Léonora Miano – Stardust

RENTRÉE LITTÉRAIRE 2022

vagabondageautourdesoi.com - Léonora Miano - Léonora Miano propose pour cette rentrée un roman très personnel, son journal écrit pour être publié de plus de vingt ans sur la précarité qu’elle a vécut à son arrivée à Paris avec son expérience d’un centre de réinsertion avec sa fille Bliss.

De ces mois d’errance dans l’attente d’une régularisation, Léonora Miano partage un texte fort, sensible entre colère et amour maternel, sans concession concernant la France, ce pays d’accueil, ex-pays colonial, où elle essaye de conquérir son indépendance.

Brins d’histoire

Louise semble très précoce. Elle souhaite obtenir sa carte de résident car sa fille est née française. Elle a vingt-trois ans, sa fille, onze mois.

Elle est venue pour ses études mais c’est son indépendance qui l’a faite plonger dans la précarité. Un amour. Puis, un bébé.  Et se rendre compte après la naissance que le père ne pourra jamais assumer sa paternité !

Alors, elle part… Seulement, la situation politique et économique se dégrade. Sa bourse ne lui suffit plus à vivre correctement. Elle se précarise et après l’hôtel, c’est le foyer de Crimée, un endroit qui accueille les femmes sans abris.

Alors …

L’écriture est brute, abrupte même. Comme sa vie de l’époque, elle est sans concession, sans fioriture. Et, pourtant son amour maternel, non seulement la fait grandir, mais la protège, l’empêche de se perdre dans la honte et la désespérance.

Léonora Miano raconte son choix de solitude où il faut faire confiance à personne, pas même aux encadrants. Elle se décrit déjà si différente en son pays : la bibliothèque de ses parents regorgés de littérature française et anglaise. Elle n’est pas déjà ancré dans le pays de l’enfance. Alors ce n’est pas dans ce foyer qu’elle se liera avec ses congénères.

Le style est haché comme l’urgence à rester vigilante pour se garder, elle et son enfant, juste en vie. Le quotidien y est décrit dans son immobilité, sans verbe. Presque par instinct, elle se préserve de s’installer dans cet état, de baisser la garde pour éviter de ressembler aux autres, pour ne pas devenir comme elles, et surtout ne pas finir expulsée, rejetée comme sa collègue, Véronique qui fera une bouffée délirante, tellement la souffrance, la douleur, la peur l’étreint.

Le texte de Léonora Miano est si fort qu’on ne peut le découvrir sans s’arrêter, sans reprendre son souffle…

Bien sûr, le quotidien y est décrit. Mais ce n’est pas sur ce point que le texte touche. C’est sur sa singularité du ton employé, la fierté comme un étendard, et les moyens mis en œuvre pour sa survivance qui sont époustouflants.

Malgré l’incertitude du lendemain, Léonora Miano livre aussi ces “recettes” pour garder sa dignité. Le sourire de sa fille, sa confiance en l’amour de sa mère et cet enfant qui la porte en sont des éléments essentiels. Le souvenir de sa grand-mère, Mbambé, en est un autre. Et, il y a aussi l’écriture qui l’aide à garder la tête droite. Néanmoins, Louise allias Léonora sait que la dégringolade se fait plus vite qu’il n’est osé le reconnaître.

En conclusion,

Par son roman Stardust,cette poussière d’étoiles, Leonora Milano donne vie aux nombreux visages qu’elle a rencontré lors de sa période de précarité dans sa jeunesse. Comme pour l’écrivaine, ces personnalités nous hantent longtemps après la fin de la lecture.

Remerciements

à @editionsgrasset et @NetgalleyFrance pour #Stardust de @LeonoraMiano –

Puis quelques extraits

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Tant de cris forment la matière de ses silences. Sa rage qui remontait aux drames de l’enfance, à ses violences aussi, habita longtemps mon écriture.

Comment dormir ? La nuit a des grincements, des bourdonnements, des ronflements de tuyauterie humaine. Le corps caverneux des compagnes imposées. Tous les bruits sont partagés. Offerts à celles qui sont encore suffisamment stupides pour croire que l’intimité est un droit. Que la misère n’est pas un vice.

Ne pas s’habituer à la crasse. Refuser de s’accommoder du pire. Penser qu’elle vaut mieux. Qu’elle aura mieux. Tout ceci n’est qu’un mauvais moment.

On s’est démené pour que les Subsahariens rêvent de France. On leur reproche d’avoir trop obéi. De n’avoir pas su dire merde. De vouloir vivre leur fantasme.

