Rentrée littéraire 2021
Justine Lévy choisit pour raconter Antonin Artaud dans son roman Son fils paru pour la rentrée littéraire 2021 les vingt dernières années de sa vie mais du point de vue de sa mère, beaucoup décriée pour son amour hyper possessif devenu complétement invalidant au fil des ans.
Antonin Artaud (1896-1948) fut un poète, romancier, dessinateur, théoricien de théâtre et même acteur de talent à la carrière bouleversée par des troubles psychiques importants qui l’ont conduit à des hospitalisations successives bouleversant ainsi sa création artistique, pouvant la rendre incompréhensible mais adulée par les surréalistes et les dadaïstes.
Sa mère. Elle l’a élevé. Elle lui a même fourni les drogues pour apaiser son mal de tête et ses douleurs corporelles. Mais voilà, il en est devenu accro. De toutes façons, elle seule sait ce qui convient à son Nanaqui ! Reconnu pour ses écrits qui bouleversent la conception du théâtre, il brûle sa vie. Et après avoir été chercher le mystère des indiens au Mexique et le secret de la canne de Saint Patrick en Irlande, il est enfermé pour troubles à l’ordre publique et violences pour lui-même et envers autrui.
Depuis, elle n’a de cesse de le chercher. Pour conjurer sa peine, elle écrit chaque jour son journal. C’est ce récit imaginaire mais parfaitement documenté que livre Justine Lévy avec Son fils.
Son propos devient litanie. Mais lorsqu’elle le retrouve au hasard de ses recherches en clodo entrain de faire la manche, elle ne peut que s’en détourner ! Le lendemain, honteuse, elle revient mais il n’est plus à la même place. C’est là qu’on lui apprend qu’il est interné. Elle essaye de le visite. Il refuse. Elle ne cesse de se confier à son journal jusqu’à la mort de son Nanaqui.
Justine Lévy ausculte cette relation particulière connue comme toxique. Pourtant au début, le lecteur se prend d’empathie pour cette femme seule qui recherche son enfant. Elle était sûre avec son coeur de son talent, sans en comprendre la portée. Il y a bien ses réactions exagérées envers les “gueuzes” que son fils a fréquentées et qui ont du lui apporter la syphilis, ce qui explique, pour elle, son comportement. Il y a aussi ses excès de possession qui étouffent cet homme de plus de quarante ans. Mais, voilà, une mère est une mère ! Le talent de Justine Lévy s’exprime pleinement dans cette ambivalence.
Puis petit à petit, Justine Lévy insuffle l’étrangeté : l’eau bénite apportée à chaque visite comme traitement, les médicaments dans les gâteaux, etc. Sans dévoiler précisément la construction de l’écrivaine, ses révélations distillées en petites touches transforment cette mère désespérée en monstre irresponsable, atteinte d’une paranoïa délirante. Au fil des années, elle transforme le corps de son fils en corps supplicié. Pour son bien, car seule, elle sait ce qui est bon pour lui ! Ce journal de tendancieux et même malsain devient insupportable !
Du coup, se distille l’impensable : la folie maltraitante inscrite dans une lignée perturbée cachée, occultée aux yeux des autres, même si le père semblait être au courant !
L’autre aspect de Son fils est la description des traitements donnés aux personnes enfermées dans les asiles psychiatriques. De leur absence aux débuts des électrochocs, ils sont décrits avec leurs conséquences. Antonin Artaud aura subi cinquante trois électrochocs lors de la dernière période !
Le premier vrai ouvrage de fiction de Justine Lévy est puissant, dérangeant, parlant d’une vérité difficile ! En prenant le parti de la mère, décriée, l’écrivaine investit le champ de l’amour maternel lorsque celui-ci devient excessif et dérangeant jusqu’à la folie ! Une rencontre difficile à oublier !
Merci à @NetGalleyFrance et @EditionsStock de m’avoir permis de découvrir ce roman #Sonfils de #justinelevy .
