Bacon – Eclats d’une vie

Franck Maubert – Stéphane Manel

Ce roman graphique Bacon – Eclats d’une vie propose une biographie illustrée du peintre à partir de ses rencontres avec ses mécènes, ses amants, ses amis, toutes ses relations dans le milieu de l’art, du fruit de ses lectures, de ses recherches artistiques et de ses citations.

“Plus grand peintre (figuratif ? ) de son temps, excentrique, autodidacte, amoureux de la grande peinture, profondément lettré, voyageur, joueur, noctambule, alcoolique, provocateur et autodestructeur, Francis Bacon n’est pas seulement un génie, c’est un personnage fascinant,” nous dit la quatrième de couverture !

Ainsi, non seulement, la personnalité du peintre Francis Bacon (1909-1992) se dévoile dans Bacon – Eclats d’une vie en tableaux contrastés loin des esclandres et de la vie tumultueuse décrite habituellement. Mais c’est aussi une façon simplifiée et aisée d’appréhender son processus de création.

Balade au cœur de son œuvre

Sans établir de grandes théories, avec un langage clair et accessible, Bacon – Eclats d’une vie, est passionnant. Franck Maubert, historien de l’art et spécialiste du peintre, sait créer une intimité avec son lecteur. Sa proximité avec l’artiste, et ses différents travaux sur lui mais aussi Giacometti, entre autres, permettent de révéler l’homme dans sa pluralité sans tomber dans ses travers trash. Ainsi par petites touches, par fragments, le processus créatif de l’artiste se dévoile et le lecteur appréhende toute la complexité de l’artiste.

Stéphane Manel ajoute une présence chaleureuse de l’artiste illustrant les moments forts décrits. Mettant souvent en perspective le dessin de l’artiste avec ses œuvres, c’est comme une mise en abîme, au-delà des mots. Comme de véritables œuvres, illustrant la vie et l’œuvre du peintre, son travail est aussi exceptionnel par l’émotion qu’il provoque.

Il faut aussi noter les efforts graphiques des éditions Seghers pour mettre en exergue des citations, des titres d’œuvre et bien d’autres paroles.

De son enfance irlandaise aux casinos méditerranéens, des rencontres avec des artistes peintres contemporains (Picasso, David Hockney, Walter Sickert, Giacometti, etc.), de ses inspirations diverses mais essentielles (Van Gogh, Monet, Velasquez, Munch, etc.) et découvrir son atelier désordonné, Bacon – Eclats d’une vie propose une flânerie dans tout le milieu artistique du XXè siècle.

Bref, Bacon – Eclats d’une vie est un roman graphique exceptionnel. À ceux qui penseront que le genre ne convient pas à un livre sur l’art, ne connaîtrait pas cet ouvrage. Véritable beau livre à offrir aux amateurs d’art, sans se ruiner. À découvrir pour d’autres pour appréhender cette œuvre souvent vécue comme éprouvante, car fragmentée comme la vie d’un homme brisée et en mille morceaux par sa sensibilité exacerbée. Je recommande !

Remerciements

Aux éditions Seghers pour leur envoi

Puis quelques extraits

Je poursuis la peinture parce que je sais que ce n’est pas possible de l’atteindre.

J’aime les blessures, les accidents, les malaises, là où la réalité abandonne ses fantômes.

Il dramatisera, peut-être à l’excès, certains faits, comme les sévices des palefreniers le cravachant sur ordre de son père…

Et pourtant, chacune de ses œuvres serait “une goutte de son sang” , selon une formule qui lui correspond plus qu’à tout autre.

Bacon rejette toutes les exégèses de son travail. Aucune explication rationnelle ne lui sied, à lui, le nihiliste.

Comme souvent, ce qui attise la curiosité de bacon, c’est l’incendie des mots, ici ces fameuses lettres à son frère Theo, un des plus grands livres qui soit sur la création. Et surtout, l’intégrité totale de l’homme et de l’œuvre, sa personnalité et sa création qui forment, à un degré rare, un seul tout.

Et encore,

Il place l’humain là où on ne l’attend pas, la mort toujours aux trousses de la vie.

Si Giacometti met l’homme debout, Bacon torture et déforme les corps jusqu’à faire parler les chairs tremblées, jusqu’à glacer le sang. L’un décharne jusqu’à la seule ligne, l’autre écorche l’homme, devenu viande, pour le représenter en proie à l’agonie. Mais n’est-ce pas, à travers ce dialogue infini, sans complaisance, entre la chair et les émotions, pour mieux donner à voir, dans les deux cas, les souffrances de l’homme et toucher à l’universel ?

Son d’œuvre peut-être lu plus comme une autobiographie dont les autoportraits sont les éclats de miroir brisés, ceux d’une vie en morceaux. Et, dans chacun de ces fragments, on peut lire la quintessence de son art.

Ici en bref

Questions pratiques