Le procès perdu de l’architecture moderne
Yaron Pesztat
Je l’avais oublié cet essai sur les Expositions universelles, reçu pourtant très rapidement après la Masse critique de juin 2022. Merci CFC. Pourtant, Le procès perdu de l’architecture moderne replace l’Art nouveau au centre des vitrines que furent les Expositions universelles comme autant de rendez-vous manqué. L’essai développe un argumentaire étayée de documents d’archives, au langage accessible et surtout présentant une série d’illustrations choisies avec soin pour permettre une compréhension plus aisée.
Trois chapitres pour ce petit recueil qui tient facilement dans la main. Le premier chapitre présente les deux projets Art nouveau refusés par l’Exposition universelle de 1897 à Bruxelles, dont celui de Paul Hankar, architecte précurseur de l’Art Nouveau associé à Adolphe Crespin, peintre décorateur.
Présentation
La figure pourtant importante de Paul Hankar m’était parfaitement inconnue. L’Art nouveau belge se définissait principalement par Horta. J’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir son quartier du XXè siècle, mais aussi ses convictions : cette figure précurseuse mettait son talent au service d’un idéal social et politique assez novateur. Les copies de document d’archives rendent attractive cette découverte.
L’opposition entre Paul Hankar et le journal L’Oeuvre y est décrite. Ce dernier cherchait à s’octroyer la paternité du projet de ce quartier moderne à créer pour l’Exposition. Certes, je ne suis pas assez calée pour juger de la pertinence des arguments. Pourtant, j’ai aimé les suivre dans des chapitres courts, concis et documentés-
La seconde partie analyse l’évolution du rapport entre commerce et art au cours des différentes Expositions universelles en commençant par celle de Londres en 1951 et en finissant par celle de Chicago en 1893, véritable initiatrice des parcs d’attractions. A travers l’évolution des Expositions universelles, Yaron Pesztat démontre que l’art devient une marchandise comme une autre avec le monde, en spectacle.
Le troisième chapitre démontre comment les Expositions universelles ont raté le renouveau de l’architecture en passant à côté de l’Art nouveau privilégiant la présentation des objets plutôt que le bâti.
En conclusion,
Yaron Pesztat était un homme politique belge licencié en philosophie. Actuellement, il est directeur du Département de l’Architecture Moderne à la Fondation CIVA à Bruxelles.
Cet essai qui regorge de documents d’archives explique l’importance des Expositions universelles à la fois pour le commerce bien sûr, mais aussi pour aborder la mondialisation économique transformant par la même occasion l’Art en marchandise tout en flattant le visiteur devenu spectateur passif. Il m’a permis de faire la connaissance aussi avec un artiste important de l’Art nouveau belge , Paul Hankar que je ne vais pas manquer de continuer à découvrir. Un petit format pour de grandes découvertes !
Remerciements
à @Babelio pour sa Masse critique et les éditions CFC et Yaron Pesztat pour son essai sur les Expositions universelles
Pour aller plus loin
CIVA : Espace d’expositions et de formation;
Instagram : @civabrussels – Facebook
Puis quelques extraits
A maints égards, les Expositions universelles seront surtout l’expression des ambivalences de leur principal promoteur, la bourgeoisie industrielle et capitaliste. Elles vont en effet promouvoir la mondialisation et l’uniformisation d’un marché où circulent très largement les innovations techniques et les marchandises et, dans le même temps, défendre des identités culturelles différenciées, exprimées en matière d’architecture principalement dans des formes appartenant à l’histoire et au territoire.
Si Horta se montre flatté de l’engouement de Guimard à son égard, il semble par contre dubitatif sur son œuvre, sans doute trop décorative à son goût. C’est du reste le sens qu’il faut accorder au fameux propos si souvent cité de Horta adressé en fait à Guimard: «Ce n’est pas la fleur, moi, que j’aime à prendre comme élément de décor: c’est la tige !”.
On le voit, le projet de Hankar ne se limite pas à l’architecture ; il propose ce qu’on appellerait aujourd’hui un projet urbanistique soit une petite ville mixte, tant sur le plan des fonctions que sur le plan social, dotée de services publics et de nombreux équipements collectifs modernes accessibles à tous les habitants, notamment un tramway pour les déplacements, des espaces sportifs pour la santé des corps, des équipements culturels et une usine d’électricité pour l’alimentation en énergie.
