des pères
RENTREE LITTERAIRE 2023
Rachid Benzine fait renaître une voix afin qu’un fils retrouve le chemin de son passé.
“Je prie chaque jour pour vous retrouver.
J’espère que vous êtes fiers de moi. ”
Cinquante-six ans plus tard, son fils écoute cette voix d’avant lui, d’un homme jeune, comme lui maintenant. Cette voix raconte à son père et sa mère la dureté de sa vie, sa tristesse d’être loin d’eux. Elle les rassure pour qu’ils cessent de s’inquiéter.
Après la toilette rituelle, après l’enterrement, qu’après avoir vidé l’appartement, le fils, devenu pianiste, de renommée internationale, entend pour la première fois la voix de son père. Elle lui parle de son exil, de son travail, de ses renoncements pour donner à ses enfants, la chance que leur vie soit différente.
La voix d’un père qui n’a jamais rien raconté, rien révélé, rien partagé de son exil. C’est le subterfuge littéraire, ou le récit d’une réalité, qu’importe, que propose Rachid Benzine pour que l’on écoute enfin cette génération de migrants qui a tout sacrifié pour que leurs enfants puissent avoir un autre avenir.
Rachid Benzine propose un roman magistral où la parole éclaire un passé trop souvent silencieux. Terriblement émouvant est cette quête sur les traces d’un père à jamais absent. D’autres voix vont montrer au fils de qui il est le descendant, lui qui a oublié d’où il était venu.
Richard Benzine décrit avec pudeur l’amour du père pour ce que son fils est devenu redonnant à celui-ci toute la force de son admiration.
D’une grande beauté, ce roman se lit aisément sachant susciter émotions et affections. Car, ces anciens “chibanis”, nous les regarderons différemment, leur redonnant la fierté dont ils ont droit.
Puis quelques extraits
À lui la possibilité de rester en retrait, à nous la nécessité des responsabilités.
Durant toute son existence, mon père fut un spectateur. Celui d’une scène qui ne l’attendait plus, s’enfermant dans un monde où nous n’avions pas de place: celui de son enfance, de sa famille, de sa terre.
Son exil avait représenté la plus lourde des malédictions, je l’entends dans sa voix. Cette voix brisée. En le coupant de son monde, on l’avait coupé du monde.
Si tu réussis quelque chose, ce sera toujours en partie grâce à eux ( tes parents). Et chaque fois que tu vas échouer, demande-leur pardon de ne pas avoir été à la hauteur de leur sacrifice.
“Je prie chaque jour pour vous retrouver. J’espère que vous êtes fiers de moi. “
Moins on possède, plus le peu qu’on a prend de la valeur.
Pour eux, c’était douze heures par jour, treize jours sur quatorze, pour le même salaire. Pour le même salaire. Les types qui se blessaient étaient emmenés directement vers l’infirmerie. Les cas les plus graves étaient évacués à l’hôpital et on ne les revoyait plus jamais. Ou c’était le cimetière ou c’était le retour direct au bled, sans indemnité.
Et encore,
Le premier matin, un contremaître m’a expliqué ce que j’avais à faire : cinq gestes toujours les mêmes. Un ouvrier en exercice me les a montrés machinalement sans arrêter la chaîne. Sans transition, j’ai dû le remplacer. Comme ça. L’instant d’avant, j’étais un homme libre. L’instant suivant, je suis devenu un robot.
Ça commence comme ça, le fascisme. Quand les pauvres oublient de faire cause commune…
” L’enfant est le père de l’homme. Il est aussi le fils du père. “
Quand on émigre, on ne sait jamais si on va réussir. C’est sans importance si on ne devient jamais quelqu’un et que l’on se sacrifie. La réussite des enfants donne un sens à l’existence.
Il n’est jamais trop tard pour exhumer les souvenirs, leur sens. Il nous faut rassembler ceux des autres, également (…)
Et tu sais pourquoi les jeunes ils ne connaissent plus ces histoires ? Parce que les vieux comme ton père ils ont voulu que toutes les souffrances, tout ce qu’ils ont subi, s’arrêtent avec eux. Ils voulaient vous en préserver Pour que vous soyez libres de réussir votre vie, sans rancœur, sans amertume. Parce que même s’ils n’ont vécu qu’une existence très modeste, ils n’aspiraient pas à autre chose pour eux-mêmes. C’est pour vous qu’ils ont tout sacrifié. La réussite de leur exil ce n’est pas la leur, mais c’est celle de votre génération. Cette mémoire à transmettre, c’est pas pour nous mais pour les autres. Tous les autres. Tous ceux qui sont morts au fond. Tous ceux qui sont morts de la silicose. Tous ceux qui sont morts sur tous les chantiers, broyés, décapités, pulvérisés. Et aussi pour tous ceux qui ont simplement souffert d’avoir quitté leur famille.
Le lycée , c’est un peu comme un bateau, se dit-elle. Un bateau à la dérive, dans un coin de béton.
Ici en bref


Du côté des critiques
Du côté des blogs
Questions pratiques

Rachid Benzine – Les Silences des pères
X @RachidBenzine – Instagram @BenzineRachid
Éditeur : Seuil
Twitter : @EditionsduSeuil @ Instagram : @editionsduseuil
Parution : 18 août 2023
EAN : 9782021477764
Lecture : Septembre 2023
Bonjour Matatoune. Ce livre devrait me plaie et je l’emprunterai à la médiathèque. Bonne journée
Oui, c’est un excellent roman sur la mémoire des premiers migrants qui ont tout abandonné pour continuer à faire vivre leur famille et en créer une autre plus émancipée. Bonne journée 😉
Tu me donnes envie de découvrir ce livre, je le note. Bonne journée
J’ai bcp aimé ces Silences des pères ! Un bel hommage aux premiers immigrants venus construire leur vie en Europe au prix de se sacrifier pour que leurs enfants ne vivent pas comme eux. Un roman très émouvant ! Bonne continuation 😉
il écrit très bien en plus
Oui, mais du coup, j’en ai moins parlé tellement sa maîtrise romanesque embarqué le lecteur vers la découverte de son père !
Merci Mata pour cette si belle chronique.
c’est un livre que je vais certainement lire.
bonne soirée !
J’ai bcp aimé cette façon de partir à la recherche du passé ! Pour moi, très réussi Bonne continuation !
Ma libraire me l’avait conseillé, mais j’ai préféré prendre autre chose.
Le charme de ce roman est la confrontation de ce fils qui découvre après sa mort la vie de son père. Beaucoup de sensibilité et d’émotion dans ce court roman !