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Je suis une sur deux – Giulia Föis

@vagabondageautourdesoiÉcouter sa voix à la radio, c’est déjà un voyage. Alors, mettre ma voix, celle du dedans, dans ses mots c’est comme me relier à un continent pour moi inconnu, celui du traumatisme pour viol. “Je suis une sur deux” est le récit de Giulia Foïs, journaliste, sur l’agression dont elle a été victime au début de sa vie de femme.

Giulia Foïs décrit le soir où elle a subit l’agression, l’amour de sa famille, la croyance d’un père en la justice, les interrogatoires, les sous-entendus, la glace sans tain et  “la décharge électrique” de l’identification, le trou béant invisible mais bien présent, le retournement au procès, la relaxe de l’agresseur et la rage qui aurait pu la perdre.

Son “rat à moustache” n’a jamais eu ses pleurs. “Poker face dans ta face”, ce leitmotiv pour affirmer sa volonté de vivre avec la présence de son entourage aimant, solide en soutien. Tenue juste au bord du gouffre, Giulia Foïs décrit les étapes de sa reconstruction, sans attendrissement, juste avec sa rage et son regard franc. 

Giulia Foïs raconte comment de victime elle s’est transformée en combattante de la cause féministe. Ces nouvelles militantes réinventent ce que nous, leurs aînées, avions entrouvert sans poursuivre le chemin. Au moment où celui qui a déclenché “Me too” prend vingt-trois ans de prison en faisant semblant de ne pas comprendre, il s’agit d’arrêter aussi l’hécatombe des une sur cinq harcelées au travail, d’arrêter le décompte des femmes mortes sous le coup des violences masculines. Arrêter. Arrêter enfin !

Convoquant autant Virginie Despentes que Clémentine Autain, Giulia Foïs reprend tous les combats. Pour ceux qui ont la chance d’avoir rencontré Emmanuelle Piet, médecin de PMI et gynécologue en Seine-Saint-Denis, Présidente du Collectif Féministe contre le viol, c’est un réel plaisir de la retrouver dans ce récit. Giulia Foïs raconte son lynchage virtuel après sa participation au #balancetonporc sur son harcèlement sexuel au travail.

Giulia Foïs partage son vécu pour faire exemple et pour permettre à chacune une reconstruction possible. Elle alerte sur les points à faire évoluer : les services de police pour le recueil des témoignages, la justice sur sa façon de prendre en compte ces agressions et la société qui encore trop souvent accuse la victime. Le titre “Je suis une sur deux” fait le constat amer qu’une femme sur deux témoigne jusqu’au procès sans être reconnue victime. Son récit se veut combattant et lumineux à la fois. Giulia Foïs entend raconter et le dit haut et fort pour enfin être entendue ! 

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Le viol, c’est ça : un cri dedans, le silence dehors.

Ta tête se barre, loin, très loin : elle ne supporterait pas. A lui, tu laisses ta viande qui, à ce stade, ne vaut pas plus que ça. Ton cerveau gère. Un super- cerveau /super- héros, qui déploie ses ailes à partir du moment où il trouve que cela sent la mort, mais qui décide que toi, tu vas vivre. Alors il gère.

(…) “La culpabilité n’est pas une réalité extensible à l’infini, tu sais…(Mon père parlait vraiment comme ça). C’est une masse, déterminée dans le temps et l’espace. Donc, automatiquement, plus tu te charges, plus tu le décharges. Tu veux vraiment lui en enlever de la culpabilité ?.” Ah non, ça plutôt crever.

J’ai vingt-trois ans, et je n’y crois plus.
J’ai joué le jeu, mais j’ai perdu.
Sur cette place, je tourne en rond.
Plus rien n’a de sens, je tourne en rond.
Je crois que je vais couler.

Parce que je me sais en sursis, parce que j’ai intégré l’idée même de ma mort, je sais aussi que le bonheur n’est qu’une question de volonté, celle de saisir la moindre éclaircie et de m’y réchauffer.

On veut bien les montrer, à condition de les masquer. Faut qu’elles aient quelque chose de honteux à cacher… Recroquevillées dans un fauteuil trop grand pour contenir leur malheur, elles ne racontent pas la difficulté à vivre : elles sont la difficulté à vivre.

Une toutes les sept minutes.

Ça fait pas tout, mais c’est un beau début. Ne pas tolérer. Ne pas laisser faire. Porter plainte. Et tous les jours d’après, porter encore des coups. Dans les rotules du système, dans les couilles de ceux qui le maintiennent.

Ce qui se joue depuis deux ans, c’est une guerre sourde, une guerre d’usure, dont la violence commence tout juste à affleurer.

…) sur celles qui sont là, combien ont un rat, avec ou sans moustaches, qui les mord aux chevilles à chaque pas ? Combien sommes-nous à jeter nos rires à la face de ceux qui voulaient nous détruire ?

D'habitude, je ne partage pas mes lectures lorsqu'elles ne m'ont pas plue ! Mais, là, c'est le livre qui se vend à plus

@vagabondageautourdesoi

Je suis une sur deux – Giulia Foïs

Éditeur : Flammarion

Parution : 3 mars 2020

ISBN : 208151253X

Lecture : Mars 2020

14 commentaires

  1. Bonjour Matatoune. Je note le titre mais pas pour le lire de suite. Ce témoignage doit être bouleversant et comme tu le dis certains pervers doivent profiter de ce confinement…

    • Bonsoir Brigitte, Giulia Foïs est une battante. Elle ne raconte pas pour attirer la compassion. Elle veut dénoncer pour enfin faire changer les choses. Bon week-end

  2. La parole se libère et c’est une très bonne chose. Ce livre fait parti de ce processus qui je l’espère aboutira à une société plus juste où l’on agira pour punir ces monstres. Merci Matatoune pour ce partage important. 🙏🙂

    • Que tu puisse dire vrai !
      Nous subissons une situation inédite et personne ne peut en évaluer les conséquences.
      Soyons vigilants à ce que cela ne soit pas les femmes qui en soient les premières victimes .
      Bon weekend

    • A la radio, elle semble être une femme étonnante et très déterminée, ce que j’ai retrouvée dans son livre.

    • Merci Eveline d’être passée. Encore un sujet trop brulant d’actualité. Passe un beau weekend

    • Oui, c’est la sœur de Marina . Un livre important ! Décidément, cette année …

  3. C est un sujet brûlant et c’est vraiment important de mettre un terme a la violence contre les femmes. Merci de ton partage et bonne journée

    • J’avoue que je pense souvent actuellement aux femmes confinées avec un homme violent, aux enfants sous la menace de pervers, etc… Bonne soirée à toi et bon courage. Merci à toi

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