Secours
RENTREE LITTERAIRE 2023
En immergeant son roman, Le grand secours, dans la journée d’un lycée, Thomas B. Reverdy raconte, par la fiction, l’enseignement dans un “quartier”, au cœur d’un département proche de sa capitale, mais si loin de ses préoccupations.
Candice est professeur de français au lycée de Bondy. Aujourd’hui, elle a invité un écrivain poète, en résidence pour 6 mois. En le rencontrant pour la première fois, elle doit le présenter aux élèves.
C’est un jour ordinaire, un lundi de janvier, et elle commence sa journée à 7 h 30 sur son vélo, en traversant le carrefour sous l’autoroute A3. Le roman se termine à la fin de la journée scolaire, vers 17 h. Tout a changé et pourtant, demain, sera identique !
Un lycée ordinaire
Thomas B. Reverdy décrit une journée dans un lycée mais pas n’importe lequel, situé dans la Seine-Saint-Denis. Ce département est toujours raconté ou filmé pour illustrer les différents plans de la politique de la ville. Il fait la une des chaînes d’Infos lors de l’embrasement de ses cités. Quoique, maintenant, il s’efface devant la troisième ville de France, devenue vitrine de l’intervention présidentielle !
Juste une journée où Thomas B. Reverdy relate, de minutes en minutes, l’ordinaire d’un établissement scolaire, pour faire ressentir ce qu’est la banlieue, le ghetto, le vase clos, le “bendo” comme disent les jeunes, à partir de ce qu’on appelle encore la communauté éducative et les jeunes qui la fréquentent. Cet univers d’où on ne peut sortir, uniquement en rêver !
Thomas B Reverdy décrit la vie des professeurs et c’est savoureux : le club Tupperware pour enseignants en surpoids, le professeur de mathématiques, amateur de séries américaines, qui a trouvé son autorité en copiant les flics de Netflix. Du vécu de la salle des professeurs à la cafétéria jusqu’au traitement de la photocopieuse, tout est réaliste, même si Le grand secours est une vraie fiction.
Au plus près des adolescents, Thomas B. Reverdy dépeint l’enfermement et les tiraillements du groupe et de la cité, les cœurs qui s’enflamment juste en silence, l’univers glauque que chacun traverse, les tensions et les codes. Et, quelques fois, l’étincelle jaillit. La poésie devient l’échappatoire à la violence, mais jusqu’à quand !
Une journée extraordinaire
Cette journée, Thomas B. Reverdy la rapporte avec l’enchaînement des cours, l’intrusion, la rencontre avec le poète, l’explosion de la violence, la vie d’un carrefour encombré, l’affrontement avec une jeunesse blessée, le chagrin d’amour d’un adolescent, une cantine surpeuplée… Mais, au cours de ces heures, il y a la rencontre de deux solitaires.
Car, demain, Candice reprendra son vélo !
Plus question d’oublier Candice, Paul, Mo ou Sarah.
Un vrai coup de cœur !
Puis quelques extraits
La seule façon, dit-elle, quand je rentre dans l’arène, d’imposer que ce soit eux les taureaux, moi j’ai le rouge avec moi, il me regarde comme des dingues, et quand j’ouvre la bouche, mes phrases, ce sont des banderoles, c’est ma seule arme, ma parole, je les tiens par ma bouche.
Le multiculturalisme s’accommode assez bien du ghetto.
C’est pour ça que les flics ne devraient pas avoir d’armes. Une fois que tu as dit que tu allais tirer, qu’est-ce que tu fais si le mer continue à courir.
L’émotion, c’est parce qu’on se met à la place de celui qui est dans la lumière. C’est de l’empathie, de la fierté, de la procuration. C’est pour ça qu’on aime les acteurs. C’est pour ça qu’ils nous font peur aussi quand ils se ratent comme des acrobates. Un peu honte quand ils sont ridicules.
