Florian Forestier- Mes labyrinthes

: Vivre la différence

vagabondageautourdesoi.com -Florian Forestier -

Dans Mes labyrinthes : vivre la différence, Florian Forestier raconte la perception de son autisme, son ressenti tout au long de sa vie, la place du diagnostic et la façon de s’accommoder de ce “tremblement”, en le confrontant aux connaissances actuelles sur ce trouble neurodéveloppemental. Une authenticité rarement exposée, comme une mise à nue, pour nous faire approcher, grâce à son talent littéraire, la singularité de “ses labyrinthes”.

Un récit essai

Cinq fois, la France fut condamnée par le Conseil de L’Europe pour non-respect des droits des personnes autistes. Devenue cause nationale depuis 2017, un programme de recherche s’est organisé. Le département des sciences humaines lui fut confié. Florian Forestier définit, avec ses collaborateurs, quatre axes à développer : représentations de l’autisme, trajectoires des personnes, mécanismes de production du handicap, questions de genre. Mais, la recherche générale ayant rendu son travail, il n’en sortira qu’un énième numéro vert et d’autres dispositifs, poudre aux yeux, sans véritable changement. Un nouveau plan pluriannuel est présenté ces jours-ci. À suivre donc !

Florian Forestier convoque son art de la narration pour transmettre son vécu mais aussi faire un point non exhaustif sur les neurodiversités. Entre Bourdieu, Foucault, Goffman, Annie Ernaux et d’autres, il s’attache à mettre des mots sur ses maux. Comme à chaque fois, devant un récit authentique, la souffrance affleure et désarçonne tant le lecteur appréhende un océan inconnu.

Florian Forestier a repris les quatre axes de la commission pour les traiter à sa façon. Son analyse s’éclaire de son vécu, de la description de ses ressentis, de ses fêlures et, bien sûr, de sa richesse.

Mes labyrinthes, vivre la différence, deviennent un récit de soi et un essai mêlant la narration à la synthèse des données historiques et aux connaissances actuelles. Même si cet univers est complexe et diversifié, il nous faut l’approcher pour tenter de cesser d’exclure.

Pour finir,

Florian Forestier ne s’adresse pas qu’à un public averti. Il s’adresse à tous les êtres humains, munis de paroles et de réflexions. Car, son récit partage avec nous, qui ne savons pas regarder, ce que peut vivre l’enfant étrange, l’adolescent guindé ou l’adulte lointain.

Son talent d’écrivain transpose en mots accessibles cette différence inconnue qui fait encore très peur. Aucun voyeuriste, aucune demande de compassion, Mes labyrinthes exposent la description de perceptions et d’émotions et relatent une conscience plus qu’exacerbée, à vif, qui ne semble jamais se reposer !

Car, Florian Forestier confie son témoignage avec une authenticité précieuse. Il explique, en toute franchise et sans complaisance, ses manques, ses failles et ses errances : ses sensations décuplées, son empathie globalisante, sa capacité à percevoir chaque détail et même ses crises qui le saisissent lorsque l’émotion déborde et qui le laissent complètement exsangue, etc.

Les chapitres sont courts et denses. La force de ce récit essai est la capacité de Florian Forestier à raconter avec sincérité. Ce n’est absolument pas un énième essai scientifique pour comprendre l’autisme, et pourtant, il présente des chiffres et des études. Et, ce n’est pas une biographie car, en tant que philosophe et conservateur de la BNF, il assure aussi des travaux de recherches notamment pour la CNSA (Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie), aussi son écrit est documenté.

Néanmoins, sa lecture nous fait appréhender l’ampleur de la souffrance ressentie, le déséquilibre qu’elle produit et l’incertitude dans laquelle la personne est plongée. Rien ne semble assuré, tout peut évoluer, sans vraiment en comprendre les causes d’oscillation. Et, l’émotion du lecteur est à fleur de pages !

Ce récit est précieux, car il s’agit bien, pour les dits “normaux”, d’essayer de comprendre ce que ressent l’autre, différent, pour combattre les peurs, les banalisations et même les exagérations que certains tentent d’héroïser lorsqu’ils parlent de différence !

Le récit essai, Mes labyrinthes : vivre la différence, est à découvrir pour tenter d’approcher la complexité de l’autisme. Merci tellement à Florian Forestier pour sa véracité dans cet ouvrage si sensible !

Remerciements

À Florian Forestier pour son envoi

Pour aller plus loin

Florian Forestier – Basculer

Puis quelques extraits

L’expérience d’une lente exploration. De soi d’abord. Du corps que je suis et qui m’excède.

J’aimerais vivre sans plus devoir le dire.

Un désordre ou une anxiété me saute au visage, s’agrippe m’enserre. Il faut accepter de composer avec. C’est un tout. L’autisme se mêle, se glisse. Il hante mon passé, donc mon présent.

L’autisme est justement ce brouillage qui fait hésiter, zigzaguer, trébucher.

Certains enfin, dont je fais partie, souhaitent mettre fin au monde strictement déficitaire, au profit d’une approche plus riche, encore à inventer.

