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Judith Perrignon – Là où nous dansions

RENTRÉE LITTÉRAIRE JANVIER 2021

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Dans son nouveau roman Là où nous dansions, Judith Perrignon raconte l’histoire des premiers logements sociaux pour  les noirs aux États-Unis à partir de la vie de ses habitants. C’est l’occasion pour elle de questionner “le rêve américain” mais aussi ses démons avec la ségrégation raciale, la violence et les conditions de travail.

Présentation

Lorsque le roman commence, le Brewter Project, cet ensemble d’immeubles ayant accueilli des noirs pour la première fois dans des logements de confort, est entrain d’être démoli. Un ancien habitant, Ira, un flic couvert de succès, y a vécu et commence à raconter ses souvenirs.

Le 9 septembre 1935, Éléonore Roosevelt arrive à Détroit avec le train présidentiel pour annoncer le financement d’un plan de logements publics pour les noirs de la ville. Elle parle à une petite fille, qui sera un des personnages récurrents de ce roman.

En 2013 est retrouvé un corps dans un des immeubles avec une balle sous l’œil. Sarah, la légiste, cherche à lui donner une identité. Mais “Frat Boy”, comme elle le surnomme, va garder  encore longtemps ses mystères.

Le deuxième fil de ce roman, qui en compte plusieurs, est l’histoire de la musique américaine noire à travers la maison de disques Mottow de Berry Gordy qui a puisé ses chanteurs(es) au cœur du Brewter Project. Ainsi, il y a eu les Supremes, trois filles qui s’essayèrent à la chanson.  On découvrira bien plus tard que l’une aura son heure de gloire solo dans les années 60.

Par petites touches, la petite histoire dans la grande

Chaque chapitre raconte un événement historique précis en suivant une galerie de personnages ayant tous un lien avec ces immeubles.

Des années cinquante jusqu’à la décennie 2010 en passant par les années 60, c’est ainsi toute l’histoire d’une ville qui est marquée par l’idéologie “donner à chacun un emploi, une voiture et une maison”. Sauf que pour la communauté noire, plus précaire déjà, plus stigmatisée aussi et même racialisée, le rêve les a laissé sur le côté.

En prenant la ville de Détroit comme personnage à part entière, Judith Perrignon raconte  la violence économique, le ravage du profit et le racisme ordinaire. Ville typiquement américaine, elle est décrite avec les autoroutes omniprésentes, l’absence de transport en commun, les barres d’immeubles usées et délabrées et les espaces de maisons individuelles immenses, sans fin, comme une toile d’araignée qui ne semble ne s’arrêter jamais !

En tant que journaliste de talent, Judith Perrignon documente son roman d’une foule de détails historiques sans jamais lasser. Son écriture est fouillée et précise pour rendre compte de la complexité du sujet mais élargir à l’universel.

Et puis, ce livre est un poignant hommage à un artiste français du street-Art, ­Bilal Berreni. Mais là je préfère ne rien en dire !

Son roman est un voyage au cœur de sujets encore brulants d’actualité mais aussi au cœur d’une poésie humaniste au style accessible, visuel mais exigeant, malgré quelques longueurs.

En conclusion

En racontant les quatre saisons d’une année entière à chercher l’identité de “Frat boy”, un jeune retrouvé assassiné dans les immeubles mythiques de Détroit, Judith Perrignon dresse une histoire du quotidien de la communauté noire des années 50 à presque nos jours. Cette ville est un modèle de l’histoire américaine si particulière qui est passée d’un modèle économique libéral flamboyant à une faillite inédite. Et Là où nous dansions en dresse un portrait complexe et fouillé. A recommander !

Puis quelques extraits

 

 

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C’est ici même, sur les chaînes d’assemblage, que le temps est devenu de l’argent. Et pour le monde entier.

C’est comme ici, Détroit, vieil Eldorado. Comme dans chaque rue de cette ville encore pleine d’ombres et de fantômes qui s’agitent sur les trottoirs aujourd’hui défoncés du passé.

Toutes les veuves enjolivent, c’est leur droit après tout. S’il fallait se repasser la vie telle qu’elle était la deuxième fois, quel cauchemar ! Autant se raconter une autre histoire en attendant son tour.

Parfois Martha contemple le paysage et nous assure qu’on reconnaît les arbres où les nôtres ont été perdus au fait qu’ils n’ont plus de feuilles.

Ils sont usés, les lutteurs de la ville, syndicalistes, musiciens ou combattants des droits civiques, ce ne sont plus que des vieux messieurs et des dames aux artères encrassées, au souffle court désormais. Ils gardent des manières d’enfants de chœur, mais ils sont fatigués qu’on leur parle de cette dette de la ville, jamais de ce qu’elle leur doit, fatigués de n’avoir pas vu ruisseler le fruit de leurs conquêtes sur la vie de leur enfants, leurs petits enfants, dont certains finissent dans le bureau d’Ira, puis en taule, de vraies piles, de vrais dangers ces gamins, chargés de violence et, sans le savoir, de cette vieille dette que le monde n’a jamais reconnue, encore moins honorée.

Et encore d’autres

C’est pas pour l’élite et les plus riches qu’il faut sauver chaque œuvre du Détroit Institute if Art, ils voyagent, ils en voient ailleurs, de l’art. C’est pour ces mômes- là, dont tout le monde pense qu’ils ne le méritent pas.

A Détroit dès que c’est la guerre, les usines redoublent d’ardeur, elles produisent moins de voitures, mais des chars et des avions qu’on entend voler dès qu’ils sortent de l’assemblage. C’est un bruit qu’on aime par ici . Il promet du travail. La destruction ailleurs. Mais on ne sait rien de l’ailleurs.

C’est vrai que les plus pauvres sont gras et pleins de glucose dans le sang à l’heure de l’industrie agroalimentaire. C’est pour mieux les immobiliser.

quêtes sur la vie de leur enfants, leurs petits enfants, dont certains finissent dans le burea

Ici en bref

D'habitude, je ne partage pas mes lectures lorsqu'elles ne m'ont pas plue ! Mais, là, c'est le livre qui se vend à plus

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Un premier extrait
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Puis un autre

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Questions pratiques

  Judith Perrignon – Là où nous dansions

Éditeur : Payot et Rivages

Twitter et Instagram : @EditionsPayot

Parution : 6 janvier 2021

EAN : 9782743651695

Lecture : Février 2021

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16 commentaires

  1. Je l’ai repéré dans le catalogue de la ME et je me dis que je suis peut-être passée à côté d’un bon moment ! Qu’à cela ne tienne, il rejoindra ma PAL, car ce que tu en dis me parle beaucoup 🙂 Merci

    • J’avoue avoir bien aimé ce roman, malgré quelques longueurs . Merci à toi !

    • Oui sauf que là judith Perrignon mélange l’enquête journalistique d’investigation avec le roman. Et, je trouve que c’est réussi !

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