Virginie Grimaldi – Une belle vie

vagabondageautourdesi.com - Virginie Grimaldi - Virginie Grimaldi, qui a été la lauréate du livre favori des Français avec son précédent, sort son nouveau roman, Une belle vie, sur les liens fraternels qui unissent deux sœurs, même si celles-ci ne se sont pas vues depuis cinq ans.

Brins d’histoire

Deux sœurs, Emma, l’aînée, et Agathe, se retrouvent pour passer une semaine ensemble dans la maison de leur grand-mère, avant que celle-ci ne soit vendue. Cinq années qu’elles ne se sont pas vues et la cadette n’est même pas venue à l’enterrement de l’aïeule.

De retour en arrière de l’une et de l’autre, aux récits alternés de leur journée, Une belle vie nous dévoile leurs retrouvailles, découvrant au fil des pages, les failles et les souffrances qui ont accompagné leur passé et qui retentissent dans leur présent. D’ailleurs, un secret sera retrouvé au grenier…

Rapidement, la cadette apparaît plus fragile, moins corsetée, plus enthousiasme mais plus dépressive aussi. Pourtant, tout est comme édulcoré, tendrement caché, par une répartie très cash, un activisme un peu forcené pour retrouver les lieux de l’enfance et enchaîner les activités.

La bipolarité de la cadette est survolée, pourtant c’était ce point qui m’avait convaincu de découvrir le roman. Virginie Grimaldi décrit un état bouleversant et asphyxiant mais s’attache à contrebalancer ses effets par une pirouette, une phrase ou une attitude qui fait évaporer toute la tension négative.

Une belle vie, en fait !

Souvent, ce sont les faits qui s’enchaînent et non leurs analyses produisant à la lecture une espèce de langueur qui ne prive pas du ressenti, pas du tout, mais de ses aspects délétères.

Ainsi, apprend-on que le passé des deux sœurs n’a rien d’idyllique. Les sujets graves sont abordés avec légèreté. Mais le propos de Virginie Grimaldi n’est pas de s’appesantir sur ces points, sauf pour démontrer toute l’intensité du lien filial qui existe entre elles, même si la vie les a quelque peu éloignées.

Emma et Agathe livrent leurs faiblesses, leurs doutes, mais aussi la force née de l’amour de leur grand-mère qui a su être là, à chaque fois qu’elles en avaient besoin, leur permettant de s’inscrire l’une et l’autre dans un présent différent mais qu’elles ont choisi.

Une belle vie fait passer le lecteur du rire aux larmes, sans retenue. C’est un moment d’intense fraternité familiale que propose Virginie Grimaldi garantissant au lecteur de passer un excellent moment de lecture.

Puis quelques extraits

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J’ai porté le costume que l’on m’avait enfilé sans me demander s’il m’allait.

On traverse l’existence à toute allure, on passe son temps à se dire qu’il faut le prendre, mais c’est lui qui nous embarque. Le temps de le dire maintenant est devenu hier…j’aimerais figer le temps.

La personne qui évoque un souvenir le voit, l’entend, le sent même. Elle le revit pleinement. La personne qui écoute ce souvenir ne peut que tenter de le visualiser, et encore, si elle est dotée d’empathie ou si le sujet l’intéresse. Sinon, elle attend patiemment la fin de l’anecdote pour en livrer une à son tour ou passer à autre chose.

Je mesure ma chance de ne pas être seule à porter mes chagrins. Je mesure ma chance de ne pas être seule à voir, entendre et sentir mes absents. Je mesure ma chance d’avoir une tête sur laquelle poser la mienne.

Le mec me réclame encore les vingt centimes qu’il m’a prêtés quand j’avais huit ans, je suis sûre que dans une autre vie c’était un horodateur.

Et encore

Certains souvenirs d’enfance sont comme les tableaux anciens, ils s’abîment quand on les expose à la lumière. Alors on les garde quelque part en nous, à l’abri des regards, intacts.

