Rentrée littéraire hiver 2022
Deuxième roman d’Adrien Borne et, quel roman ! La vie qui commence raconte en trois parties la résurrection d’un jeune trentenaire, Gabriel dit Gaby, qui a connu l’effraction répétée de son intimité, au moment de son adolescence, puis son “enfouissement” dans sa mémoire pour revenir en boucle jusqu’à son essoufflement. Enfin !
Aucun voyeuriste dans la description d’Adrien Borne, juste des faits, rien que des faits décrits avec pudeur : une chambre dans le bâtiment d’une colo, un jogging rouge et un prénom. Il a douze ans. Des répétitions et la directrice qui s’inquiète d’un geste de violence ! Mais, Gaby ne dira rien, pas même à son retour. Évidemment, la protection d’un grand frère créer pour apprivoiser la peur de grandir s’enfuit d’un coup. Il ne reviendra que bien plus tard !
Puis, lorsque Gabriel atteint trente ans, le narrateur aide tout un été son grand-père, Lucien, à ranger les affaires de toute une vie dans une maison à Tonnerre avant son départ en maison de retraite. Ce moment particulier permet la transmission d’un secret gardé tout au long d’une vie et libère la mémoire de l’ex-enfant. Celui-ci n’aura de cesse de se combattre dans tout son être l’emprise de ce souvenir traumatique.
Avec poésie, Adrien Borne donne à son style une charge intense, sensible et fouillée qui évacue la violence en évoquant le cheminement solitaire qu’il apparente à un trou, à son gouffre. D’un précipice à l’autre avec le récit d’une belle amitié, le narrateur décrit ce lent travail personnel fait d’expériences diverses. Son style littéraire s’enflamme, se presse, se compresse mais répète l’idée, ou le ressenti, les précise pour les cerner et continuer la route !
En conclusion,
La vie qui commence est le récit d’un homme qui réussit à se réapproprier son corps après avoir retrouvé un souvenir que sa mémoire avait confisqué à sa conscience . La plainte ici n’a pas cours. La dénonciation n’ont plu. Adrien Borne offre le récit d’un homme qui trouve le moyen de rester debout dans la recherche de lui-même même si le chemin a eu des accidents. Un moment de lecture réussi !
Remerciements à @editionslattes et @NetGalleyFrance pour #laviequicommence de #AdrienBorne
Puis quelques extraits
Il n’a jamais rien demandé, c’est bien le problème, parce que s’il m’avait demandé depuis le début j’aurais dit ce que je pense, s’il m’avait posé la question j’aurais dit ce que j’en pense, je me serais pas dévoré de l’intérieur.
C’est drôle parce que, à trop avoir horreur du silence, elle en finit par ne plus rien écouter vraiment.
J’entends profiter de la cassure, de la vie soldée, au suivant, dépoussiérer, balancer, trier, tout net, là dans le chaos intime qui se prépare, je suis venu puiser à la mémoire de ce vieux bonhomme toujours impeccable.
Aux craquements du plancher succéderont bientôt les pas minuscules abasourdis sur la moquette; à l’escalier élégant, un ascenseur avec un siège pour tenir jusqu’au second étage ; aux vestiges nombreux, un réduit deux pièces- cuisine. Je suis là pour préparer la réduction, faire chauffer à feu très doux, tout doux, ne conserver qu’un substrat d’existence dont s’alimenter en goutte-à-goutte. Ranger la vie d’un vieil homme. Vaste monde. Mais n’en rien abandonner à l’oubli.
” Mais comment avez-vous fait ? Pour résister à telle ou telle chose ?” (…) On s’effondre et ça ne se voit pas. On ne peut pas passer sa vie entière à raconter l’effondrement .
Pendant des années, n’avoir pas porté un secret, marque d’intentions, de volonté, facile, mais avoir porté un enfouissement.
Ma tante c’est du Descartes de chez Lidl. De la haute voltige version rase-mottes.
Raconter, c’est posé une bombe aux pieds des autres et la déflagration fait toujours des dégâts. Sans cesse. Ça ne s’arrête jamais.
Ici en bref



Du côté des critiques
Le Monde –
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Questions pratiques
Adrien Borne – La vie qui commence
@adrienborne
Éditeur : Editions JC Lattès
Twitter : @editionsLattes Instagram : @editionsjclattes
Parution : 5 janvier 2022
EAN : 9782709668750
Lecture : Janvier 2022
excellente présentation merci Matatoune. Bisous bisous
Bonne soirée Renée !
Un message plein d’espoir.
Oui et une écriture très fouillée !
Complètement d’accord avec ce qui a été dit plus haut… on a bien conscience de ce fléau, mais cela revient trop souvent dans les romans. Et moi aussi, je sature ! Merci pour ton analyse malgré tout 🌞
Je comprends, néanmoins ce roman est écrit avec bcp de sensibilité.
J’adore ces maux sauf tous ces tirets tombant en la soupe de ce roman comme un pas empêtré.
Bonjour Matatoune. Ta chronique est intéressante mais comme Pat, Mumu et laboucheàoreille je n’en peux plus de ces sujets traités partout et j’ai envie de lire autre chose. Bonne journée
En tout cas, bonne soirée 🙂
Comme Pat022 et Laboucheaoreille je suis lasse de ses romans qui reprennent inlassablement les mêmes thèmes même si je comprends qu’il faut en parler et dénoncer mais il n’y a que cela actuellement. J’aime mieux me plonger dans des ouvrages qui font preuve d’imagination, de décalage et qui ne font au final qu’un livre de plus sur un thème 🙂
Non, chaque roman est différent même s’ils peuvent avoir des sujets qui se rapprochent. Et, à part une écrivaine comme Christine Angot qui a parlé de l’inceste qu’elle a subit ou Guilia Foïs, du viol, les autres auteurs font preuve d’imagination puisque leurs personnages sont inventés. Néanmoins, la lecture devant rester un plaisir, etc 🙂
Je suis un peu comme Pat0212. Les écrivains sont censés avoir de l’imagination et pourtant ils ne parlent plus que des violences faites aux femmes ou aux enfants. Est-ce que ce sont les éditeurs qui poussent à ça parce que c’est vendeur ?
Un sujet qui revient trop souvent sur le devant de la scène en ce moment, un livre qui ne va pas alourdir ma pal. Bonne soirée
Oui, mais quand la littérature reprend des faits de cet ordre, c’est aussi une manière de faire évoluer les représentations. Il faut que la société sache reconnaître l’emprise à l’intérieur d’une famille et l’inceste si il se révèle ! Et un roman peut nous y aider. Néanmoins, je trouve qu’il y a énormément de différence de traitement. On ne peut comparer l’écriture d’une Christine Angot, qui écrit pour survivre, et celle d’Adrien Borne, qui ne veut dénoncer, juste essayer de retrouver sa légèreté et son insouciance …De plus, c’est souvent dans les failles de l’humain que la littérature se révèle sublime et indispensable ! Mais, je comprends que cela puisse lasser. Moi aussi, j’espère pas retomber sur un tel sujet tout de suite 🙂 Bonne soirée !