… n’ont pas d’oreilles
Rentrée littéraire hiver 2022
Adèle Rosenfeld raconte dans Les méduses n’ont pas d’oreilles le quotidien de Louise F., la trentaine née en banlieue parisienne avec ses yeux marrons et son petit mètre soixante, écartelée par une dichotomie qui envahit son quotidien.
Quelques mots de l’histoire
Une de ses oreilles est inapte à entendre d’où son appareil auditif caché comme est passé sous silence son handicap. Les cheveux recouvrent les oreilles et personne ne s’en rend compte puisque, en plus, elle n’en dit rien.
Alors, lorsqu’elle répond oui à la place de non, on la prend pour une idiote. Mais, lorsque dans un bar, elle n’entend pas la question noyée dans le bruit du lieu, on lui fiche la paix toute la soirée, la laissant à sa solitude et aux amis qu’elle s’est inventée pour combler un manque social trop réel. Louise y est habituée et même, quelque fois, s’en réjouit, tellement est épuisante cette attention de tous les instants.
Normalement, cela aurait pu continuer ainsi, sauf que le roman Les méduses n’ont pas d’oreilles s’ouvre sur la consultation chez le spécialiste. Il constate quinze décibels en moins sur l’autre oreille. Non seulement, il faut que Louise accepte ce dont elle a refusé depuis toujours, son statut de malentendante, mais prendre aussi la décision de devenir une femme bionique.
Dans ce premier roman, Adèle Rosenfeld conte ce cheminement entre reconnaître sa différence et se faire poser ou non un implant. Elle présente les brouhahas inaudibles, les trous noirs au milieu d’une phrase, la perception des différentes fréquences et les lèvres qui ne se laissent pas regarder ou qui s’effacent dans la pénombre.
Adèle Rosenfeld présente avec beaucoup de poésie les amis imaginaires de Louise qui comblent sa solitude sociale : Son bon Soldat prend sa place dans la vie. Son Chien Cirrus, exprime les émotions. Et la Botaniste, elle, collectionne des plantes mirages qui expliquent le monde. Ses amis, et plus, bien vivants, savent aussi se tenir à ses côtés. Avec beaucoup de sensibilité, Adèle Rosenfeld nous parle des “cahiers de réalité de l’existence” de Louise où les sons sont répertoriés et ordonnés avant leurs disparitions programmées.
En conclusion,
Évidemment, ce premier roman est un peu autobiographique, mais l’écriture et la construction en font un récit littéraire délicat et attachant. Avec le film Sur mes lèvres, Emmanuel Devos avait démontré la solitude et le rejet. Son personnage devenait une proie facile entre les mains pervers d’un Vincent Cassel. Ici, Adèle Rosenfeld nous fait vivre l’imaginaire qui comble les manques. Rien de désespérant dans Les méduses n’ont pas d’oreilles ! Au contraire, c’est l’histoire d’une battante qui s’entoure de la poésie de l’imaginaire et de la distance de l’humour pour dépasser les difficultés. Une écrivaine est née !
Remerciements à @EditionsGrasset et @NetgalleyFrance pour #lesmédusesnontpasd’oreilles de #AdeleRosenfeld
Quelques extraits
J’avais l’habitude de divaguer dans les silences et les mots perdus, me faire aspirer par la puissance imaginaire, mais cette fois le réel était tellement ébréché par les sons amenuis que les images s’incarnaient en moi avec une force nouvelle.
Même dans le service d’hospitalisation ORL, mal entendre relevait encore de la lutte des classes avec les entendants.
Ça faisait écho chez moi à la guerre qui avait entre mes deux parties, la sourde et l’entendante. Je me suis habituée à l’obscurité du silence, mais il ne fallait pas oublier l’entendante.
Quant à Jean-Luc, j’avais bien entendu son prénom, c’était parfois facile les noms composés, même si je me plantais souvent pour le deuxième prénom, sauf qu’ici le c final était tellement claquant que je ne pouvais confondre ce mot monosyllabique avec” No” de Jean-No .
Je n’avais jamais rencontré de malentendants, le déni m’avait coupé de ce lien.
(…) je voulais juste boire une bière et rire, profiter qu’un bar rend sourds tous ses consommateurs et que, passé une certaine heure , les conversations se réduisent a des onomatopées joyeuses.
En termes d’imaginaire collectif, le sourd était passé à la trappe, nulle Légende dorée autour des oreilles crevées .
(…) deux cents ans de progrès technique pour m’expliquer quelque chose que je savais depuis toujours.
J’ai longtemps réfléchi et je me suis dit que si le silence faisait partie du langage. Il n’était pas son contraire mais une entité intrinsèque à la langue.
Le silence était un lieu où résider dans le langage. Le silence libérait des mots et des images que le langage retenaient prisonniers. Je n’étais donc pas perdue mais en chemin.
Ici en bref



Du côté des critiques
Le Figaro – L’Humanité – En attendant Nadeau –
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Questions pratiques
Adèle Rosenfeld – Les méduses n’ont pas d’oreilles
Éditeur : Éditions Grasset
Twitter : @EditionsGrasset Instagram : @editionsgrasset
Parution : 12 janvier 2022
EAN : 9782246827061
Lecture : Février 2022
Un sujet qui me touche, et si en plus c’est bien écrit.
Oui, je pense que ce roman est à découvrir !
J’ai très envie de lire ce livre, le handicap est un sujet sensible qui me touche profondément.
Merci Mata
Oui et ici il est traité de façon “dynamique” avec un côté imaginaire assez neuf !
Bonjour Matatoune. Ce livre devrait me plaire, mais pas dans l’immédiat car ma PAL est trop haute. Bon dimanche !
Oui, moi aussi ! Actuellement, j’ai trop de livres en attente, moi qui est horreur d’avoir une PAL:)
Les extraits me plaisent beaucoup et le thème du handicap est touchant mais malheureusement j’ai déjà une pile à lire trop volumineuse et je n’aurai pas le temps.
Moi aussi ! J’en ai trop en attente. Il va falloir avancer en lecture 🙂
J’essaye d’avancer mais je patine … et puis je viens de passer trois semaines sur “la montagne magique” de Thomas Mann et ses 1200 pages… les autres lectures en attente. Bonne soirée 🙂
1200 pages de quoi s’immerger complétement plus les autres 🙂 Bon courage !
Merci 🙂 Bonne journée Matatoune !
arthrose dans l’oreille, je porte des appareils depuis 3 ans, tout est une question d’acceptation
Oui, et l’écrivaine démontre toute la réflexion et l’acceptation personnelle mais aussi le regard que les autres portent sur la différence.
On a regardé pour le mari avec ces truc implanté mais cela signifie perdre le peu d’ouïe qu’il reste alors on a dit non et il porte les appareils. Bisous doux weekend
Oui, et l’écrivaine montre bien la difficile décision à prendre et lorsqu’elle est prise, le bouleversement que cela peut amener ! Bonne soirée !
j’hésite toujours 🙂 peut-être ai-je tort???
Jamais ! Toujours suivre son intuition 🙂
Ce livre devrait beaucoup me plaire je le note pour plus tard. Bonne soirée
Oui, il est très intéressant, je le recommande ! Bon dimanche 🙂