Par contre, je ne sais pas trop où regarder quand il me parle, parce qu’il a les yeux qui font le grand écart.

Je suis surprise de le découvrir avec des cheveux gris et des rides autour des yeux. Finalement, l’endroit où on se voit le plus vieillir, c’est sur le corps des autres.

Je n’ai jamais envisagé que mon père puisse avoir des mauvais côtés. C’est l’apanage des morts, ils emportent leurs défauts dans la tombe.

Ma montre affirme que l’on marche depuis vingt-six minutes, or mes jambes hurlent qu’on marche depuis vingt-six heures. L’un des deux ment, et j’ai tendance à faire confiance à mon corps.

Les femmes ne peuvent pas annoncer qu’elles ne veulent pas d’enfant sans avoir à expliquer leur choix.

C’est quelque chose la dépression. On en parle en chuchotant, en levant les yeux au ciel, comme si c’était honteux, comme si c’était du cinéma. On attend de la personne malade qu’elle se secoue, qu’elle fasse preuve de volonté, comme si elle aimait ça, elle, patauger dans le désespoir, comme si elle n’espérait pas apercevoir un jour la lumière qui lui ferait supporter les ténèbres.

Les étés chez eux ont toujours été la parenthèse de couleur dans la grisaille.

Et encore, encore

T’as déjà levé la main sur tes enfants ?
Jamais. Mais ça me demande un effort énorme. Parfois, la colère me tord le ventre, mon sang bouillonne dans mes veines. Quand ils répondent mal, quand j’ai déjà répété trois fois, quand on est en retard. Il m’arrive de gueuler. Si je laissais faire mon naturel, je crois que je pourrais les frapper. Mais je lutte contre. Je refuse que mes enfants tremblent devant moi comme nous devant Maman. Je refuse d’être comme elle. Je lui en veux pour cet héritage, qui m’oblige à être dans le contrôle pour ne pas céder à mes pulsions. Je lui en veux de nous avoir abîmées.

Pendant mes phases dépressives, je n’étais là pour personne, pas même pour moi. C’est quelque chose, la dépression. On en parle en chuchotant, en levant les yeux au ciel, comme si c’était honteux, comme si c’était du cinéma. On attend de la personne malade qu’elle se secoue, qu’elle fasse preuve de volonté, comme si elle aimait ça, elle, patauger dans le désespoir, comme si elle n’espérait pas apercevoir un jour la lumière qui lui ferait supporter les ténèbres. Ça fait peur, je crois. On sait que personne n’est à l’abri. Voir quelqu’un sombrer et assister à sa propre impuissance est effrayant. Je n’en veux à personne, je n’en veux surtout pas à ma sœur.

Finalement, l’endroit où on se voit le plus vieillir, c’est sur le corps des autres.

Ici en bref

D'habitude, je ne partage pas mes lectures lorsqu'elles ne m'ont pas plue ! Mais, là, c'est le livre qui se vend à plus

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Incipit
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Puis un extrait
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Puis un autre

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Quatrième de couverture

Virginie Grimaldi – Une belle vie

Éditeur : Flammarion

Twitter : @Ed_Flammarion   Instagram : @flammarionlivres

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Parution : 3 mai 2023

EAN : 9782080423719

Lecture : Juin 2023

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8 commentaires

  1. j’ai lu un de ses romans récemment influencée par le fait qu’elle ait été désignée comme meilleur auteur et finalement il m’a assez plu alors pourquoi pas?

    • Oui, elle écrit,je crois, sincèrement, simplement et en reprenant des éléments d’interrogations actuelles. On comprend son succès 😉

    • J’ai été étonnée de la justesse du texte, et pourtant, j’avais de nombreuses aprioris plutôt négatifs. Bonne journée 😉

    • Oui, et pourtant, j’étais un peu bêtement rétive au début ! Comme quoi, il n’y a que les imbéciles qui ne changent 😄…

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