70 jusqu’aux années 80, la ville de New-York est vampirisée par des artistes de rues.

– Comment ça va ?
– SAMO (Same old shite) pouvait-on répondre ce qui signifie “la routine”, “rien de neuf”
Jean-Michel Basquiat et son ami Al Diaz, remplissent la ville de cette expression en y ajoutant une couronne et le c de copywrite entouré qui resteront sa signature tout au long de son œuvre. Avec SAMO, il invente un art composé de phrases, de formules poétiques qui inondent les murs à partir de 1978.«SAMO© AS A NEO ART FORM»ou«SAMO© AS AN END TO MINDWASH RELIGION,NOWHERE POLITICS, AND BOGUS PHILOSOPHY» («SAMO©)SAMO, c’est la fin des religions laveuses de cerveau, des politiques menant nulle part et des philosophies bidon».En 1978, est annoncé sur les murs : “SAMO©IS DEAD»

Paul Schimmel, conservateur de musée raconte qu’en 1981 Jean-Michel Basquiat avec ses dreadlocks faisait sensation en peignant à même le trottoir avec son radio-cassette au son de Charlie Parker poussé à fond. La propriétaire de la galerie jouait les rabatteuses en encourageant tout le monde a venir le voir.


Au cours d’une soirée, on met enfin un visage sous un nom, c’est le beau et jeune visage de Jean-Michel Basquiat au charisme important. Au gré de ses rencontres, il peut utiliser une cave ou une pièce où il commence à combiner peintures et poésies toujours en musique.
Il crée des cartes qu’il vend dans la rue. Il aperçoit Andy Warhol dans un café. Avec un culot monstre, il entre et lui en propose une. Peu après, il décide de faire “mourir” SAMO pour devenir Jean-Michel Basquiat, l’artiste.
“C’est en observant que j’ai appris l’Art ” Jean-Michel Basquiat
La série Prophet renouvelle l’art du portrait que l’on retrouve tout au long de son œuvre : l’ovale du visage, le nez géométrique, les yeux écarquillés et les dents comme un quadrillage soulignés par diverses couches de peinture et un trait gras. C’est la période où il vit chez Annina Nosei et compose dans sa cave. Ses toiles vont commencer à s’exposer (New-York dans la galerie d’Annina – Los Angeles Larry Gargosian Gallery).
“Si j’étais un blanc, on dirait que je suis en résidence ”
Jean-Michel Basquiat lorsqu’il peignait dans la cave de sa galeriste Annina.
C’est à la fois une découverte stupéfiante et aussi l’arrivée de la consécration.

C’est un plat portoricain. Un clin d’œil à sa mère, certainement ! Ce tableau sera exposé avec une vingtaine d’autres à la Documenta 7 de Dusseldorf en 1982 où il est le plus jeune artiste exposé au côté d’artistes confirmés Andy Warhol, Cy Towly mais aussi d’autres plus jeunes comme Keith Haring.

Le thème de la dualité reste une figure majeure dans son œuvre : opposer la figure du Christ à celle du diable, se faire affronter noir et blanc, opposer ses personnages, opposer le rite de la religion officielle et celle du vaudou, etc.
Basquiat commence à écrire avant de vendre ses tableaux. Une première expo est organisée à Los Angeles avec Carnassian où il séjourne de temps en temps. Lorsqu’il se sépare d’Anita, il vend ses œuvres directement et est souvent payé en drogue.

Cette toile est clouée sur un cadre de bois à la gloire du boxeur américain.



“Séduits par son style néo-expressionniste, ils le considéraient comme un artiste sauvage et restaient indifférents au contenu de ses œuvres, pourtant brutal” Dieter Buchhart, un des commissaires.
“Autodidacte de génie avec une fulgurance créative peinture intuitive toujours avec la musique et avait plusieurs tableaux en route qu’il peignait en même temps.” Phoebe Hoban, “Jean- Michel Basquiat – 1960/1988”

“Murs de têtes” tel qu’ont été présenté les dessins à la Robert Miller Gallery. Sur ce mur s’exprime la révolte de l’artiste contre le conformisme, sa méfiance vis à vis de la consécration et son succès grandissant et son intérêt pour l’anatomie.

Les commissaires de l’exposition font un parallèle avec le travail de Jean Dubuffet. En tout cas, c’est la première fois que l’on voit une figure humaine sur pied.

“Johnnypump” est un mot d’argot pour désigner les bouches d’incendie de NY. Comme dans certains quartiers, des jeunes les ouvrent l’été. On pense que le personnage est un auto-portrait.

