Visite le samedi 3 décembre 2017 – Sources et influences extra-occidentales
Heureusement que nous avions réservé la visite guidée pour découvrir cette expo, mon amie et moi. Car, franchement, c’était pas facile d’aborder ce mouvement sans quelques clefs d’explication. Bien sûr, je savais qu’il s’inspirait beaucoup de l’anarchisme de l’époque, qu’il souhaitait abattre tous murs en création (un peu à contre-courant de l’ambiance actuelle) et qu’il avait introduit le mouvement surréaliste. Mais à part Tristan Bernard, aucun autre nom sauf celui de Breton, me venait à l’esprit.
De Breton, il n’en est pas question dans l’exposition, mais d’autres noms dont l’Orangerie montre la relation avec les arts extra-européens découverts à l’époque. Comme le Quai Branly, lors de l’exposition Picasso Primitif, l’Orangerie présente les œuvres des artistes Dada en parallèle des œuvres des Arts Premiers dont ils se sont inspirés ou auraient pu s’inspirer.
J’ai été surprise par la richesse de leurs recherches et la modernité de leurs créations. L’origine du mouvement ne m’était pas connue et du coup, son retentissement politique m’a beaucoup intéressée et m’a permis d’analyser plus justement leur manifeste.
Le travail de Sophie Taeuber/Art, sur les différents matériaux, m’a beaucoup plu (de nombreuses références dans l’article ci-dessous). Je rêverais de faire du tissage ou d’avoir de nouveau la patience de monter des objets en perles.
J’ai reconnu le lien entre les portraits de Modigliani et les longues formes de l’art extra-européens. Je ne les regarderais plus de la même façon!
Mais, surtout, j’ai appris, essayé de comprendre et apprendre. Voilà, pourquoi, il m’a fallu tant de temps pour vous raconter ma visite et vous faire découvrir cette exposition si dense!
En deux mots : plaisir de la découverte! Bon, quatre en fait !
Pourquoi cette exposition ?
L’explication nous la devons à notre conférencière : Paul Guillaume, marchand d’Art dont le musée présente la collection, était un garagiste un peu… particulier : En effet, en plus de réparer les voitures, il exposait des œuvres d’Art. Et, les premières qu’il ait montré étaient celles des artistes Africains! Apollinaire passant par là devient rapidement intéressé par la nouveauté de cet art. Le critique l’introduit dans les cercles de l’avant-garde artistique parisienne. Paul Guillaume, encouragé par son ami, débutera un commerce d’objets extra-occidentaux puis ouvre au 6 rue de Miromesnil sa première galerie. Réformé, la guerre le laissera libre de développer son commerce et de découvrir de nouveaux artistes dont les artistes Dada (mais aussi, Soutine, Modigliani puis après Derain, Matisse, Picasso etc.).
Qu’est-ce que c’est ?
Pour faire face aux horreurs des guerres coloniales et celles de la première guerre franco-allemande de 1870 puis la première guerre mondiale qui voit de jeunes hommes revenus défigurés et handicapés, des artistes décident de ne dénoncer l’inacceptable.
Le 5 février 1916, le poète Hugo Ball inaugure à Zurich le cabaret Voltaire. De nombreux artistes l’accompagnent dont Jean Arp et Tristan Tzara. Le mouvement Dada nait là et tire son nom trouvé au hasard dans le Petit Larousse.
En français cela signifie « cheval de bois ». En allemand « va te faire, au revoir, à la prochaine ». En roumain « oui en effet, vous avez raison, c’est ça, d’accord, vraiment, on s’en occupe », etc. C’est un mot international. Seulement un mot et ce mot comme mouvement. Manifeste Dada d’Hugo Ball le 14 juillet 1916
“Nous cherchions un art élémentaire qui devait, pensions-nous, sauver des hommes de la folie furieuse de ces temps. Jean Arp – Rétrospective- 1940 –

Dans les arts extra-européens, il n’y a pas d’usage des proportions. Cela va permettre aux artistes de s’affranchir des règles de l’Art. Les artistes vont s’inspirer de l’allongement des formes. Mais, la différence fondamentale sera l’absence de mouvements des arts extra-européens, alors que la danse fait pleinement parti du mouvement Dada.
Après les débuts suisses du mouvement, celui-ci se répercute rapidement dans les grandes capitales culturelles.

Les Dadaïstes allemands propagent le mouvement à Berlin avec notamment la tenue de la célèbre et provocante “Dada Messe” de 1920. Le mouvement est plus axé sur les performances. Dada Berlin s’élève contre la morale bourgeoise, contre le nationalisme et le militarisme.
A New-York, le mouvement se développe autour de Marcel Duchamp qui expose sa fontaine en 1917.
A Paris, Tristan Tzara prolonge le mouvement à l’après-guerre avec des personnalités comme Picabia, Duchamp, Breton, Aragon ou Man Ray.

