Manet – Degas – Musée Orsay

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Une femme au café

Face à face inédit au Musée d’Orsay présentant dans une exposition de deux artistes de la seconde moitié du XIXè siècle de renom : Manet – Degas.

The Metropolitan Museum of Art conserve une des plus grandes collections des deux peintres et naturellement, un partenariat avec le Musée d’Orsay s’est organisé autour de 200 œuvres rassemblées.

Deux artistes différents et pourtant si proches

Manet et Degas, en chefs de file de l’impressionniste, même si l’un et l’autre n’ont pas utilisé leurs techniques, ont largement contribué à sa diffusion. Manet s’en inspire directement et déclare même en 1867  » Rendre son impression » à ses tableaux. Degas s’implique dans l’organisation des expositions.

Leur émulation et leurs différends ont souvent permis de pousser leurs particularités, car dès 1862, leur amitié est réelle. Évoluant dans les mêmes cercles, comme ceux de la famille Morizot et le café La Nouvelle-Athènes, Place Pigalle, ils ont marqué de leur talent une œuvre singulière.

Édouard Manet (1832-1883) peint en s’inspirant des anciens en y apposant une touche personnelle souvent liée à la représentation sociale de son époque.

Edgar Degas (1834-1917) est un peintre de figures et non de paysages, travaillant uniquement en atelier et de mémoire. Aucune spontanéité et au contraire un travail acharné.

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Café de la Nouvelle Athènes ouvert vers 1876

Un même sujet, deux visions différentes

Les tableaux Femme à prune et Dans un café devraient aider à leur distinction. Imaginez que la capitale comptait presque 1500 cafés au milieu du XIXème siècle ! C’est donc bien une réalité sociale que les deux artistes tentent de saisir. D’ailleurs, Manet et Degas se retouvent à la Nouvelle-Athènes, café situé Place Pigalle, à égales distances de leurs ateliers respectifs.

Dans un café

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Dans un café dit l’absinthe Edgar Degas – 1875

A l’opposé des impressionnistes, Degas ne recherche pas la lumière dans les paysages. Il s’interesse à la ville et aux personnes qui la composent.

Le tableau, selon l’habitude de Degas, fut préparé par des croquis dans son carnet. le couple est constitué par une comédienne, Ellen Andrée, et le peintre, graveur et écrivain, Marcellin Desboutin.

Ellen Andrée (1856-1933) devait avoir 13 ans lors de la sortie du tableau. Néanmoins, elle est le modèle des peintres de cette époque comme le montrent la Femme à la prune mais aussi les tableaux de Renoir. Devenue comédienne célèbre, elle déclare plus de cinquante ans plus tard :

« Je suis devant une absinthe. Desboutin devant un breuvage innocent, le monde renversé, quoi ! Et nous avons l’air de deux andouilles. »

De fait, la scène n’a rien d’engageant : Le visage de la femme est comme déformé par la tristesse qu’il révèle. On songe obligatoirement à une prostituée, déjà usée par sa vie, pourtant, elle est bien mise… L’espace entre les deux tables souligne encore cette solitude, malgré la présence de l’homme, assis à ses côtés.

A la vision de ce tableau, on ne peut oublier la sculpture La Danseuse ou les coulisses de l’Opéra où les messieurs à haut de forme envahissent le salon cherchant, comme des prédateurs que Degas dénoncent, de très jeunes danseuses.

Marcellin Desboutin est, à l’époque, au creux de la vague. Sa posture et son habit le démontrent. Il commence à se mettre à la gravure ce qui lui permettra de connaître un certain succès.

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L’assommoir de Emile Zola, édité par G. Charpentier en 1878

Il est évident que Zola et ses romans naturalistes complètent la volonté de Degas de documenter son époque dans sa réalité. D’ailleurs, l’écrivain lui déclare, lors de la publication de L’Assommoir (1877), : « J’ai tout bonnement décrit, en plus d’un endroit dans mes pages, quelques uns de vos tableaux ».

L’absinthe est une liqueur de 72° à base d’une plante neurotoxique. Ses ravages furent nombreux jusqu’à son interdiction en 1915.

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Arlequin et sa compagne – Paris – Automne 1901

Degas présente sa scène avec lucidité, sans édulcorer quoique ce soit, ce qui provoque le scandale des visiteurs venus en Angleterre découvrir le tableau. Pour ses contemporains, la peinture ne doit pas représenter ce genre de thèmes !

