Le musée d’Orsay profite de l’été pour présenter une femme peintre dans ses murs. Et, quelle exposition ! Loin des aprioris que sa peinture a suscité au début de sa carrière, Orsay choisit de faire découvrir au public ce que Berthe Morisot (1841 -1895) a apporté au courant impressionniste en montrant combien sa peinture était novatrice.
L’exposition est organisée par le musée national des Beaux-Arts du Québec, la fondation Barnes, le Dallas Museum of Art et les musées d’Orsay et de l’Orangerie.
A partir de huit thèmes, l’ensemble de la technique de Morisot est exposé avec 75 œuvres dont la moitié viennent de collections privées.
Présentation
Il faut attendre 1895 pour que l’École des Beaux-Arts de Paris puisse accueillir des femmes. Berthe Morisot n’a pas le temps d’attendre. Heureusement, sa famille fait partie de la grande bourgeoisie. Elle bénéficie d’un bain culturel à la fois par ses lectures mais aussi par la rencontre d’artistes connus lors des dîners qu’organisent régulièrement ses parents. Son éducation l’ouvre à la peinture avec des professeurs privés.
Mais, est-ce que Berthe et sa sœur, Emma, sa presque jumelle, vont se contenter d’être peintres d’agrément ? Berthe certainement pas ! Avec les conseils de son dernier professeur Jean-Baptiste Corot, elles copient les œuvres du Louvre, accompagnées de leur mère comme la décence le recommande. Vers 1860, Berthe affirme sa volonté de devenir peintre professionnel. Non seulement, sa famille ne l’en dissuade pas mais lui offre la possibilité d’avoir son propre atelier.

En plaçant la peinture au centre de sa vie, elle rompt avec la tradition. N’empêche que sa famille insiste pour que, comme toute jeune fille de sa classe sociale, elle se marie. Seulement, ce n’est pas, pour l’instant, ses préoccupations. Mais, du coup, les conflits avec ses parents renforcent sa fragilité personnelle. Sa fin de formation se situe vers 1864, date de sa première exposition.
Déjà, la première exposition
En exposant en avril 1864, elle fait partie de la trentaine d’artistes qui forment la Société anonyme des peintres sculpteurs et graveurs pour faire connaître leurs œuvres. Ils affirment leur volonté de représenter le monde tel qu’il est, plutôt que des sujets plus académiques (histoire, religion et mythologie). Son slogan pourrait être de peindre “pas de temps fort, mais juste saisir l’instant”.
En 1868, le peintre Fantin-Latour, ami de la famille, présente Édouard Manet aux sœurs Morisot. Berthe commence à poser pour le peintre. Une collaboration nait et durera plus de dix ans.

Une grande nouveauté : La figure de plein air
Berthe Morisot sort de chez elle pour peindre son ordinaire. Elle rend compte des nouvelles façons de vivre les loisirs par la grande bourgeoisie : séjours au bord de mer, promenades à la campagne, etc. Elle place le sujet en extérieur, ce qui reste une grande découverte pour le mouvement impressionnisme, appelé “la figure en plein air”. En dehors de son cercle familial, elle rencontre Monet, Renoir et Sisley.
C’est une peinture de figure dans un paysage avec, à l’arrière, les fumées des usines, signe du début de l’industrialisation.


La seule du groupe, elle se confronte à l’instabilité de la lumière et les différentes échelles pour représenter les figures. Le mouvement des bateaux est rendu par la technique du fa presto (exécuté rapidement) suivant celle exécutée par Fragonard, (un membre lointain de sa famille) dans ses portraits de fantaisie. Ici, les traits sont figurés à coups de pinceaux nerveux.
Dans ce tableau apparaissent aussi les espaces non-finis appelés aussi les inachevés. Dans d’autres tableaux, ce sont des espaces où la toile reste visible qui apparaissent. Ce procédé est l’un des principes picturaux de Berthe Morisot.
Puis, les thèmes
Entre 1887 et 1894, une vingtaine de tableaux représentent des femmes, souvent des modèles, dans des moments d’intimité. Il faut se replacer dans l’époque : une femme ne peut traiter de tous les sujets. Elle ne peut participer aux discussions dans les cafés. Elle ne peut peindre tout et n’importe quoi.
La préséance lui demande de respecter les codes. Par contre, elle représente l’intime (une épaule, un dos nu, une femme en chemise devant un miroir voilé). Pour rappel, une femme mariée ne pouvait être vu en chemise par son mari. Du coup, elle rend public le côté privé.




