Gaëlle Nohant -Le bureau des…

… éclaircissements des destins

RENTRÉE LITTÉRAIRE HIVER 2023

Grand Prix RTL/LIRE 2023

vagabondageautourdesoi.com - Gaëlle Nohant -

Le bureau des éclaircissements des destins de Gaëlle Nohant est une parfaite réussite ! Un vrai coup de cœur ! Comme une enquête à l’envers, l’écrivaine donne dignité à ceux qui, à Tréblinka, à Ravensbruck, au camp de Mitteverda ou ailleurs dans les camps ont subi les exactions de l’Allemagne nazie.

Brins d’histoire

Le centre des recherches des victimes, géré par La Croix rouge française, se situe à Bad Arosen au cœur d’un bourg allemand où le prince était un nazi notoire. Devenu l’ITS (International Tracing Service), des archivistes s’activent pour retrouver le fil du passé de victimes des persécutions nazies selon la politique de leurs différents directeurs successifs.

Archiviste au centre depuis un certain temps, Irène doit relever un nouveau défi : restituer certains des objets à leurs propriétaires, ou leurs descendants. Le centre en a hérité à la libération des camps de concentration.

Un pierrot en tissu usé, une mèche de cheveux, posé au cœur d’un médaillon, un mouchoir brodé… Autant d’objets, témoins de l’enfer que leurs propriétaires ont vécu. Il faut les écouter pour saisir les quelques signes permettant de reconstituer leurs histoires et si possible les transmettre à leurs descendants.

Ce travail, Irène sait qu’elle ne peut s’en détacher dès qu’elle quitte le centre. D’ailleurs son fils qu’elle a élevé seule en sait quelque chose. Alors, lorsqu’il s’agit de redonner une identité, plus rien n’existe ! Elsie Weber, gardienne à Ravensbruck, est le point de départ que choisit Gaëlle Nohant pour immerger dans l’horreur des assassins nazis.

Ce que nous révèle ce roman…

Dès les premières lignes, Gaëlle Nohant plonge son personnage principal au cœur des recherches où les archivistes sont hantés par un prénom sorti du passé, un regard sur une photo…

Son talent d’écrivaine imagine, orchestre les recherches et crée la mise en relief nécessaire pour redonner vie et réalité à tous les détails pour qu’enfin une silhouette puis une personnalité se dessinent de façon de plus en plus précise. Et du coup, le lecteur est happé par ces investigations avec rebondissements et fausses pistes.

Combien de Wita Girscsack ? De Lazar Engelmann ? Combien d’autres encore ? Les recherches d’Irène l’amènent à relever d’autres violences, comme celles du programme de “germanisation” de l’Allemagne nazie, les expérimentations médicales, et tant d’autres. On songe aux enfants ukrainiens kidnappés. Six mille, à ce jour ! L’Allemagne nazie, deux cent mille ! Ces ombres deviennent nos frères aux cœurs ravagés !

Mais lorsque la narration donne vie à la réalité, la littérature devient mémoire indispensable. Ici, l’horreur est lisible, tangible : les résistantes de Lublin. La visite de Treblinka. Les victimes des chirurgies invalidantes nazies. Le jeu trouble de la Croix rouge d’après-guerre. Rien n’est évité. Mais, les mots se font pudiques et respectueux de la souffrance vécue.

Pour conclure,

Le bureau des éclaircissements des destins colore d’humanité l’horreur. La solidarité, le courage et l’espoir y sont omniprésents dans les actes racontés. Gaëlle Nohant fait triompher la générosité, la force de vie et l’altruisme sur ces horreurs.

Gaëlle Nohant nous offre ce délicat message, formidable d’espoir, avec Le Bureau des éclaircissements des destins. Quels que soient les différents visages du mal, la valeur à opposer est notre humanité ! Qu’elle passe par le soutien d’un enfant, la restitution d’un jouet, le partage d’une pomme, l’enfouissement d’archives, tous ces gestes petits et grands nous protègent !

Pas forcément besoin de redire que j’ai aimé ce roman. Je souhaite seulement avoir donné envie de le découvrir car, dans les temps troublés que nous traversons, au-delà des faits historiques que nous ne devons pas oublier, il nous montre la croyance qu’il nous faut toujours garder.

Remerciements

@editionsgrasset et @NetGalleyFrance pour #Lebureaudeséclaississementsdesdestins de @GaelleNohant

Pour aller plus loin

La femme révélée – Gaëlle Nohant

Puis quelques extraits

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Au fond du parc, les bâtiments modernes abritent des dizaines de kilomètres d’archives et de classeurs que l’on pourrait longer des heures sans entendre les cris, les silences qu’ils renferment . Il faut avoir l’oreille fine et la main patiente. Savoir ce que l’on cherche et être prêt à trouver ce que l’on ne cherchait pas.

