Claude Askolovitch et Evelyn Askolovitch

Se souvenir ensemble

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Se souvenir ensemble rassemble une mère et son fils, Evelyn et Claude Askolovitch, autour de l’amnésie qu’a vécu la première lors de son internement dans les camps de concentration, dès l’âge de quatre ans. Jamais elle n’avait raconté et jamais elle en avait parlé. Et puis un jour, lorsque les garants de sa mémoire familiale se sont tus, elle s’est autorisée à interpeller la sienne pour commencer à témoigner auprès de jeunes.

Seulement, son fils, Claude Askolovitch, ce journaliste opiniâtre, journellement entendu sur les ondes de France inter, s’étonne et même se sent presque floué, de la confiance faite à des inconnus. Sur les conseils d’un tiers, cet ouvrage est né. Et, comme la famille Askolovith a ses origines dans cette Mitteleuropa “polyglotte et lettrée”, exilée en Hollande pendant la seconde guerre mondiale, il y a à raconter.

Les détails sont nombreux entre ces divers ascendants : Des vies brisées se racontent, s’arrêtent et néanmoins repartent, vives et fertiles, de nouveau à se réinventer avec amour et tendresse. Pas loin de penser comme Nolween, la compagne de Claude Askolovitch, que tant de détails infligés au lecteur relèvent de la ” transgression sociale “, car on s’y perd un peu devant l’abondance relatée.

Est-ce que l’amnésie traumatique dont a souffert Evelyn a pesé sur sa famille ? Est-ce la culpabilité de n’avoir rien voulu en savoir qui a empêché le fils, quelques fois ? Mais, presque du jour au lendemain, il ne fut question que du passé d’Evelyn. Alors, comme réponse, le fils eut l’idée de cet essai pour raconter ensemble ce basculement.

Cette sorte de dialogue se lit facilement. Car, c’est peu dire que ces deux-là se chamaillent. Le fils n’entend pas les révélations murmurées par sa mère et lui reproche de n’en jamais rien dire. Néanmoins entre ces deux-là, l’amour est palpable même s’il ne se dit pas.

Outre l’histoire terrible du XXè siècle racontée dans cet essai, ce sont aussi les relations entre Claude Askolovitch et sa mère, aussi passionnés et entiers l’un et l’autre, possessifs de l’un à l’autre, aussi entêtés et de mauvaise foi chacun, mais en tout cas, attachantes pour un récit de vie terriblement émouvant. Une rencontre passionnante et un moment de lecture aussi important pour le devoir de mémoire qu’agréable de cet amour qui se dit à chaque page !

Puis quelques extraits

Fillette dans les camps, elle avait éteint quelque chose en elle, pour ne pas mourir de peur et de chagrin, et après guerre, elle s’est reconstruite sur cette absence. Cette perte est irrémédiable.

Comment lui expliquer que je l’écoute mal précisément parce qu’il est trop important que je l’entende ?

Mammie s’en allant, je perdais la dernière personne qui avait vécu la Shoah avec moi, et aurait pu me raconter ce que j’avais traversé. Elle ne l’avait jamais fait.

À force de traiter un autre peuple de manière ignoble, on finit par se détruire.

Ce que je comprends d’Evelyn quand j’avance avec elle, relisant nos notes et revisitant nos vies. Elle souffre d’abandon. Certaines personnes attirent la violence, d’autres les perversions, et toute leur existence, les violents et les pervers peuvent les croiser, à tout moment.
À tout moment, Maman peut être abandonnée.

Et encore,

Ce sont les hommes qui fabriquent les massacres, et ensuite, puisque tous ne meurent pas, viennent les miracles que l’on a accordés à Dieu.

(…) Maman me sortit de la maternelle à l’âge où elle avait été déportée, quatre ans, quand, dans une telle souffrance qu’elle en avait éteint sa mémoire, on l’avait séparée de ses parents. (…) Mais si l’on agissait consciemment, cela se saurait.

Le judaïsme était notre intimité, pas un univers qu’aurait subi un môme coupé du vaste monde par le communautarisme de ses parents.

Difficile à raconter, surtout à ses poches , à ses enfants, à ses petits-enfants, pour ne pas les traumatiser, pour ne pas mettre ce poids du passé sur leurs épaules…

Elle ne réalisait pas qu’en ne dérangeant personne, elle bouleversait chacun. Je la dérange alors, pour réparer notre monde. C’est ici que la violence que j’exerce en reprenant ces mots se justifie peut-être. En tout cas, j’ai appris.

N’avoir jamais maudit ses chaînes, mais les avoir brisées.

Nos enfants sont des paysages vers notre enfance.

Ici en bref

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Incipit
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Un premier extrait
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Puis le dernier

Questions pratiques

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Claude Askolovitch et Evelyn Askolovitch

Se souvenir ensemble

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Éditeur : Grasset

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Parution : 11 octobre 2023

EAN : 9782246829652

Lecture : Octobre 2023

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13 commentaires

  1. J’ai entendu un matin sur France Inter l’interview de ce journaliste que j’aime beaucoup et de sa maman. J’ai donc inscrit ce livre dans ma pal, te lire me conforte dans mon idée de le découvrir.

    • Merci 😉. Oui leur dialogue m’a à la fois émue, fait sourire et fait réfléchir ! De quoi me plaire bcp !

  2. C’est une bonne chose de continuer à parler de l’Holocauste. On voit de moins en moins de livres paraître sur ce sujet alors que c’est très important. Merci de cette chronique ! Bonne journée

    • J’ai pris bcp de plaisir à découvrir à partir de cet essai écrit à quatre mains leurs reflexions et la déflagration d’un passé longtemps silencieux!
      Bon week-end 😉

    • Oui, qq fois, on se rend compte qu’un ancien article attire énormément, sans en saisir vraiment la cause ! Mystère éclairé des statistiques 😉

    • Oui et non. Le nombre de destins brisés est évidemment impressionnant, mais les chamailleries de ces deux là sont savoureuses !
      Bon week-end 😉

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