Le racisme est très prégnant dans l’Amérique du moment ! Mickael Steward, artiste graphiste afro-américain, meurt roué de coup par la police le 28 septembre 1983. En 1985, Keth Yaring s’insurge contre les policiers qui sortent acquittés du tribunal. Il compose le tableau “La violence raciale”. Pour Jean-Michel Basquiat, il commence à composer ses têtes de morts qu’il inonde dans ses tableaux. Il faut comprendre la lutte de l’époque où Madonna et keith Jaring se sont financièrement investis dans ce procès.

Basquiat reprend l’image biblique de Samson (l’esclave) sous la forme d’un homme enchaîné entre deux colonnes blanches. Ses cheveux ont été rasés du coup, cet homme est affaibli. L’homme au chapeau marron représente le capitalisme avec ses décorations en dollars. Celui en noir incarne le marchand d’esclaves. Sur lui, est écrit “pas à vendre”.


Basquiat utilise un procédé proche du Sampling, en piochant et réagissant à ses idées en incorporant des mots, qu’il biffe pour attirer plus facilement le regard du visiteur. Il se rapproche ainsi de ses aînés comme Cy Townly ou Joseph Beuys et crée des listes reproduisant des mots, des faits et des schémas issus de domaines scientifiques divers.

L’artiste multiplie les références aux formes et aux cultes d’origine africaine en les confrontant à ses propres références utilisant le collage de photocopies.
il suit une cure de désintoxication à Hawaï, séjouir pendant lequel il ne peut composer. De retour, il retrouve ses démons.
Mary Gore marchande d’art à New York le reprend. Il rencontre de nouveau Andy Warhol et décide de faire des polaroids ensemble.

Ce tableau est comme un témoignage affectueux du rôle qu’a joué Andy Warhol dans la carrière de Basquiat. Il reprend l’image de la banane qui représente le Velvet Underground et la coiffe d’une perruque auquel l’artiste devait tenir !
Un jour, Basquiat choisit de ne pas déjeuner et s’isole pour composer un tableau qu’il propose le jour même à son nouvel ami…. Bluffé, il dit “Je suis jaloux. Il est plus rapide que moi”. L’artiste va faire décoller la carrière du plus jeune.

Entre 1984 et 1985, Andy Warhol et Basquiat ont crée près de 200 œuvres communes. Qui a profité de qui ?
A la mort de Warhol en 1987, Basquiat est inconsolable.


Antony Clarke est un gaffeur connut sous le nom “A-one”. Basquiat utilise des matériaux de récupération.

Une dernière expo est organisée en 1988 comme une prophétie de sa mort (Overdose)

Sources :
- Arte – La rage créative – Jean-Michel Basquiat
- France Culture – Jean-Michel Basquiat – L’Art et la matière.
- Dossier de presse – Basquiat – Musée d’Art Moderne
Questions pratiques :
Du 3 octobre 2018 au 21 janvier 2019
J’ai cru voir que l’expo était prolongée. J’aimerais bien aller y faire un tour. Merci pour cet article complet.
Oui, elle est prolongée jusqu’au 27 janvier. C’est vraiment une expo importante par le nombre d’œuvres présentées mais aussi leurs origines (beaucoup de collections privées qu’on ne verra peut-être plus ! ) Merci d’être passée !
[…] même temps que l’exposition sur Jean-Michel Basquiat, la fondation expose une centaine d’œuvres d’Egon Schiele réparties sur trois […]
Bonjour Matatoune. Ta présentation de cette exposition est très complète et m’a beaucoup intéressée, mais ces graffitis ne m’émeuvent pas. Bonne journée
Merci pour la découverte mais j’avoue que je ne trouve pas grandiose pour mois c’est morbide et franchement je n’aime pas……Mais je ne suis pas compétente non plus en art…Bisousssss
l’art à l’état brut …. merci
Si une occasion se présente pour une visite à Paris, à voir ! Merci et bonne soirée !
Un artiste qui m’est complètement inconnu et que je découvre grâce à toi. A voir ses toiles, je ressens la rage de vivre. J’ai l’impression de côtoyer une cocotte minute sur le point d’exploser, c’est ahurissant de force. Merci pour cette belle expo.
Oui, une cocotte – minute qui n’a duré que 10 ans car il a explosé en plein vol ! Merci
je confirme : un très bel article ! Merci Tatoune 🙂
Merci bp !
Un grand bravo pour cette belle chronique sur Basquiat dont je n’ai pas encore vu l’expo.
Merci, ravie !
Extraordinaire oui…
et j imaginais le contraire mais les élèves se sont montrés intéressés, vraiment.
Merci pour cet article vraiment complet…
Merci beaucoup !