Vassilis Alexakis
Vassilis Alexakis (1943 – 2021) vient de cesser d’écrire. Une voix mêlée par deux cultures, celle de Grèce et la notre, qui ne cessera pas de nous enchanter.
Le français ne me rappelait aucun mauvais souvenir. J’étais d’autant plus à l’aise dans le roman de la langue française qu’elle compte énormément de mots grecs. Mais ce n’est pas longtemps supportable d’écrire dans une langue que votre mère ne comprend pas, qui n’a pas les mêmes souvenirs que vous. Les mots étrangers – Vassilis Alexakis -2004
Bizarre, un écrivain meure et ce sont ses mots qu’on ré-entend :
-Pourquoi écrivez-vous? interroge-t-on aussi.
Est-ce une activité saugrenue, comme la cleptomanie ou le saut en parachute? Je regarde encore mes mains. La main droite lâche à nouveau le crayon et s’approche de mon visage. Elle ne va pas me gifler, j’espère? Non, bien sûr. Elle me gratte cette fois-ci la tête : c’est tout ce qu’elle peut faire pour m’aider à trouver une réponse. J’ai découvert de bonne heure que la vie n’avait rien de plus beau à m’offrir que des mensonges. Je l’ai su grâce aux lectures que me faisait ma mère le soir. Je ne rêvais pas encore d’écrire, pour la bonne raison que je ne savais même pas lire, j’envisageais cependant de devenir un grand menteur…; L’enfant grec – Vassilis Alexakis- 2012
Alors, de tous les mensonges que vous nous avez raconté quel est celui que j’ai tant aimé. Je n’arrive pas à choisir…La langue maternelle – Le premier mot ou encore L’enfant grec. Il faut du temps pour déguster vos mots.
Lire, quitter le réel pour s’oublier et découvrir la puissance d’un mot, son évocation et hop, le voyage commence. Le livre est posé, la réflexion, l’imagination et la liberté sont immanquablement présentes.
Le plus bel hommage qu’on puisse rendre à un défunt a été imaginé, à mon avis, par certains aborigènes d’Australie. Lorsque leur chef meurt, ils suppriment un mot, l’effacent définitivement de leur langue. Mais je ne suis pas certain que notre ami nous approuverait si nous faisions de même car il aimait les mots, tous les mots, même ceux qui ne lui plaisaient pas. Le premier mot – Vassilis Alexakis -2010
Quel est le mot que nous devons supprimer pour honorer votre vie ?
Grèce, je ne peux pas ! J’aime trop sa mer si bleue et son ciel si tendre.
Mère, impossible aussi puisque la votre, vous nous l’avez tellement raconté, que nous l’avons imaginé plus réelle qu’elle ne fut.
Le mot langue, là encore impossible tant la votre nous renvoie à nous-même, à nos origines mais aussi à nos futurs.
Alors, je propose rien, car rien n’a jamais été présent dans votre œuvre.
J’ai su très tôt en somme que la meilleure façon de raconter un événement était de l’inventer. La vie ne laisse guère de place à l’imagination : il lui arrive certes de faire preuve d’un certain sens poétique, mais très rarement, hélas. L’enfant grec – 2012
Car, cette mort qui vous arrache à votre vie a toujours été présente dans vos livres. Mais, comme il faut moquer ce qui obsède, alors elle était traitée avec légèreté comme ce point d’interrogation français :
Le point d’interrogation français ressemble à un point d’exclamation voûté. Je suis un point d’exclamation qui a vieilli. Le premier mot – 2010
Mais, sans votre regard, votre voix et vos phrases qu’aurions-nous su de ce pays qui vous aviez vu naître. Ces maux du pays de votre mère. Et puis ces dernières années dénoncer l’enfermement auquel votre pays était condamné. Mais, de la citation suivante, c’est la gifle que je retiens
J’éprouvais une vive hostilité à l’égard des Grecques. Ne sachant pas à quoi attribuer l’attitude timorée de la plupart de mes compatriotes envers la junte, j’avais décidé que la faute en revenait à leurs mères. Je n’en voulais pas aux pères: seules les femmes à mes yeux étaient responsables. Je devenais fou de rage chaque fois que je voyais une mère gifler son enfant. La langue maternelle – Vassilis Alexakis -2007
Mais, de cette citation, c’est la gifle que je retiens…
« Quel objet voudrais-tu qu’on dépose sur ta sépulture ?
– Un cendrier, puisqu’il y en a toujours eu dans mon environnement. Il me plairait assez que les visiteurs du cimetière l’utilisent pour écraser leur cigarette. Cela assurerait un minimum d’animation à mon tombeau, cela me permettrait aussi de retrouver de temps en temps l’odeur du tabac. Ce n’est pas encore interdit de fumer dans les cimetières, n’est-ce pas ? » La clarinette – Vassilis Alexakis – 2015
Pour votre impertinence mais aussi votre humour, je fume une cigarette et promis, j’irai l’éteindre assise sur votre tombe en regardant la mer déroulée sa tranquillité.
Les mots que des mensonges !
Jamais rien lu de lui et pourtant c’est un grand! Merci de cet hommage. bisous
Dans sa voix René, on entend la mer ionienne 🙂
jamais lu non plus, mais je vais essayer de le trouver à la bibliothèque
Je serais ravie de connaître ton avis alors !
jamais lu encore cet auteur, mais tout ce que je vois sur lui donne vraiment envie
Ravie de le faire découvrir !
très bel hommage haut en couleur 🙂
je connais son nom qui chante à l’oreille mais je ne connais pas son œuvre 🙂
Il a bcp écrit sur la langue et son rapport à notre culture.
Je fais une nouvelle découverte grâce à ton blog, je ne connais ps du tout cet auteur. Ton article est u7n bel hommage, comme très souvent. Bonne journée
Merci c’est très gentil. Son talent je l’aime bien !
Je n’ai jamais lu cet écrivain mais j’en avais entendu dire beaucoup de bien au moment de la parution de “La langue maternelle”. Et puis il intervenait sur France Culture régulièrement. Son accent très chantant était agréable à écouter…
Oui, c’est erai qu’on peut réentendre sa voix avec les poadcasts de France culture !
Je ne connais pas du tout le personnage, mais ces mots épars étaient très doux !
Oui quelqu’un dont j’aime son écriture !
Merci pour cette découverte ! Jamais entendu parler de cet auteur amoureux du langage. Je pense lire “La langue maternelle” , prix Médicis. 🌞
Voilà un beau programme ! Belle découverte . ..