Prix Essai France Télévisions 2018
C’est un livre savoureux qui retrace les vacances d’été de l’auteur dans son enfance et ses voyages en camping-car autour de la méditerranée. Comme il est historien, sa narration est argumentée par ses souvenirs mais aussi ses propres archives, les carnets de bord qu’il a écrit au fur et à mesure, et surtout le regard du chercheur en sciences sociales, comme il aime à le préciser et son analyse.
Raconter sa propre vie comme on remonte l’histoire avec un grand H et avec les outils de la sociologie c’est donc le pari de Yvan Jablonka.
C’est une nouvelle façon de passer ses vacances où l’exil est volontaire, où la découverte d’un coin de paradis, que l’auteur appelle spot, est l’objet de toutes les attentions parentales, où les enfants apprennent la liberté dès que la porte du combi s’ouvre, où on fait du naturisme comme un retour au naturel, où on mange locavore avant l’invention de ce mot, etc.
L’auteur explique cette soif d’errance estivale en liant l’extermination organisée par le régime nazi et le développement des van aménagé de l’entreprise allemande Volkswagen. Dans ce contexte, l’injonction paternelle devient paralysante : Le “Soyez heureux” pour dire combien la génération de l’auteur en avait le devoir et non la jouissance tranquille.
Je suis d’une génération qui a découvert une partie de la méditerranée un peu en combi, mais surtout en camping: Portugal, Espagne, Yougoslavie, Grèce et Italie. Ivan Jablonka nous raconte parfaitement cette façon de découvrir des ailleurs différents, en s’immergeant dans la vie locale. Il nous rappelle aussi ce sentiment de vivre près de la nature, sans chichi et confort superflu, pour retrouver la beauté d’un paysage, le silence d’un lieu, la jouissance d’une eau sans trace humaine et avoir la sensation d’être aussi des découvreurs. Et, il nous permet de prendre conscience du changement constaté dans la façon de voyager : le plaisir du voyage est toujours présent comme dans l’étude des guides pour construire son séjour, mais les locations d’appartement remplacent la toile de tente et l’avion, le camping-car, etc. Du coup, le lecteur prend conscience que ce monde n’existe plus, celui d’avant le téléphone portable, les réseaux sociaux et autres nouveautés
Sans tristesse et nostalgie, Ivan Jablonka réussit son pari dans un style fluide et enlevé, quelque fois un sourire d’aise aux coins des lèvres : raconter sa vie comme on étudie l’Histoire !
De même, le camping que nous pratiquons n’était pas la modernisation du ” retour à la terre ” manière XIX siècle du maréchal Pétain, mais la poursuite des idéaux émancipateur du Front populaire et de la” ajisme”, le mouvement des Auberges de jeunesse ne dans les années 30.
Subvertir le national, fuir les groupes, les voyages organisés,les clubs de vacances,les plages qui sont prises d’assaut, était une manière, pour une prof et un ingénieur, de profiter d’un progrès collectif sans suivre le troupeau, de concilier l’individualisme et le rapport aux autres, le bien-être et la culture, en un mélange qui paraissait atypique à la fois aux classes moyennes et à la grande bourgeoisie installée.
Le Combi fut la victoire et l’orgueil de mon père, le retournement de sa condition d’enfants paumé en père prodige, pourvoyeur de bonheur, sauveur sauvé par ses enfants, capable de les guérir comme il l’avait été après la guerre.
Peux-t-on devenir un sujet si l’on n’est pas capable de se concevoir aussi comme une branche d’arbre, un galet lancé, à la surface d’un lac.
Ni en France, ni dans les pays que nous traversions, nous n’étions des ” gens d’ici” . Nous venions toujours d’ailleurs, de l’autre côté de la frontière.
Ma liberté a été la capacité de m’abstraire de la satisfaction de mon père – de l’enfance qu’il voulait pour nous et qui était la réplique de son triple sauvetage en tant que survivant d’un génocide, orphelin de ses deux parents et brillant élève à l’école de la République.
Nos pérégrinations n’étaient organisés par personne d’autre que nous, mais elles correspondaient aux critères du ” tourisme d’aventure” identifié par l’économiste Yves Tinard: préférence pour les espaces vierges, ethnique de l’effort et de l’inconfort, risques d’aléas, non – répétitivité des destinations, nouveau concept de voyage, antidote à la massification, introduit dans l’économie du tourisme les valeurs écloses lors du Printemps 1968 : refus des conventions bourgeoises, accomplissement de soi, redécouverte décision corps et de la nature (et ceci explique aussi que nous ayons assidument pratiqué le naturisme).
Je suis un petit garçon sage et obéissant. J’écoute ce qu’on me dit . Je suis content de contenter les autres. Je ne fais pas de vagues. Mon père a assez souffert pour cela. Ma mère espère beaucoup de moi. Je suis en proie à la quête de perfection qui est la maladie des aînés.
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Bonsoir Matatoune. Nous avions une caravane quand j’étais enfant et j’ai campé quand j’avais 20 ans, mais jamais eu de camping-car. Bonne soirée
Van aménagé, camping etc, une manière de voyager avec des enfants en mode plaisir! Bonne soirée et bonnes vacances!
Merci Matatoune pour ce beau descriptif de ce livre qui devrait me plaire puisqu’il y plusieurs années, j’ai fait du camping-car avec mon mari et ensuite nous avons bien parcouru la France avec une caravane. C’était la liberté.
Belle journée avec mes amitiés et bisous 🙂
Oui, ce livre nous replonge dans nos souvenirs! Au plaisir de partager nos impressions de lecture, alors; Belle soirée à toi aussi!