Vivre ici m’enseigne chaque jour ce qu’est le sous-développement. Atrophie de la matière grise. Je pense à mes camarades de faculté, aux questions stupides qu’ils me posaient. Parfois je parlais si bien leur langue. Parce qu’ils s’en croyaient les propriétaires, après que leurs ancêtres l’avaient répandue dans nos pays à coup de trique. Comment j’étais arrivée là. Comme si j’avais pu faire le voyage à la nage.

Les Parisiens aiment dire merde à tout. C’est pour ça qu’ils ont des chiens.

Avec la poésie. c’est qui reste en mémoire. Ce qui ne bouge pas. Ce qui me parle et me touche encore.

Il faut subir des interrogatoires partout. Monter les dossiers. Se faire enregistrer. Évaluer. Ficher. Remettre à sa place, souvent.

Crimée ne peut rien pour elles. Ce lieu n’est pas dédié à la reconstruction. Il n’est qu’une voie trop fréquentée. Une artère creusée sur le bas-côté pour la transhumance de celles qui ne sont plus. Transit, exit.

J’essaie de réfléchir, de comprendre. Je n’arrive pas à penser. Mbambe, dis-moi encore que je suis faite d’une poussière d’étoiles. Dis-moi que je suis née pour briller. Pour être aimée. Dis-moi que j’aurai une vie, qu’il ne peut en être autrement.

Les pays sont comme les personnes. Parfois, on les aime fort, sans que l’entente soit possible. Louise se sent une âme en suspens. Une funambule sans appartenance territoriale. Dans ses pensées, quand elle parle à sa grand-mère, elle dit chez nous. Pour elle, il n’y a pas eu de tel lieu. Jamais d’endroit où sa présence soit contestée. Au Cameroun, les gens ne l’ont jamais considérée comme une des leurs. Pas plus en France. Pour des raisons différentes. Elle accepte sa singularité. C’est en écrivant qu’elle trouve un espace habitable.

Si je peine à l’avouer, il faut bien reconnaître ce que nous avons en commun. Souvent. L”inadaptation au monde dans !lequel nous avons dû pousser. L’impréparation à l’épreuve. La répétition de l’erreur. Une sorte d’incompréhension face à la vie, sans doute de l’inconséquence. La douleur indicible. Pas parce que les mots ne viendraient pas, mais parce que personne ne veut savoir. Il ne faut pas déranger le monde. Ici c’est la terre : tout le monde souffre.

Être un objet de désir pour les hommes, faute d’avoir été une enfant désirée. Il faut si peu de choses pour nous égarer. Il faudrait si peu pour que cela ne se produise pas.

Le souvenir est l’unique patrimoine. On s’y accroche.

Louise se fait la promesse de connaître le jour où elle ne se taira plus. Quoi que Crimée fasse d’elle, si Louise ne meurt pas, elle vivra pour tout dire. En face.

Celles qui en doutaient encore savent que la protestation est l’apanage des ayants droits, des socialement insérés.

Ici en bref

D'habitude, je ne partage pas mes lectures lorsqu'elles ne m'ont pas plue ! Mais, là, c'est le livre qui se vend à plus

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Dans le prologue, Léonora Miano explique sa démarche pour cet écrit et sa parution pour cette rentrée.
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Un extrait
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Puis le dernier

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Léonora Miano – Stardust

Twitter : @leonoramiano  Instagram : @leonoramiano

Éditeur : Grasset

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Parution : 31 août 2022

EAN : 9782246831839

Lecture : Septembre 2022

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13 commentaires

    • Je l’ai trouvé très fort. Sa précarité n’a aucun relent de compassion, au contraire…C’est le récit d’une battante qu’elle nous livre … Je pense qu’il devrait être récompensé … A suivre donc !

  1. j’hésite encore et pourtant j’ai bien aimé sa prestation hier soir à la grande librairie!
    en fait j’ai déjà beaucoup de livres “spécial rentrée 2022) en cours ou qui m’attendent 🙂

  2. oui de l’avoir vu hier, et avec votre article, j’ai très envie de le découvrir

    • Je la verrai en replay car je ne pouvais être disponible au moment de sa présentation. Par contre, j’ai écouté la présentation d’Anthony Passeron et il m’a convaincue de découvrir son livre….

  3. L’autrice était invitée de la Grande Librairie hier soir, j’ai suivi avec intérêt ses propos et je suis curieuse de découvrir son roman, ton retour en fait en tout cas un bel éloge !

    • Je verrai sa prestation en replay car indisponible hier. Son roman est à découvrir et son cri d’écriture aussi !

    • Oui, sans concession, sans fioriture ! Un écrit puissant et une rage de vivre étonnante 🙂

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