Berthe Morisot est-elle moderne ?
La série de tableau (comme celui qui compose l’affiche de l’exposition) témoigne d’une modernité assez surprenante. Berthe a épousé, à plus de 31 ans, le frère d’Edouard Manet.
Eugène Manet l’encourage dans ses choix professionnel et la soutient, peintre lui-même. Ensemble, ils organisent des dîners où les artistes sont invités.
Il accepte que sa femme continue à signer ses tableaux de son nom de jeune fille, très rare à cette époque. En peignant son mari s’occupant de sa fille, lui lisant certainement une histoire, Berthe bouleverse les codes habituels de l’éducation des filles.

Là encore, Berthe Morisot choisit de faire l’éloge de la lecture pour les femmes alors qu’elle était jugée inutile pour la plupart et pernicieuse pour d’autres.

L’artiste est la seule avec Cassat et Pissarro à représenter les domestiques dans leur quotidien de travail.

Cet autoportrait rassemble toutes les caractéristiques de sa peinture : de l’inachevé, de l’instant présent et du fa presto pour accentuer la force que Morisot veut donner à sa pratique professionnelle, se montrant femme au travail.
Sa notoriété
En 1892, Eugène meurt. Ses œuvres sont de plus en plus connues et Berthe Morisot souhaite toujours garder son indépendance.
A chaque exposition impressionniste annuelle, elle a présenté de nombreuses œuvres. La même année, c’est la première et unique exposition individuelle de son vivant.