Et, encore,
Par ailleurs, et comme le montrent très bien les nombreux croquis conservés, les matériaux utilisés sont le fer et le verre, et l’expression architecturale est résolument Art nouveau.
Faisons travailler l’imagination créatrice en dehors de toute copie, de toute imitation de nos ancêtres.
“(…) Que ceux qui ont à cœur le mouvement pour l’art appliqué à l’industrie, dont on parle beaucoup actuellement, accueillent et favorisent l’idée…”
“(…) L’emploi du fer, de la céramique poly chromée et du verre donnent aux constructions une gaieté, une fragilité apparente, une impression de confortable, de richesse et de grâce qui sera, à en croire les promesses électorales de tous les partis, parfaitement en situation. Une aube lumineuse va éclairer notre vieux monde, l’égalité fera renaitre la prospérité. Les tristes casernes, les sombres prisons vont être démolies et sur ces vastes emplacements les conceptions architecturales les plus riantes vont être réalisées à l’usage des prolétaires.» Journal Le Mondain. Octobre 1894
En outre, ils soutiennent que la beauté n’est pas une affaire de privilégiés, qu’elle doit être accessible à tous, ne peut se limiter aux seuls œuvres d’art et doit s’étendre à la vie quotidienne. Enfin, ils promeuvent un dépassement de la distinction classique entre Beaux-Arts et arts appliqués au profit de l’œuvre d’art totale promue par Goethe : le Gesamtkunstwerk.
Et, encore, encore
L’ Art nouveau, qui vient d’émerger, y voisine en effet avec le néogothique, défendu en Belgique par le pilier catholique pour l’architecture publique, tant civile que religieuse. Le style néo-Renaissance flamande, très répandu également, prétend quant à lui au titre d’architecture nationale parce qu’il permet de se démarquer clairement de l’influence française en renouant avec une période glorieuse du «pays»
Quant à l’éclectisme, il séduit massivement une bourgeoisie qu’il rejette tant l’unité imposée par les styles «historiques» que l’Art nouveau, juge tantôt décadent tantôt trop industriel.
” Imaginez un espace de la taille d’une petite ville, hérissé de douzaines d’immenses bâtiments situés dans de magnifiques jardins; remplissez ces bâtiments avec tous les types de marchandises concevables et toutes les activités connues, et ce dans les plus grandes quantités possibles; entourez-les des produits miraculeux des sciences de l’ingénieur, de tribus primitives, de reconstructions de rues anciennes et de rues exotiques, de restaurants, de théâtres, de stades sportifs et de kiosques à musique.
Ne lésinez pas sur la dépense. Invitez toutes les nations de la terre à prendre part à l’événement en envoyant des objets à montrer et en érigeant leurs propres bâtiments. Après six mois, rasez la ville au sol et ne laissez rien derrière vous. Préserver L’un ou l’autre point de repère.» Paul Greenhalgh . 2011
Et encore
Après avoir abrité le spectacle de la marchandise – auquel rien n’échappe, pas même l’art -, après être devenues elles – mêmes un spectacle, les Expositions universelles vont désormais servir de modèle à de nouvelles urbanités. Ce qui jusqu’alors se donnait comme espace de divertissement, simulant l’architecture et l’urbanité, sort en quelque sorte d’un monde fantasmagorique pour entrer dans le réel : la fiction devient réalité.
En somme, la nouvelle organisation spatiale des Expositions universelles et la multiplication des pavillons nationaux et des reconstitutions préfigurent une mise à disposition du monde comme sil s’agissait d’un grand village.u
Ici en bref



Questions pratiques
Expositions universelles
Le procès perdu de l’architecture moderne
Yaron Pesztat
Éditeur : Maison CFC
Place des Martyrs, 14
1000 Bruxelles
Belgique
Parution : 17 juin 2022
EAN : 9782875720764
Lecture : Juillet 2022
Sympa super article vraiment, merci pour cette belle découverte 😀 hésites pas à venir faire un tour sur mon site Mood-blog.fr et à t’abonner si ça te plaît 😉
C’est fait ! 🙂
Bonjour Matatoune. J’aime bien l’art nouveau et cet ouvrage semble intéressant
te souhaite bon dimanche bises
Je ne connaissais pas du tout ces artistes belges malgré mon intérêt pour l’art nouveau, merci pour ce partage passionnant. Bon dimanche
Comme j’aime beaucoup l’art nouveau cet article m’a tout à fait passionnée ! Des points de vue intéressants sur cette architecture. Merci Matatoune ! Bon dimanche !