Ismail dit Zabor, le narrateur, porte le même nom que l’un des trois livres sacrés mentionnés par le Coran. Il vit en marge d’un village d’Algérie, en compagnie de ses livres, rejeté par les villageois, sans femme, renié enfant par son père parce-que orphelin de mère.
Mais, il a un don : celui de repousser la mort en écrivant l’histoire de la personne. Il la consigne dans des cahiers qu’il rassemble puis enfouit pour les rendre éternels. L’histoire raconte comment Zabor va accompagner son père jusqu’à la mort.
“La première histoire de mon père, la vraie, est celle de la misère avant l’indépendance. A cette époque, la pauvreté était si coriace que les femmes du douar se promenaient affolées, les cuisses serrées, pour éviter les hommes violents mais aussi les enfants, qui tentaient de revenir vers leur ventre pour se dérober à la faim.”
Ce roman est une fable d’une richesse linguistique exceptionnelle. Après la lecture du premier chapitre que j’ai trouvé ardu (je n’avais pas lu Meursault), je me suis glissée dans cette étrange poésie qui va de digression en digression, d’image en description, pour cheminer dans cette langue qui touche au mystique.
J’ai voyagé ainsi dans la chaleur ou l’isolement, la solitude ou la richesse avec des mots magnifiques : une langue imagée, fouillée et si précise! “Pourquoi écrit-on et lit – on des livres? Pour s’amuser répond la foule, sans discernement. Erreur, la nécessité est plus ancienne, plus vitale. Parce qu’il y a la mort, il y a une fin et donc un début qu’il nous appartient de restaurer en nous, une explication première et dernière”.
Mais pour Zabor (surtout pour Kamel Daoud- Daoud qui veut dire David), c’est l’occasion de parler de son rapport à la langue. “Nous sommes les mots d’un grand récit, consigné quelque part, mais nous sommes en quelque sorte responsables de nos conjugaisons.”Tout d’abord la langue parlée: l’arabe de la maison apprise par sa mère adoptive, celle de l’affection et de l’amour.
Puis celui littéraire de l’école, qui le force de nouveau à s’isoler et à fuir le monde, atteint d’une maladie qui en plus d’une voix particulière le rend à jamais différent. Il découvre à l’adolescence le français en lisant des livres oubliés par les colons. Zabor va les réécrire, les ré-imaginer pour parfaire sa découverte de cette langue étrangère avec laquelle, depuis l’auteur est devenu écrivain!
“Cette langue eut trois effets sur ma vie: elle guérit mes crises, m’initia au sexe et au dévoilement du féminin, et m’offrir le moyen de contourner le village et son étroitesse. C’ était les prémices de mon don, qui en fut la conséquence. “
Ce roman a été publié à la fois en France et en Algérie en français. Comme le rappelle l’auteur dans une émission de radio: Il explique qu’il a certainement tenté “d’écrire un livre sacré mais du point de vue de l’humain, c’est à dire du point de vue de sa victime au centre du récit. Cela devient donc un humain qui tente d’écrire un livre sacré!”.
Quelle subversion! “L’écriture est la première rébellion, le vrai feu volé et voilé dans l’encre pour empêcher qu’on se brûle.” Quelle urgence, semble-t-il, pour l’auteur que de rencontrer des livres qui vont lui permettre de se libérer de l’emprise du livre sacré et même de parler de la place des hommes par rapport à la religion. “Zabor est un livre de recensement du fabuleux et indispensable et je dois raconter l’histoire de mon naufrage. Cela sauvera quelqu’un, quelque part. ”
Les citations retenues sont nombreuses, mais j’aurais pu citer des pages entières. J’ai eu envie plusieurs fois de lire à haute voix tellement la langue est somptueuse et désire s’énoncer !
Ce conte nous replace dans notre relation à la langue écrite et parlée mais aussi dans notre relation d’humain au monde. “Si la mort retrouve votre tracé, c’est parce-que vous vous êtes assis au bord de la route, que vous ne croyez plus à votre histoire ou que vous avez dispersé vos auditeurs morts et vivants.” Beau moment de lecture!
( Younes) “C’est le seul prophète sans communauté, sans tribu sur le dos. Le seul qui a tenu tête, à quitté les siens et a affronte Dieu qui s’est manifesté à lui sous la forme d’un navire ancien, d’une tempête haineuse, de marins, puis d’une baleine puis d’un arbre qui donne son ombre au corps nu du naufragé qu’il devient à la fin selon le Livre sacré. Pourtant, la véritable histoire n’est pas celle du prophète mais celle des apparences que prit son dieu.”
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Le sacrifice d’Isaac
Alors qu’il s’apprête à sacrifier son fils, Abraham est retenu par un ange. Le peintre Rembrandt fait une lecture spirituelle de cet épisode de la Bible, dans ce tableau réalisé en 1635. Il est commenté par Régis Burnet et historien de l’art.
Bien que Dieu eût promis à Abraham une descendance plus nombreuse que les étoiles du ciel, son premier enfant se faisait attendre.
Pour « aider » Dieu à réaliser sa promesse, Sara poussa son mari dans les bras de la servante Agar. Celle-ci donna naissance à Ismaël, dont le nom signifie “Dieu a entendu”. Pourtant orchestrée
par Sara, cette naissance provoqua en elle une jalousie tenace qui contraignit Ismaël et sa mère à s’enfuir au désert. Mais l’ange du Seigneur ordonna à Agar et à son fils de revenir auprès d’Abraham.Quelque temps plus tard, Sara et Abraham eurent enfin un enfant : Isaac dont le nom signifie “Dieu a ri”. Pour faire d’Isaac le seul et unique héritier d’Abraham, Sara chassa définitivement Ismaël et sa mère.
L’unique fils légitime de la promesse de l’Alliance, selon la Bible, est donc bien Isaac. Pourtant Ismaël fut lui aussi dépositaire d’une promesse de descendance, mais à la différence d’Isaac, cette promesse divine ne fut formulée qu’après sa naissance (Gn 16, 10-11).
Les Hébreux se considèrent fils d’une femme libre et non d’une servante, aussi est-ce Isaac qu’ils considèrent comme leur ancêtre et comme le passeur de la promesse d’Alliance.
La Bible affirme que Dieu n’abandonna pas Ismaël, lui indiquant un puits pour qu’il puisse vivre. Isaac doit sa renommée à son origine – il est le fils d’Abraham – et à sa descendance – il est le père de Jacob. Toute la descendance de l’Alliance passe par lui. Isaac avait cent quatre-vingts ans quand il mourut.
L’islam se servira de la figure d’Ismaël pour se donner aussi comme ancêtre un fils d’Abraham. Les musulmans affirment ainsi leur participation à la promesse de Dieu. Pour eux, la ligature d’Isaac racontée dans la Genèse – où ce dernier est pourtant appelé par Dieu “fils unique” – est en réalité celle d’Ismaël qu’Abraham présente en offrande à Dieu.
Les musulmans insistent sur son droit d’aînesse, le considérant comme le seul bénéficiaire de la promesse d’Alliance de Dieu, qu’Isaac aurait, malgré lui, usurpé. Aujourd’hui encore, certains affirment que cet épisode est l’une des raisons qui opposent juifs et musulmans dans les conflits tragiques que nous connaissons.
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Très bel article qui me donne envie de lire cet ouvrage !
Merci beaucoup. Au plaisir de vous lire
Je vous en prie! Belle soirée à vous!