Des artistes …
Tristan Tzara (1896-1963) est un poète d’avant-garde qui se distingue en étant un acteur de performance. Véritable promoteur du mouvement Dada, il en a assuré une véritable gestion en publiant pas moins de 5 à 7 manifestes.

Jean/ Hans Arp (1886-1966) voulait renouveler l’art et fait l’expérience des matériaux textiles. Le tissage et la broderie remplacent la peinture au chevalet, jugée trop bourgeoise!

La première exposition Dada eut lieu dans la Galerie d’Han Coray. Mécène, il mettait à disposition des locaux mais aussi des soutiens financiers.

Marcel Janco (1985-1984), artiste roumain, est une des figures de proue du mouvement Dada. Vers 1919, il produit une série de masques exposés au Café Voltaire et qui était utilisés pour des spectacles spontanés.

Une grande part de l’œuvre de Janco aura été d’illustrer les manifestes, publications et le matériel promotionnel de Dada : fidèle ami de Tristan Tzara jusqu’à la fin de sa vie, il produit, pour ses manifestes, de nombreuses gravures sur bois qui serviront de visuels. Malgré son amitié avec Tzara, Janco ne manque pas de marquer ses désaccords avec celui-ci. Il s’oppose au nihilisme constant de celui-ci, et supporte plutôt Ball dans sa philosophie de l’Art pour l’Art. Autant Janco et Tzara s’entendent sur la nécessité de Dada pour recréer le monde détruit par la guerre, autant Janco déplore le goût pour la destruction et le scandale de son ami. http://www.dadaisme.org/artistes/marcel-janco/biographie.
Les poupées Katsinam représentant les esprits dans la mythologie des Indiens Hopi. Ces esprits s’incarnent dans des danseurs masqués et les poupées sont produites lors des cérémonies puis offertes aux enfants.

« Les katchina sont les âmes des premiers enfants indigènes, dramatiquement noyés dans une rivière à l’époque des migrations ancestrales. […] Quand les ancêtres des indiens actuels se furent enfin fixés dans leur village, le mythe rapporte que les katchina venaient chaque année leur rendre visite et qu’en partant, elles emportaient les enfants. Les indigènes, désespérés de perdre leur progéniture, obtinrent des katchina qu’elles restassent dans l’au-delà, en échange de la promesse de les représenter chaque année au moyen de masques et de danses. » Claude Lewis-Strauss
Introduites sur le marché de l’art à la fin du 19ème siècle, elles furent très appréciées par les artistes.
Sophie Taeuber-Arp (1889-1943), artiste importante du mouvement Dada, qui, avec son mari, Jean Arp, a essayé de supprimer les hiérarchies dans la création et l’art en s’inspirant d’œuvres extra-européennes et en combinant motifs abstraits et géométriques. En exposant les créations de Sophie Tauber-Arp avec des œuvres d’inconnus, l’exposition interroge ce rapport.
En 1918, Sophie Taeuber-Arp monte un spectacle de marionnettes, le roi Cerf, qui retranscrit, entre autre, la discorde entre Freud et Jung en 1913.



A gauche, un poudrier crée par Sophie Taeuber/Arp et à droite une boîte reliquaire fabriquée par le peuple Zandé. Dans différents écrits, les époux reconnaitront cette inspiration.
Hannah Höch (1889 – 1978) est devenue au fil du temps une véritable icône du mouvement.
« Je suis restée fidèle au photomontage et au collage. Jusqu’à ce jour, j’ai tenté d’exprimer, avec ces techniques, mes pensées, mes critiques, mes sarcasmes mais aussi le malheur et la beauté. »

Raoul Hausman (1886 – 1971) est un écrivain et plasticien qui a cofondé le mouvement Dada Berlin. Il inventera le photomontage entre autre. Il est surnommé “Der Dadasophe”. Une exposition au Jeu de Paume devrait en février rende hommage à ces talents de photographe. Pour une prochaine visite, certainement…

Cette oeuvre est une icône de l’art Dada car elle symbolise la négation de l’Art conventionnel qu’est l’art Dada avec l’utilisation de matériaux qui n’entraient pas habituellement dans les créations artistiques.
Post Dada
“L’œil existe à l’état sauvage”. André Breton
En 1924, les membres du mouvement Dada proclament leur adhésion au surréalisme sous la houlette d’André Breton. Avec lui, Aragon, Soupault et Eluard s’engagent dans le mouvement. Les débuts sont marqués par un intérêt exclusivement littéraire puis rapidement s’ouvre à d’autres formes de créations artistiques.

Man Ray photographie côte à côte en 1923 une statuette africaine et une sculpture très connue vers 1880. Cette photographie fera la couverture de la revue “391” fondée par Picabia.
Il prolongera la confrontation par une série de clichés appelés “Noire et Blanche”. Il composera dans des photographies célèbres quelques temps le visage de sa compagne, Kiki de Montparnasse, avec un masque africain.

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