Je n’arrête pas de penser au diagnostic. (…) Je refuse qu’il soit une arme braquée sur moi, sur mes idées, m’exhortant à fléchir devant le monde.

Non, il n’est pas simple, ce flottement dans la socialisation. Cette expérience de trouble, de pluralité, de contradiction où l’on n’est rien vraiment, un peu tout, une chose puis l’autre, sans entrer jamais dans un autre silo, dans aucune filière.

Je suis ce tremblement, oui, et je n’ai jamais que cela : faire trembler. Faire trembler le langage en écrivant, faire trembler les catégories de la pensée en pensant. Faire passer dans les mots, dans le monde, un désagrément qui m’est propre pour rappeler à tous que ce qui va de soi ne va jamais vraiment.

Et encore,

Pour certains militants, la catégorie qu’est le syndrome d’Asperger reste entachée par cette origine : elle en garderait les traces, la volonté de regrouper les bons autistes, intégrables et productifs. Elle paverait le chemin vers l’eugénisme, lequel ne consiste pas seulement à tuer, mais aussi et toujours à décider qui mérite de survivre.

On sait que les tests de QI ont pris leur grand essor pendant la Première Guerre mondiale, les Américains ayant dû constituer à la hâte une armée, et pour cela transformer très vite une masse de millions de conscrits en officiers, sous-officiers, artilleurs, fantassins, estafettes, et ainsi de suite.

La réalité, c’est que nous en avons plus qu’il n’en faut partager, des mondes! Nous en sommes pleins. Il en déborde.

Souvent le monde m’apparaît comme une ville sans fin, faite de plateaux, de transformations, de découvertes. La ville,- planète mouvante, métamorphique, avec ses lumières et ses ombres. La ville dont on ne sort pas.

Je dois apprendre, dit le corps enseignant, l’administration, la famille.

Et encore, encore,

Contre toute évidence, nous nous (en France) obstinons à décrire l’autisme comme une psychose.

On est “intelligent” comme on est “en forme” : globalement.

Exister comme une fissure où se glisse le nouveau, l’étranger.

S‘il y avait vraiment qu’un mot, la peur et la haine seraient peut-être moins fortes.

Au moment où le mot “autisme” est prononcé pour moi, pendant le diagnostic, je suis perdu. J’ai vingt-cinq ans et je vieillis sans mûrir.

Je n’ai finalement jamais eu qu’un seul cri, qu’un seul but : lutter, ne cessez de lutter contre ce tout qui voudrait me priver de la façon dont je tremble. En tirant ce fil, j’ai fini par rejoindre peu à peu ce que je fuyais d’abord, ma place dans la société, ma mission peut-être : être une inquiétude de chair, créatrice.

Parce que le corps parle fort, bout, que ça s’échappe en lui, parce que c’est si intense et si menaçant, certains l’apprivoisent de manière rigide.

Il sait au fond de lui que l’autre est compliqué, qu’il lui faut du temps pour digérer. Celui de s’imprégner, de se souvenir. Faire l’épreuve de la distance, des mots, attendre l’émotion qui ne vient qu’avec eux.

Et encore, encore, encore

Chaque organe, chaque cellule, est comme l’objectif d’un appareil photo. Imprimant, enregistrant. Des milliers, des millions d’images circulent et se combinent en moi. Ce n’est jamais fini, jamais épuisé. Toujours surgit un angle nouveau. Tout peut recommencer d’un seul gros plan.

Je porte un deuil, sur mon dos, comme une carapace, la statue de celui qu’aurait été le non-autisme, du cadre dirigeant, du haut fonctionnaire, de l’homme d’affaires, de la star, ou simplement du père, du chef, du pilier, que sais-je.

Ici en bref

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Incipit
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Un extrait
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Puis le dernier

Questions pratiques

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Éditeur : Editions Du Faubourg

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Parution : 3 novembre 2023

EAN : 9782493594433

Lecture : Novembre 2023

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10 commentaires

  1. Bonjour Matatoune, la question de l’autisme est très intéressante. C’est la maladie psychique sur laquelle je suis la moins bien renseignée, et j’aimerais en savoir plus. Merci de cette présentation, bonne journée 🙂

    • Ce récit est édifiant de la réalité du vécu tout en étant une œuvre littéraire !

  2. Ce livre m’intéresse, je le note. Les livres sur les divers handicaps m’intéressent toujours. J’ai reçu ton livre aujourd’hui. Merci beaucoup je le lirai dès que j’aurai fini Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur. Bonne journée

    • C’est un livre reçu en ebook ! Oui, ce récit est très intéressant surtout lorsqu’on travaille dans le domaine du handicap !
      Bon week-end 😉

    • Oui, c’est vraiment une des qualités de ce récit. Car, avec des mots simples, on appréhende un peu les ” tremblements” que produit l’autisme !

    • Un parcours du combattant , mais pour tous parents avec des enfants porteurs de tout handicap !

    • Oui un récit très authentique qui permet d’appréhender l’autisme.
      Bonne journée 😉

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