Ma fille a disparu dans la nuit de mon cerveau
Prix Folies d’encre 2023

Avec ce roman au titre à rallonges, Un jour, ma fille a disparu dans la nuit de mon cerveau, Stéphanie Kalfon décrit les méandres du ressenti d’une mère qui tombe dans une incertitude envahissante jusqu’à se perdre complètement, seule contre tous.
Une enfant s’égare dans une fête foraine le jour de son anniversaire. L’inquiétude de ses parents dure jusqu’au lendemain,où on retrouve la fillette dans des sanisettes de chantier, en pleine forêt. Lorsque sa mère, Emma, retrouve sa fille, Nina, une béance psychique se crée : le doute s’immisce petit à petit et la peur s’installe. Et, Emma raconte son doute et son cheminement concernant cette nouvelle enfant qu’elle ne reconnaît pas.
De la joie attendue, le rejet se fait jour, quelque chose est mort. Ces retrouvailles n’en sont pas. Emma croit que l’enfant, de nouveau présente, est une copie, un faux, un plagiat qu’elle seule est capable de détecter, elle, la professeur des Beaux-arts, habituée aux faussaires.
Cette béance que décrit Stéphanie Kalfon qui devient au fil des pages comme un délire paranoïaque est rapidement assez insupportable. Non seulement, le délitement de la personnalité de la mère y est disséqué. Mais, la stupeur du mari, devenant rapidement une inquiétude grandissante, prouve la désintégration de l’univers de cette famille.
Néanmoins, il y a aussi le désarroi de la petite fille qui touche énormément. Elle doit à la fois se relever du traumatisme subi. Mais aussi, elle doit donner des gages à cette mère dont le trouble devient de plus en plus envahissant, en se justifiant d’être “elle”, hier et aujourd’hui.
Et lorsque les hallucinations arrivent, le roman devient effrayant. Et les situations diaboliques s’enchaînent !
La puissance dramatique glace au fur et à mesure que le déni devient inopérant à faire comme si. Stéphanie Kalfon s’empare de cette situation, tragique et la raconte avec justesse et maîtrise. Ce n’est qu’à la fin que le lecteur comprend ce qui a fasciné l’écrivaine dans son cheminement littéraire.
Son talent à décrire des situations psychologiques, où le cerveau bascule dans l’irrationnel, permet de s’immerger dans un syndrome que je ne connaissais pas. Et, du coup, l’horreur à postériori est terrorisante. Car, on est loin de la rassurante théorie de la résilience.
Ce roman se lit comme en apnée. Seulement, Stéphanie Kalfon n’a pas écrit un vrai thriller. Il n’y aura ici que des cellules nerveuses qui meurent. Néanmoins, les liens familiaux ont été redistribués et le passé n’existe plus. Une autre dynamique se recrée et c’est le message d’espoir que livre l’écrivaine.
Stéphanie Kalfon est une romancière très fine à l’analyse des imbrications psychologiques précises et justes qui peuvent entraîner de graves difficultés. Assurément, je vais suivre son travail !
Puis quelques extraits

Je voudrais me lever mais mon cœur reste assis.
Du noir se remet à couler dans mon crâne, je reconnais son odeur de rouille, elle imprégne ma salive d’une saveur spéciale : celle du malaise.
J’aimerais qu’elle comprenne d’où vient cette nuit sans ombre où j’ai glissé, sans elle, pour elle, avec elle.
J’ai cru que c’était le noir qui avait englouti ma fille, mais cette nuit avait eu lieu en moi. Mon cœur était juste, mais mon cerveau avait faux.
Ma mémoire valse toute seule en parcourant les dates des vaccins et des diagnostics, c’est délicieux ces traces du temps je me rappelle ses toux en rafales, ses pieds malhabile, et puis ses sourires qui avaient tant tardé à venir, tant tardé à venir. Je m’effondre en larmes.
Décidément, cette fausse Nina commence à prendre le pouvoir sur moi, elle me déstabilise, elle cherche quoi à éclater de rire comme ça ? Je ne le supporte plus…
Nous ne comprenons pas qu’en réalité elle est morte de trouille devant ce tribunal parental qui l’accuse. Qu’il s’agisse d’un violeur ou d’une explication rationnelle, nous voulons confirmer une version de l’histoire et pouvoir blâmer quelqu’un, trouver un responsable pour justifier ce sentiment que notre vie nous a été dérobée.
Et encore,
Lui aussi est entrain de changer, il a perdu le goût de nous et je ne fais rien pour le lui rendre.
Quand on parle de couleurs, être complémentaire ce n’est ni s’opposer ni se ressembler. C’est correspondre.
Je suis devenue ce que je redoutais, pareille à ces mères qui encrent sur leur enfant le tampon de l’amour qui déçoit. Au lieu de rester une petite fille préoccupée de jeux et de connaissances, la voilà déportée sur le bas-côté du souci perpétuel.
Mes soupirs lui disent qu’elle n’est pas à la hauteur, qu’elle n’est jamais suffisante pour garder sa place. Ainsi, elle se retrouve ex æquo avec l’echec: incapable de me consoler et responsable de mon chagrin. Alors elle trimballe son impuissance, ce fardeau ne la quitte plus et lui voûte le dos.
Les enfants sont des frontières, dit-on, ils nous apprennent où sont nos limites, ils sont nos ombres portées mais porte aussi nos ombres.
Ici en bref




Du côté des critiques
Du côté des blogs
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Questions pratiques

Stéphanie Kalfon
Un jour, ma fille a disparu dans la nuit de mon cerveau
X : @s_kalfon – Instagram : @stephanie.kalfon.1
Instagram : @editionsverticales
Parution : 1er septembre 2023
EAN : 9782072994852
Lecture : Octobre 2023
Bonjour Matatoune. Je ne crois pas pouvoir le lire. Je me sentirais trop impliquée. Bonne journée
Alors tu as raison de t’en tenir éloignée! Bon week-end 😉
[…] Un jour, ma fille a disparu dans la nuit de mon cerveau est son troisième roman où elle explore encore et toujours les aspects des relations perturbées de la nature humaine. […]
Le propos du roman a l’air assez alambiqué.
Alors, je n’ai pas été très claire dans ma présentation…dommage, ce n’était pas mon propos 😉
Avec ton ressentis je reste un peu partagée d’un coté le drame me touche mais cette dérive de la maman me rebute un peu aussi…..A voir. Bon weekend bisous
C’est une découverte difficile, tu as raison !
Bon dimanche 😉
Tu me donnes grande envie de découvrir ce livre au sujet original, cette histoire a l’air complètement délirante. Bon week end
Oui, mais pas vraiment traité du côté fantastique, peut-être comme tu les aime !
Bon dimanche 😉
Voilà un très beau retour sur un sujet vraiment intéressant !
Oui, sujet hors norme qui explore les méandres d’un cerveau accidenté !
Le titre de ce livre est très beau. Il m’intrigue.
Merci Mata 🙏🏻
Bon week-end ☀️
Ah, oui, ce titre n’est absolument pas commun !
Bon week-end 😉
A lire assurément. Merci de ton magnifique retour !
J’ai été subjuguée par ce roman et le drame qu’il raconte !
J’avais lu de cette écrivaine “Les parapluies d’Erik Satie”, c’était pas mal.
Cette histoire-ci a l’air bien sombre… un cas psychopathologique à analyser…
Merci de cette présentation !
Oui, en tout cas, ne connaissant par cette ecrivaine, j’ai été étonnée de l’intensité de son propos.
Bon week-end 😉
Magnifique retour de lecture . Merci Matatoune
Un roman étonnant ! Une écriture que j’ai découverte !