… cette chanson
RENTRÉE LITTÉRAIRE 2022
Prix des « Inrockuptibles » 2022 Catégorie roman ou récit français
Prix Décembre
Prix Non – fiction Elle 2023
Pour la collection “Ma nuit au Musée”, Lola Lafon a choisi de répondre à l’invitation du Musée d’Anne Franck au bord du canal à Amsterdam et de séjourner une nuit dans l’Annexe où Anne et sa famille ont vécu pendant vingt-six mois, rejoints après par quatre autres personnes. Cette vie entre parenthèses fut arrêtée par l’arrestation de tous les occupants.
Seul Otto, le père et chef de l’entreprise où l’annexe était cachée derrière une bibliothèque, est rentré du camp de concentration. Les feuilles du Journal d’Anne ayant été conservées, il choisit de les publier sous le titre “Le journal d’Anne Franck”.
Difficile de rendre compte de la portée de Quand tu écouteras cette chanson. Au moment où la troisième génération prend conscience de l’intérêt de raconter, à leur manière, les conséquences des crimes contre l’humanité mis en place de façon délibérée par le régime hitlérien encouragé par les gouvernements autochtones, Lola Lafon redonne au Journal d’Anne Franck toute sa portée en rappelant la genèse de son écrit, son traitement après la guerre, les élisions de certaines parties, son exploitation médiatique, etc.
Le portrait d’Anne est connu de tous, illustrant de son visage d’adolescente de treize ans la couverture de son journal dans toutes les éditions. Lola Lafon montre, à partir des heures vécues dans l’ensemble du musée, une jeune adolescente tout en légèreté rêvant de stars et découvrant sa féminité et sa sensualité.
Mais, Quand tu écouteras cette chanson rappelle aussi le travail d’écrivaine d’Anne Franck. Car, lui reconnaître son talent d’écriture est une façon de respecter sa volonté. En rappelant sa démarche, des jours durant de réécritures des mots et des phrases, elle réaffirme sa volonté d’être lu, bien loin du journal intime d’une adolescente “cloîtrée” présenté le plus souvent !
Alors, certes tous ces rappels historiques amènent un regard neuf sur cette œuvre dont, Lola Lafon le rappelle, ” nous en connaissons la fin ; l’autrice, elle, l’ignore.”
Mais,
Dans Quand tu écouteras cette chanson, Lola Lafon analyse son propre passé, ainsi que son œuvre littéraire. Elle donne au lecteur des clefs pour comprendre ses créations et les fractures qui la poussent à la nécessité d’écrire.
Ses confidences s’expriment avec pudeur et discrétion. Néanmoins, cette nuit au musée dévoile le bouleversement intérieur, vécu par la jeune femme, que l’écriture est venue panser.
La rencontre avec Anne et Lola fait de ce texte, si peu ordinaire, un immense moment d’émotions. Car, en donnant au lecteur des fragments de l’adolescente de Lola, ce sont des éclats de présence d’Anne que l’écrivaine nous redonne en cadeau.
Lola Lafon a du talent pour raconter les corps qui se brisent, dominés, étouffés. Mais ici, c’est la force d’une rébellion par les mots qu’elle nous offre.
On ne raconte pas Quand tu écouteras cette chanson, le récit de Lola Lafon nous aide à découvrir dans ce corps à corps dans l’obscurité d’une nuit, de maux à maux, une adolescente consciente mais qui choisit de croire à la vie.
Pour aller plus loin
Puis quelques extraits
Je suis venu en éprouver l’espace car on ne peut éprouver le temps.
La nuit s’est habitée, éclairée de reflets; au cœur de l’annexe, une urgence se tenait tapie encore, à retrouver.
Certaines rencontres commencent au moment où on se quitte, quand le temps presse. Alors les mots battent au cœur de l’essentiel.
Son Journal est l’œuvre d’une jeune fille victime d’un génocide, perpétué dans l’indifférence absolue de tous ceux qui savaient.
Si elle a commencé à écrire sans intention de se faire lire le 12 juin 1942, à compter du mois de mars 1944, elle dit ” je “, mais elle commence à penser à nous.
Ce livre nous en connaissons la fin; l’autrice, elle, l’ignore.
Ainsi, en sortant, on ne pourra pas dire : dans l’Annexe, je n’ai rien vu. On dira : dans l’Annexe, il n’y a rien et ce rien, je l’ai vu.
Naître après, c’est vivre en dette perpétuelle. Chaque enfant sera un miracle. il aura le devoir d’être survivant.
Le ravage, dans ma famille, s’est transmis comme ailleurs la couleur des yeux.
La danse était un lieu de cruauté et de concurrence mais c’était un monde préservé du politique ; un musée de tulle.
Et encore …
On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas; on pourra dire qu’on ne savait pas que faire de ce qu’on savait. On pourra dire l’impuissance qui nous saisit, qui nous écrase, plus on sait et moins on peut. Ce dont on est témoin est semblable à une question qui nous serait adressée. Nous pouvons choisir de l’ignorer
On écrit parce qu’on ne sait par quel autre biais attraper le réel.
Il faut parfois rétrécir l’espace pour en entendre l’écho.
Peut-être commence-t-on parfois à écrire pour faire suite à ce qu’on a perdu, pour inventer une suite à ce qui n’est plus. Pour dire, comme le petit pont rouge sur un plan, que nous sommes ici, vivants.
Quand l’arbre généalogique a été arraché, la naissance d’un enfant revêt une importance particulière : le nouveau-né devient une preuve de survie. il ne pourra se contenter d’exister. il héritera d’un devoir : celui de vivre plus fort, pour et à la place des disparus.
L’anorexie est un monologue. Qui dit que quelque chose nous dévore, qu’on brûle du désir de vivre. L’anorexie, je crois, est une promesse de fidélité faite à des absents.
Ici en bref


Puis dernier
Du côté des critiques
Du côté des blogs
La culture dans tous ses états – Horizons de Patricia –31st floor
Questions pratiques
Lola Lafon – Quand tu écouteras cette chanson
Éditeur : Stock
Twitter : @EditionsStock Instagram : @editionsstock
Parution : 17 août 2022
EAN : 9782234092471
Lecture : Septembre 2022
Tellement touchée par ce texte bouleversant et son auteure si émouvante.
Anne
Un excellent récit. Maintenant que Lola Lafon a fait le lien dans ce récit entre son thème favori sur les adolescentes abîmées, je suis curieuse de lire son prochain roman 🙂
Je viens de le lire – coup de cœur (brisé et ému – presque aux larmes)
Un gros coup de coeur pour moi.
Ah, moi aussi. C’est un texte sensible à découvrir vraiment 🙂
J’étais à Amsterdam cet été. J’ai très envie d’y revenir avec ce livre dans ma poche.
J’avais visité le musée mais j’avoue que j’aimerais aussi le revoir après cette lecture.
Il me tente de plus en plus.
C’est un très bon écrit !
J’aime bien cette collection des nuits au musée et je serais très curieuse de lire Lola Lafon au sujet d’Anne Frank. La lecture de son journal a marqué mon adolescence car j’avais 13 ans, le même âge qu’elle, et je me sentais proche d’elle.
Alors, cet essai est pour toi 🙂
entre ton article et le passage de Lola Lafon à la GL, je ne peux que le lire
Une Grande Librairie tellement étonnante; Quel plateau pour la première de la saison 🙂
Je crois que je n aurais pas le courage de lire ce livre. L histoire d Anne est trop bouleversante. Bonne soirée
Lola Lafon la traite avec tant d’empathie et de respect comme elle sait le faire concernant des adolescentes blessées. Bonne soirée