Rentrée littéraire 2021
Pour ces mois d’automne, Guillaume Sire s’immerge avec Les Contreforts au cœur de son pays natal là où la nature explose de senteurs entêtantes, d’une faune décomplexée et omniprésente en proposant une épopée en cinq actes sur la fin d’un monde.
Pierre de Testasecca est un jeune adolescent égaré au milieu de sa famille qui vit dans un château situé sur le mont Montahut à vingt kilomètres au sud-est de Carcassonne au milieu des contreforts des Corbières, inspiré du Château de Montrafet. Dans cette famille, Clémence, sa grande-sœur, moins de dix-huit, est son ancre, sa balise anti-naufrage au milieu de ce monde en déliquescence et représente “un voilier en suspension à un ou deux mètres au-dessus de la mer, mer trouble, noire, brutale”.
Pierre chasse le perdreau à la croule c’est à dire au chant du mâle en rut qui suit sa future épousée. Dans ce monde, les hordes de chevreuils descendent vers l’Espagne en suivant les cours d’eau. Seulement, ils détruisent tout sur leur passage, comme la petite entreprise familiale, Le Chaudron aux fraises. Même le garde-chasse, Arnould, se fait tirer l’oreille pour intervenir !
Seulement, il n’est pas le seul à chercher à n’en faire que le minimum. Stéphane Chauvet, le président de l’association départementale de VTT, prépare une excursion thématique sur les terres de Montahut mais ne veut pas contribuer à la réfection des sentiers.
Dans le château règne en maître absolu, héritier d’une dynastie obsolète, Léon, le père de Pierre. Léon est le Minotaure des Corbières, réglant les conflits comme le faisaient déjà ses ancêtres par la convocation d’un duel. Incapable sauf à s’attirer tous les ennuis de la terre, il est la figure incontournable, titanesque qui terrifie autant Pierre que Clémence surtout depuis l’événement qui a failli coûter la vie au plus jeune. Alors, Diane, la mère, princesse parisienne vouée aux thés mondains tente tant bien que mal de tenir ce domaine qui prend l’eau de toutes parts, au sens propre comme au figuré.
Depuis huit mois, les monuments historiques somment Léon et Diane de procéder aux réparations sinon ils subiront une expropriation. Un million deux cents milles euros à trouver pour continuer à vivre comme avant ! A l’image des Contreforts du château, Guillaume Sire écrit un conte sur la fin d’une époque où chacun va devoir s’adapter ou mourir. Mais, les dommages collatéraux d’un tel bras de fer risque de laisser des traces indélébiles sur ceux (ou celles) qui resteront.
La langue de Guillaume Sire se prélasse vers l’onirique où tout devient image et poésie. Le registre de l’émotion décuple les sensations éprouvées. La superstition tient sa place comme la toute puissance de l’enfant qui veut par des signes conjurer la fin annoncée. Car l’effondrement, on le pressent, est inévitable ! Même si le lecteur ne peut en imaginer la violence !
Guillaume Sire nous conte une fable où ni la pureté, ni la force et ni la violence ne triomphent ! Son roman est une ode à l’adaptation et au renouveau. Et, le tribu versé contribue à cette évolution attendue : le sang, les larmes, les cris comme une renaissance vers un autre monde où la réalité oblige à regarder de nouvelles vérités.
L’écriture de Guillaume Sire enchaîne en rythme le rire en larmes, la comédie en tragédie, frisant souvent le burlesque et la démesure. Gargantuesque, elle étire le lecteur vers l’éloge du gigantesque, de la nature incontournable et des impressions de vie qu’il faut retrouver ! Un vrai plaisir à découvrir !
Remerciements à @calmann_levy et @Netgalley pour #Lescontreforts de #GuillaumeSire
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Pour aller plus loin
Connaissez-vous Montahut ?
C’est une colline près de Carcassonne. Il faut passer par le village de Palaja, et monter dans les Corbières, vers le Col du Poteau. Après la bergerie de Montrafet, vous continuez sous le grand cèdre bleu, puis vous montez entre les genêts et les chêne verts, à gauche, et vous arrivez à Montahut.
Puis quelques extraits
Il fallait que rien ne soit décidé pour de bon, et qu’on puisse, à chaque instant, rejouer la journée, de sorte que tout était toujours neuf, et que chaque seconde ressemblait à l’éternité.
Quarante hectares de vigne font au château une traîne de mariée tantôt d’émeraude, tantôt de rubis ou d’or mat, transmuée dans l’hiver en mantille de veuve.
Les souvenirs volent autour de lui en pommes de pins enflammées.
Des pagaies rouges soulèvent les tours et les livrent aux gueules de l’incendie, de la foudre et des rivières de boue.Les banderilles enflammées se plantent dans les vignes.
(…) parce que la nuit a des choses à dire.
Les sédatifs atténuent les bruits, la rancœur, la peine. Clémence habite un demi-cauchemar. Ses souvenirs sont lointains, comme dans un film qu’on n’est pas certain de bien se rappeler, même si on sait que l’histoire est triste et qu’il s’agit d’une histoire vraie.
L’autorité en excite certains mais il faut être courageux pour être sadique, et aucun d’entre eux n’est vraiment courageux.
Même quand elle dort, ils se tiennent dans la cellule, debout, ils la regardent, ils ne disent rien. Ils ne font rien. Ils seront toujours là, elle le sait. Toujours, ils la guetteront. Et c’est mieux ainsi, car tout compte fait elle ne veut pas qu’ils partent. Il la hantent, mais ils la protègent. Ils la détestent mais ils la sauvent.
Quarante hectares de vigne font au château une traîne de mariée tantôt d’émeraude, tantôt de rubis ou d’or mat, transmuée dans l’hiver en mantille de veuve.
Ici en bref
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Lire et vous – Pamolico –
Questions pratiques
Guillaume Sire – Les Contreforts
Éditeur : Calmann-Lévy
Twitter : @calmann_levy Instagram : @calmann.levy
Parution : 18 août 2021
EAN : 9782702182154
Lecture : Août 2021
Je suis d’accord avec ce que tu dis sur l’aspect onirique !
Oui, c’est une langue qui fit voyager 🙂
Bonjour Matatoune. Pas sûr que je lise ce roman, malgré ta belle chronique, car j’en ai trop en attente. Bon après midi
Moi j’ai aimé retrouvé les Corbières que j’aime bcp !
J’ai beaucoup apprécié son précédent roman et je compte donc lire celui-ci. J’aime son style d’écriture. Ta chronique est belle ! 🙂
Le sujet est complétement différent …Plus “léger” même s’il parle d’une guerre mais familiale ! 🙂
Je suis justement en train de le lire. Je lirai avec intérêt cette chronique quand j’aurai terminé
.
Sans problème A + Serait ravie de lire ton avis 🙂
Pas certaine d’adhérer à la poésie de l’auteur.
C’est une écriture envoutante qui raconte une fable des temps modernes. Comme je l’ai dit dans un autre commentaire, je l’ai lu sur mon …tel car j’étais dans une zone blanche et ma liseuse ne voulait pas charger le livre ! C’était la première fois et malgré la difficulté, j’ai été happée …. J’en suis restée toute étonnée 🙂
Encore une chronique qui fait envie, je n’ai encore rien lu de cette rentrée. Bonne journée
Moi, je l’ai lu sur mon tel car là où j’étais il y avait pas la possibilité de le chargé sur ma liseuse …Il fallait qu’il soit qd même très bon !
Merci pour le lien 🙂 et joli billet !
🙂
[…] Ils / elles en parlent aussi : Lire et vous. Vagabondage autour de soi. […]