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Puis quelques extraits
(…) Je n’allais tout de même pas ramener mes huit kilos à bout de bras, plus mon chagrin, plus ma honte.
Je voudrais qu’il essaie de se concentrer sur les petites choses qui rendent les gens heureux. (…) Une idée peut-être, une touche petite idée, une idée douce, une qui vous emmène pas trop loin, qui n’accroche pas d’autres idées, une minuscule idée qui irait se poser dans les coins sombres de son âme. Mais en voyant ses mâchoires se déboîter, en l’écoutant éructer des injures incompréhensibles tandis qu’il pointe de l’index un ennemi invisible, j’ai compris que ce ne serait pas pour aujourd’hui.
Enfin, voilà, ils sont entrain de le faire devenir comme les autres, les séniles, les débiles, les vrais fous incurables autour de lui, un presque mort, un plus vraiment vivant.
Quand un enfant a faim, c’est sa mère qui lui manque.
Quand il était petit, il m’arrivait de cacher les médicaments qu’il devait prendre dans le moelleux des gâteaux, pour lui épargner à la fois la crainte et le goût amer. Oui, je m’occupais bien de lui.
Ce n’est pas mon fils. Mon fils me manque.
” (..) Peut-être réussirez-vous à trouver ce qu’il me faut pour que les démons se taisent.”
Je devrais être là, près de lui, tout le temps. Personne ne le protège comme moi. Personne ne l’aime comme moi. Je le connais mieux que les autres. Les autres sont des idiots. Tous. Je radote. Ce sont tous des idiots et je suis une vieille sotte.
Ici en bref



Du côté des critiques
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Questions pratiques
Justine Lévy- Son fils
Éditeur : Éditions Stock
Twitter : @EditionsStock Instagram : @editionsstock
Parution : 8 septembre 2021
EAN : 9782234083233
Lecture : Septembre 2021
[…] https://vagabondageautourdesoi.com/2021/09/10/justine-levy/ […]
il m’attend également dans mon stock NetGalley!!!! ce sera ma première incursion dans l’univers de l’auteure 🙂
C’est son premier roman vrai car jusqu’ici, il y a des autobiographies …Moi j’ai bcp aimé !
J’avais lu La gaité de cette auteure et je n’avais pas du tout accroché mais peut-être que le fait qu’elle évoque un autre personnage qu’elle me plairait plus 🙂
Oui elle s’essaye à la fiction et c’est réussi !
Un livre qui doit être plutôt déprimant mais sûrement intéressant. Bonne journée
Livre lourd mais qui se lit facilement ! Bonne soirée
Bonjour Matatoune. Je ne le lirai pas car j’ai un fils en dépression, sans que j’ai été possessive comme cette mère.
Bien sûr ! En tout cas, il te faut du courage pour continuer à l’aimer, le chérir et le soutenir !
L’auteure prend le parti de la mère : je comprends que cela soit dérangeant.
Oui et non, c’est assez dérangeant car sont distillées des événements, sans en avoir l’air, qui font froid dans le dos !
Merci pour ton analyse, mais cette histoire de possession et de maltraitance ne m’inspire pas…
Alors passe, car ce récit n’est pas vraiment léger 🙂
Pauvre homme sa vie a du être hyper dur avec une mère pareille. merci belle présentation. Bisous à la semaine prochaine
Ben , pas que de sa mère, mais de son vécu La réalité lui était trop difficile ! Bon week-end !
Je viens de l’acheter, j’ai adoré ces autres livres et et voulais vraiment découvrir son premier roman de fiction !
On pourra partager car certaines choses sont presque suggérées et du coup, j’ai du relire plusieurs fois certaines phrases pour être sûre de bien les comprendre …
Antonin Artaud est un beau personnage et un grand écrivain. Un acteur de talent, aussi. Je lirai très certainement ce livre, merci de l’avoir présenté !
Oui, bien qu’ici, ce soit à la fin de sa vie où sa création est largement compromise par son état !