Mais elle est toujours émue, elle est toujours fière quand elle a l’impression que l’un d’entre eux vient de rencontrer la beauté, cette chose qui peut changer la vie pour toujours, qui peut donner du sens à tout ce qu’on fait, qui permet d’échapper à tout ce qu’on subit, la beauté qui console et la beauté qui éblouit, qui soigne et qui exalte, qui révèle et qui guérit, que l’un d’entre eux, même un seul, rencontre la beauté, la beauté qui sauve, et la journée est gagnée.
Et encore,
Ce n’est pas l’école qui fabrique l’ascension sociale ou son échec, c’est le marché de l’emploi.
Entre les voitures des parents, qui en ont deux si le père est artisan, celle de la grande sœur qui a trouvé du boulot à Roissy au Bourget, celle du fils qui est VTC,qu’on mer dans le garage pour des questions d’assurances, ça en fait vite trois ou quatre par appartement. C’était pas prévu comme ça.
Il fait partie des enfoirés qui sont dans le business de l’outrage.
Tu crois qu’il y aurait autant de travaux dans les rues à Paris, si le Mali, la Syrie et l’Afghanistan ne nous envoyaient pas autant de chair à béton ?
Les nanas noires, elles n’aiment pas plus que moi torcher ma mère et lui faire prendre sa douche, mais c’est elle qu’on a envoyée en Sanitaire et Social, à la fin de la seconde.
Et encore, encore,
En refusant de condamner au prétexte d’éviter l’amalgame, ils étaient en train d’en faire un énorme, d’amalgame, et d’enfoncer le clou. (..) Ils ont tout inversé, tout confondu et le consensus a volé en éclats.
On a préparé Samuel Paty. (…)
Il y a eu ceux qui ont fait cette minute de silence parce que les élèves méritaient d’être intégré dans ce deuil, et ceux qui ne l’ont pas faite parce qu’ils avaient peur de stigmatiser les élèves qu’ils ne considéraient, finalement, que comme de pauvres arabes.
Les vices de la méthode contre les vertus de l’exemple.
Molière a du génie, il n’a pas besoin, pour grimper plus haut, de marcher sur des nains.
On rit avec, pas contre.
Le lycée, c’est un peu comme un bateau, se dit-elle. Un bateau à la dérive, dans un coin de béton.
Ici en bref



Du côté des critiques
Télérama –
Du côté des blogs
Mademoiselle Maeve – Lilylit – Aires Libres –
Questions pratiques

Thomas B. Reverdy – Le grand secours
X @TBReverdy – Instagram @tbreverdy
Éditeur : Flammarion
X : @Ed_Flammarion Instagram : @flammarionlivres
Parution : 23 août 2023
EAN : 9782080425928
Lecture : Septembre 2023
Il fait partie de mes prochaines lectures.
Cet écrivain m’a assurément conquise et mettre de la poésie sur des sujets aussi brûlants et explosifs que l’enseignement et la banlieue, je trouve qu’il faut sacrément bcp de talent !
C’est mon coup de cœur de la rentrée pour l’instant, contente de le voir si bien chroniqué ici !
Oui, un grand roman qui je l’espère sera récompensé ! Merci pour ce retour !
Ton enthousiasme est communicatif, je note ce livre, même si la banlieue est un univers à des années-lumières du mien. Bon week end
J’ai bcp aimé ce style choral qui donne des instantanées de cette journée dite ordinaire qui devient au fil des heures assez exceptionnelle. De plus, la description de la banlieue, tant décriée en France, est à la fois racontée dans sa normalité et dans tout son enthousiasme !
Bon dimanche 😉
Bonjour Matatoune. Je le lirai peut-être puisque c’est un coup de coeur pour toi. Bonne journée
Rare est une fiction qui colle tant à la réalité sans la juger, juste en positionnant des angles différents pour éclairer l’ensemble. Ici, tout est décrit : la pesanteur de la banlieue, le désir de s’en sortir et son impossibilité, le combat de tous les jours de profs, et la lumière dans cette nuit qu’il faudra retrouver au plus profond de soi pour y retourner le lendemain, et l’amour au bout du compte… Excellent week-end 😉