Maigres reliefs de l’obsessionnelle de la bureaucratie : des listes, des cartes d’enregistrement individuelles et des registres cachés par les déportés, ou quels assassins n’avaient pas eu le temps de faire disparaître.

Elle ne le reconnaîtrait pas qu’il passait la porte. Un étranger, dont la dureté la pétrifierait. Il faudrait oublier ce qu’elle sait de lui, le réapprendre.

Peut-on rester humain, dans un cadre où l’inhumanité est la règle ?

Comme s’il y avait toujours eu deux Élsie. Celle qui était enfermée dans la boîte a fini par détruire l’autre. Je voudrais préserver le souvenir de celle que nous avons aimée dans le cœur des miens.

Ce sont des objets sans valeur marchande. Les biens monnayables étaient dérobés sans retour. Ce sont les restes méprisés par les assassins, dont la modestie trahit celle de leurs propriétaires. Au moment de partir pour ce long voyage vers l’inconnu. Ils ont emporté du précieux qui ne pèse pas. Leurs papiers d’identité, quelques talismans sentimentaux. Souvenirs d’une vie qu’ils espéraient retrouver intacte après l’arrestation, le cachot, les tortures, le wagon plombé.

Trente ans après la dénazification, sa vision du monde est encore imprégnée des critères raciaux inculqués dans sa jeunesse.

Et encore,

Elle parcourt ces noms de femmes condamnées à la chambre à gaz qu’elles étaient folles, hystériques, infirmes ou malades elles viennent de toute l’Europe, s’appellent Hélène, Hedwig, Charlotte, Magda et Tatiana. Les plus jeunes ont moins de vingt ans, les plus âgés à peine soixante. Démolis en quelques mois, quelques années pour les plus endurantes.

Treblinka. Un centre de mise à mort bâti pour une durée limitée au rendement optimal : en à peine treize mois, près d’un million de victimes juives ont été assassinées dans ses chambres à gaz.

Elle raccommode des fils tranchés par la guerre, éclaire à la torche des fragments d’obscurité.

Elle espérait retrouver les siens. Elle ignorait à quel point elle était seule, dans ce carrefour de l’après-guerre.

C’était la langue de la peau, du ventre, celle des berceuses et de l’amour de ma mère. Dès ce premier soir, je n’ai pu le dissocier de toi, l’étranger qui était venu de si loin me rendre à moi-même.

À la Libération, les Alliés ont été confrontés à des millions de gamins égarés. Orphelin, petits survivants des camps, jeunes travailleurs forcés. Les organisations de secours devaient en prendre soin, les identifier organiser leur rapatriement. La plupart étaient mal nourris, traumatisés, musiques. Les volontaires qui arrivaient des États-Unis ou du Royaume-Uni n’avaient souvent de la guerre qu’une perception lointaine. Ils comprenaient vite que cette mission exigerait d’eux un engagement total.

Des enfants ” de bonne valeur raciale” auraient été raptés par des nazis dans les pays occupés. Pour être élevés par des familles allemandes. (…) Aujourd’hui, on estime à deux cent mille le nombre d’enfants kidnappés.

…je ne suis jamais rentrée du camp. J’y suis toujours.

Le camp lui a appris que la liberté commence au fond de soi.

D'habitude, je ne partage pas mes lectures lorsqu'elles ne m'ont pas plue ! Mais, là, c'est le livre qui se vend à plus

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Gaëlle Nohant – Le bureau des éclaircissements des destins

Twitter : @GaelleNohant – Instagram : @gnohant

Éditeur : Grasset

Twitter : @EditionsGrasset Instagram : @editionsgrasset

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Parution : 4 janvier 2023

EAN : 9782246828860

Lecture : Décembre 2022

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17 commentaires

    • Merci pour tes bons vœux ! Je souhaite sincèrement que ce livre soit un beau succès 🙂

    • Merci Denise ! J’attends tes belles bulles de poésie pour y déposer les miens 🙂

    • Au contraire, il se lit facilement, même si évidemment l’émotion peut affleurer rapidement ! Bonne journée

  1. C’est un sujet important à aborder. Et sûrement un beau livre. Mais comme j’ai lu Primo Levi et Charlotte Delbo il n’y a pas si longtemps, j’ai besoin d’une pause…

    • Oui la fiction permet de relater cette réalité si éprouvante à connaître ! Mais, cela doit rester un plaisir car nous sommes tous les mieux placés pour savoir ce qui est bon à lire pour nous !

  2. Quelle belle chronique pour commencer l’année. J’avais beaucoup aimé le roman précédent de cette auteure et tu me donnes très envie de découvrir celui-ci. Je te souhaite le meilleur pour toi et tes proches pour 2023.Bonne journée

    • Merci bcp ! J’ai bcp aimé ce roman. Merci pour tes bons vœux ! Espérons que 2023 soit plus léger que 2022, mais, franchement, je n’y crois pas trop ! Bonne journée

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