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Femme à la prune

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Femme à la prune – Edouard Manet – vers 1877

Un an plus tard, Manet demande encore à Ellen Andrée de poser dans son atelier au bord d’une table en marbre, achetée pour l’occasion. Tout le tableau évoque le café, mais, comme Degas, Manet travaille dans son intérieur.

D’abord, la couleur rose éclate soulignant la jeunesse du visage et son coté mutin. Car, même si son expression est encore la solitude, le spectateur surprend la rêverie du personnage.

« Là est la grâce de Manet […], qui sait que ce point inaccessible de beauté que la peinture convoite ne se trouve que dans son inachèvement et dans la distance que le peintre saura mettre entre lui et son rêve. » Déclare Gérard-Titus Carmel dans son essai Edouard Manet, le regard perdu.

Dandy, séducteur et collectionneur de rencontres féminines, Manet ne peut se résoudre à peindre la jeune femme en détresse. Elle garde une jolie expression de jeunesse malicieuse, rêveuse avec sa prune non consommée et sa cigarette non allumée.

Là où Degas voulait dénoncer un fait de société, Manet décrit une très jeune femme, habillée de belles façons, certainement mieux que sa condition lui permet réellement, à l’abandon d’une rêverie.

Il faut dire que Manet avait suscité assez de scandales avec son Déjeuner sur l’herbe et son Olympia pour dépeindre ici un sujet plus consensuel. Néanmoins, les objets sont aussi importants que le personnage. C’est le fruit qui donne le titre à ce tableau. Là est sa modernité, aussi ! Car, plus assuré, Manet sait que sa peinture plaît !

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Émulation ou compétition

Néanmoins, au sinistre Dans un café de Degas, Manet oppose une vision plus volage, renforçant une vision des mœurs comme légère et assumée de l’être. Cette vision différente de ses contemporaines est encore plus évidente dans les tableaux Nana de Manet et Intérieurs de Degas.

Pour aller plus loin

Manet – Degas – Musée Orsay – Dans l’intimité

La petite danseuse de quatorze ans – Camille Laurens

Degas et Renoir

Degas Danse Dessins – Musée d’Orsay

Degas à l’opéra

Commissaires

  • Commissaire générale
    • Laurence des Cars, présidente – directrice du musée du Louvre
  • Commissaires à Paris
    • Isolde Pludermacher, conservatrice générale peinture au musée d’Orsay
    • Stéphane Guégan, conseiller scientifique auprès du président des musées d’Orsay et de l’Orangerie
  • Commissaires à New-York
    • Stephan Wolohojian, conservateur John Pope-Hennessy en charge du département des peintures européennes, The Metropolitan Museum of Art, New York
    • Ashley E. Dunn, conservatrice associée, département des dessins et estampes, The Metropolitan Museum of Art, New York

Sources

Dépliant de l’exposition

L’objet d’art – Hors série Manet Degas

Questions pratiques

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Manet – Degas

Une femme au café

Musée Orsay

#ExpoManetDegas

Du 28 mars au 23 juillet 2023

Twitter : @MuseeOrsay    Instagram : @museeorsay

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Président :  Christophe Leribault

1 Rue de la Légion d’Honneur,

75007 Paris

13 commentaires

  1. Dans le tableau La prune, la jeune fille est très fraîche et agréable à regarder ! Bonne journée 😉

  2. Oui, le roman de Camille Laurens met en lumière le sort de ces « gamines » la tête plein de rêves qui seront rattrapées par la misère mais aussi, le décryptage d’un peintre amoureux du mouvement . 😉

    • Je crois bien que pour les commissaires d’Orsay y , aussi préférence pour Degas, vu les expos qui lui ont été consacrées 😄

    • L’exposition foisonne avec plus de 200 œuvres ! Une remarquable mise en perspective. Quelle belle qualité toujours poursuivie par le Musée Orsay 😉

    • Merci. Ces deux peintures, et deux autres plus tard, me semblent bien résumer les deux approches même si leurs techniques particulières sont moins traitées.

    • L’exposition les met parfaitement en valeur, même si le Musée d’Orsay, du moins ses commissaires, doivent avoir un léger penchant pour Degas, vu le nombre d’expos lui étant consacré ces dernières années. Bonne journée 😉

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