RENTREE LITTERAIRE 2023

Salma el Moumni, avec ce premier roman, Adieu Tanger, signe “un cri littéraire” sur la condition des jeunes filles, au Maroc puis dans la France de son exil. Elle en tire une réflexion sur le poids social de la féminité. Ici, nullement question de voile, ou d’autres vêtements, mais le poids de la culture et des traditions.
En apostrophant par un tu, elle présente Alia, lycéenne, qui s’interroge sur l’éducation, le genre, la bisexualité et sur la complicité des mères à reproduire un ordre qu’elles subissent.
Difficile pour cette jeune fille de ne pas s’indigner devant l’héritage laissé par un père défaillant, censé la protéger. Seulement celui-ci disait devoir lui-même se protéger devant sa féminité naissante. Alors lorsque victime de publication de photos intimes sur les réseaux, Alyia ne peut que fuir à Lyon !
Éternel menteur, son père applique des règles qu’en privé, il ne suit pas. Mais, au-delà de la rage contenue dans son récit, Salma El Moumni fait preuve de qualités littéraires incontestables pour transmettre ses émotions et son vécu.
Évidemment, très personnel, ce premier roman de Salma El Moumni mérite toute l’attention. La découverte de la féminité, chez une toute jeune fille, est soumise à des tensions ingérables, parce que Alyia les subit seule. Du coup, la moindre attention d’autres la laisse proie facile. Ainsi, elle devient victime tellement elle est vulnérable. L’ingérence dans l’intimité d’une toute jeune fille résonne tout au long d’une vie.
Le roman Adieu Tanger de Salma El Moumni m’a touchée par ce ton personnel rapportant les émotions d’une jeune fille découvrant seule sa féminité, pourtant si convoitée par les regards qu’elle découvre et ne sait pas gérer. À découvrir assurément !
Puis quelques extraits

Au hasard des rues vides, comme le sont tous les quartiers au Maroc le vendredi midi, jour sacré, quelques hommes se baladaient en costume, alors que d’autres sortaient en djellabas; la banque et la mosquée ne sont jamais bien loin.
Au Maroc, tu sais que ne sont tranquilles que celles qui n’ont rien manifesté, celles qui n’ont pas été surprises. Les autres sont étouffées par des vidéos, des messages, des photos, des audios, une virginité perdue ou un sein dévoilé, un soir où elles ont senti un vent de liberté gonfler dans leur ventre et qu’elles regretteront une vie entière.
Avec l’effondrement d’une idée de justice d’Etat, s’est effondrée l’image du père tout-puissant et protecteur.
Personne ne te sauverait.
Toujours l’ambivalence : Il ne faut pas paraître trop négligée pour ne pas tomber dans le carcan des musulmanes oppressées, ni trop apprêtée, pour ne pas sombrer dans celui des beurettes en quête d’attention.
De ta féminité, tu ne tirais que la honte des seins naissants qu’il fallait couvrir, des règles qu’il fallait camouflées en faisant couler l’eau du robinet pour cacher au père le bruit de la serviette hygiénique arrachée de son emballage, de tes fesses rondes qu’il fallait couvrir de chemises longues, de manteaux longs, de sac à dos pendant.
L’humiliation bloquée dans la gorge, tu as tenté mais t’étais tue, par peur.
Tu as vu l’enfance défilée avec violence. L’innocence écrasée. Tu t’es levée, rhabillée et tu es partie, la peau irritée. La respiration sifflante, les yeux qui piquent, le corps douloureux, les cheveux ébouriffés, les mains lasses et les bras vides, le cœur qui bat vite, bruyamment.
La distance qu’il maintenait te tuait: celle du père qui n’a pas supporté que sa fille l’entende faiblir.
Ici en bref




Du côté des critiques
Le Monde –
Du côté des blogs
Ju lit les mots – Domi C Lire – Horizondepatricia – Folavril –
Questions pratiques

Salma El Moumni-Adieu Tanger
Éditeur : Grasset
X : @editionsgrasset Instagram : @editionsgrasset
Parution : 30 août 2023
EAN : 9782246831983
Lecture : Octobre 2023
Bonjour Matatoune. Le sujet semble original. Je le lirai peut-être. Bonne journée
Oui, pour moi, un premier roman avec une rage toute actuelle !
Bonne journée 😉
Beau sujet. Je note
Oui, et une écrivaine est née !
La forme en Tu….. peut parfois me gêner. Merci pour les extraits.
Oui, c’est une mise à distance un peu formelle. Seulement, à la fin, la narratrice prend le Je !
J’en ai entendu parler et il me tente beaucoup…Bisous bonne journée
Ah oui, je crois qu’il te plairait ! Bonne continuation
Un thème intéressant ! Le style a l’air plutôt efficace et frappant. Merci de cette découverte !
Efficace et frappant, tout à fait çà ! En tout cas, une voix singulière ! Bonne continuation
Je le note, cette thématique m’intéresse. Bonne journée
J’aurais cru qu’il serait récompensé vu le ton et la problématique traitée. À voir peut-être pour les prochains prix. En tout cas, une voix qui exprime tout le carcan subit par les jeunes filles, pour comprendre aussi ce qui se joue dans notre Europe ! Bonne journée