Les dernières peintures sont emplies d’une grande tristesse comme celle de Julie joue du violon.
Même si grâce à son ami Mallarmé, l’État français achète sa première œuvre, Jeune femme en toilette de bal, pour le Musée du Luxembourg, les œuvres de Berthe Morisot restent longtemps dans le domaine familial.
Photos de vagabondagautourdesoi.com sauf l’autoportrait.
Et pour finir, les questions pratiques :
Commissaires :
- Sylvie Patry, conservatrice générale, directrice de la conservation et des collections du musée d’Orsay
- Nicole R. Myers, conservatrice Lillian et James H. Clark de la peinture et de la sculpture européennes au Dallas Museum of Art
L’exposition sera présentée successivement dans chacun des musées aux dates suivantes - Musée national des beaux-arts du Québec, Québec, du 21 juin au 23 septembre 2018
- Fondation Barnes, Philadelphie, du 20 octobre 2018 au 14 janvier 2019
- Dallas Museum of Art, Dallas, du 24 février au 26 mai 2019.
[…] Berthe Morisot à Orsay […]
[…] Berthe Morisot est représentée de trois-quarts, digne et fière, le bras gauche replié dans un geste spontané. Elle détourne son regard, non sans espièglerie, comme si elle tentait d’empêcher son ami de faire son véritable portrait. […]
Merci 🙂
Bonjour Matatoune. Belle présentation de cette exposition qui me tente bien. J’aime beaucoup les portraits de Berthe Morisot, artiste et féministe. Bonne journée
Bonjour Brigitte, merci mais c’est l’exposition qui est très bien faite pour une découverte à son rythme d’une grande partie de l’œuvre de l’artiste qu’elle fut. Bonne journée .
M(onsieur) M(anet) avec sa fille – 1883 –… c’est très beau et tu expliques en plus l’histoire de cette artiste, c’est riche et passionnant ! Merci Matatoune 😊
Merci, c’est gentil ! Oui, moi aussi je trouve les peintures avec son mari très modernes car elle prouve qu’un père peut s’occuper de l’éducation de son fils. Nouveau pour son époque ! Très bonne soirée !
Oui et Orsay présente aussi le courant des femmes artistes dont je ne me souviens plus du nom précis …gentlequelque chose ???
C’était juste magnifique, je vais y retourner d’ailleurs, pour m’en imprégner encore. Tu en as fait un très beau reportage.
Orsay est un de mes musées préférés, et je suis fan inconditionnelle des Impressionnistes ! Alors Berthe Morizot… un grand merci pour ce superbe reportage et un grand merci également à Orsay pour avoir fait le choix d’une femme peintre comme sujet d’exposition ! Elle le mérite amplement et je regrette beaucoup de ne pouvoir aller admirer ses oeuvres, même si j’en ai déjà vu quelques-unes ! 🙂
Oui, c’est une très bonne idée d’être sorti des sentiers battus et d’avoir programmer cette artiste majeure de l’impressionnisme. De plus, ils ont ouverts deux salles d’Art nouveau l’une pour présenter celui de France et de Belgique et une autre des autres pays européens dont l’Espagne avec Gaudi. Très bonne soirée!
Bravo pour ce compte-rendu bien documenté. Et merci pour toutes les photos. Je dois avouer qu’il y avait tellement de monde fin juillet que j’ai renoncé à en faire. Nous ne sommes pas prêts de revoir tous ces tableaux venant de collections particulières, alors il faut se précipiter à Orsay. J’ai l’impression que l’expo cantonnée à la période estivale n’a pas eu la publicité des autres grosses expos et c’est bien dommage car Berthe Morisot est une artiste exceptionnelle.
Merci. J’y suis allée début août, un jour de semaine et à l’ouverture. A tel point, que j’ai été frappée par la lumière du matin, complétement différente des autres heures d’ouverture.
Le programme semblait serrer entre Dallas, Québec, Philadelphie et Paris. Et l’expo Degas à l’Opéra commence fin septembre … Alors,… Bonne semaine !
Joli billet, très enrichissant ! J’avais envie de voir l’expo, eh bien envie confirmée 😉
Oui, il faut y aller si l’occasion se présente …
On va essayer de la provoquer alors 😉
Une belle expo merci d’en parler même si j’habite bien trop loin….J’aime bien les teinte qu’elle utilisait c’est doux. Bisous
Beaucoup de différents blancs, bleus qu’elle
Qu’elle mélange au gré de ses inspirations ! Bisous, Renée
Belle exposition attendue ! j’aime beaucoup cette artiste, et cette rétrospective est très intéressante. J’avais lu la bio de Dominique Bona passionnante.
Magnifique et talentueuse Berthe … La peinture n’a jamais été pour elle un loisir de jeune fille de son temps, mais une réelle passion et elle s’est battu pour s’imposer dans une époque où être une femme artiste n’était pas très bien vu ni même accepté. Et quand on le faisait, c’était pour faire de ces femmes des figures secondaires de l’art ! Ce n’est pas si souvent qu’elle est mise à l’honneur. On ne peut que se réjouir que le musée d’Orsay l’ait fait. Merci pour cette très belle présentation et belle journée à vous !
Merci beaucoup. C’était difficile pour moi après avoir découvert votre chronique sur votre blog ( https://pointespalettespartition.wordpress.com/2019/07/17/berthe-morisot-2/) de présenter l’expo d’Orsay …Belle journée aussi !
Merci, cela me touche, mais ne voyez pas les choses ainsi : vous avez votre façon de voir ressentir, de présenter, et de voir et c’est tout aussi intéressant et enrichissant croyez-moi. Je vous lis avec grand plaisir soyez-en assurée Tatoune 🙂
C’est gentil et votre message prouve votre ouverture et votre gentillesse ! Merci !
Quel talent.. grand merci pour ce partage qui m’a passionné.. bises🤗
C’est gentil ! Mais, l’exposition est très bien faite : d’abord parce qu’elle dresse un portrait très complet de cette artiste mais aussi car, elle est présentée dans les salles de droite au premier et c’est une belle initiative car toutes les deux salles d’expo, on sort dans la salle centrale, du coup cela fait des respirations qui permettent faire une pause et d’enregistrer ce qu’on a vu ! Très belle journée à toi !
Quel talent.. Ton partage m’a passionné, merci Mata 🙏🏻🎨
Sublime !
Merci pour cette découverte.
Moi aussi, le l’ai découverte …car j’avais beaucoup d’aprioris ! Bonne journée !