Prix Tranfuge du Meilleur roman 2023
Prix Jean Giono 2023
RENTREE LITTERAIRE 2023

Je n’aurais peut-être pas lu Gaspard Koenig, si Humus n’avait pas fait partie des sélections des prix littéraires ! Cette histoire de lombric, de lombrimix, de copulation de vers de terre ne me tentait que très moyennement, moi qui m’endors invariablement devant des documentaires animaliers. Mais la curiosité fut plus forte ! Et je ne le regrette absolument pas.
Gaspard Koenig saisit notre modernité au cœur de cette révélation, l’urgence écologique à changer notre façon de consommer pour assurer la survie de l’espèce. Sûr comme ça, pas envie de découvrir ce roman ! Alors, voici l’autre façon :
Brins d’histoire
Gaspard Koenig raconte l’engagement de deux ingénieurs agronomes Kévin, sans é, et Arthur.
Le premier est issu d’un milieu plutôt agricole. En remarquant son aisance dans les études, il est passé de classes en classes, de filières en filières bénéficiant à chaque fois de bourses ou de dispositif financier lui permettant de poursuivre ses études, sans en avoir éprouvé l’envie, sauf celle de découvrir Paris.
Arthur, et son prénom le souligne, appartient à la classe instruite de l’intelligentsia. Son père est un avocat reconnu pour défendre les libertés fondamentales. Lui, il connaît parfaitement Paris pour y avoir toujours vécu et fréquenté les meilleurs établissements scolaires.
C’est une conférence par le spécialiste des vers de terre, Marcel Combe (en vrai, Marcel Gauchet) qui va sceller leur amitié. À la fin de leurs études, leurs chemins divergent.
Arthur choisit de tenter l’expérience des néoruraux dans l’ancienne ferme de son grand-père en Normandie, complètement polluée par des années d’insecticides. Il se propose avec son amie, Anne, dont elle partage l’engagement, de vivre en décroissance, limitant au maximum leur empreinte carbone.
Kévin pense plutôt produire des vermicomposteurs de cuisine pour évacuer certains déchets ménagers. La rencontre avec Philippine, une rousse plutôt gothique, va orienter son projet vers le milieu industriel.
Vers de terre, sauveur de l’humanité ?
Gaspard Koenig est un philosophe, essayiste engagé. Après avoir fait le tour de l’Europe à cheval sur les traces de Montaigne, il avait essayé de se présenter aux élections présidentielles en s’interrogeant sur les raisons de vouloir élire un maître ! Plus réaliste était sa proposition d’un revenu universel pour les jeunes, reprise après.
Son premier roman avait déjà fait l’objet d’une sélection pour le Goncourt. C’est dire qu’il sait raconter des histoires !
Le roman ouvre des pistes de réflexion sans forcer son auteur à prendre position.
S’inspirant du mouvement des destructeurs apparus lors de la cérémonie des remises des diplômes des futurs ingénieurs agricoles en 2022, Gaspard Koenig démontre jusqu’au bout leur logique de décroissance qui peut déboucher sur un absolu difficilement compatible avec notre cadre bien délimité.
Des étudiants, formés à intégrer les milieux décideurs du pouvoir, se refusent à reproduire à l’identique ce qui n’a pas fonctionné. Ils essayent d’inventer d’autres possibles, comme le feront à leurs façons Kévin et Arthur.
De plus, la production d’humus par les vers de terre semble être une solution pour assainir la couche qui entoure la terre !
Pour finir,
La conclusion de Gaspard Koenig n’est pas réjouissante. Mais, elle répond à l’aspect romanesque de l’ouvrage. Mais sa clairvoyance se situe ailleurs : La justesse de la peinture de cette jeunesse y est évidente tout en étant éclairante. Certes, les lombrics vont peut-être assurer notre survie, mais ils ne sont qu’un prétexte pour confronter le lecteur à son écoresponsabilité.
Ainsi Gaspard Koenig préfère par la fiction montrer pour expliquer et comprendre. Notamment, les mouvements violents de groupuscules écoanarchiques qui envahissent nos actualités. Et, appréhender aussi cette écoanxiété si répandue dans une jeunesse instruite qui ne croit plus au modèle pour lequel ils ont été formés.
Gaspard Koenig offre un conte philosophique au point de départ écologique qui analyse notre actualité avec précision et ironie jubilatoire. Humus est un roman d’apprentissage pour deux jeunes hommes qui seront anéantis par notre époque. En cela, il s’inscrit dans la tradition littéraire du 19ème siècle. Mais, entre la désobéissance civique prônée par certains quaternaires et le terrorisme écologique qui se profile chez les plus jeunes, est-ce que le capitaliste vert, libéral et écologique, défendu par Gaspard Koenig sera suffisant. À vous de vous faire votre propre opinion !
Puis quelques extrait

Alors qu’Arthur, pauvre mâle errant de la génération Z, tout honteux de ses désir, déployait sans grand succès des stratégies de séduction byzantines pour draguer, sans importuner, insister sans harceler, caresser sans brusquer, jouer sans dominer, il suffisait à Kévin de s’asseoir à la table de la cafétéria pour se retrouver entouré d’un aréopage d’étudiantes.
Il tuait la terre qui nourrit le monde, voilà ce qu’il faisait . Il était gentil pourtant.
Tout était couru d’avance : le désir, le couple, les enfants, la fatigue, l’ennui, puis une seule alternative : le divorce ou la résignation, aussi appelée “amour de ma vie” .
Ceux qui habitent en ville et qui travaillent dans des bureaux en verre. Et puis ceux qui passent à la télé pour nous expliquer ce qu’on devrait penser. Tous ceux-là qui baladent à l’air libre en faisant des phrases. Ils croient que sans eux, le monde s’arrêterait de tourner. Mais la vérité, c’est que sans nous, ils n’auraient rien à bouffer.
Présenter un visage à haïr, n’était-ce la dernière trace d’humanité dans un processus juridique formalisé à l’extrême.
Et encore,
Comme si le décor, les huissiers, l’attente, tout avait été pensé pour plonger irrésistiblement les êtres dans l’état qu’on exigeait d’eux: l’allégeance.
En cas de contrôle fiscal, de problème de droit du travail ou quoi que ce soit d’autre, n’hésitez surtout pas. Nous ferons le nécessaire. L’administration peut être terriblement bornée dans notre pays.
Montrer une sale tronche aux bonnes écoles lecteurs de Libé qui n’avaient jamais mis les pieds à la campagne. Les mettre face à leur insoutenable tartuferie.
Refusant de réduire l’écologie à un calcul d’émissions carbone, il déplorait l’emprise de l’homme sur les écosystèmes, réduisant comme peau de chagrin les équilibre complexes auxquels avaient abouti des dizaines de millions d’années d’évolution naturelle, au moins depuis la dernière extension de masse du Crétacé.
Contrôle de traçabilité et contrôles d’identité sont les deux faces d’une même passion pour l’étiquetage. Nous voudrions maîtriser tout, la nature et les hommes, parce que nous ne nous maîtrisons plus nous-mêmes.
Ici en bref




Du côté des critiques
Du côté des blogs
Aleslire – Sur mes brizées – La bibliothèque Roz – Le temps de la lecture –
Questions pratiques

Gaspard Koenig-Humus
Éditeur : L’Observatoire
X : @EdLOservatoire Instagram : @editionsdelobservatoire
Parution : 23 août 2023
EAN : 9791032927823
Lecture : Octobre 2023
[…] Un autre avis chez Matatoune. […]
Ta chronique me donne envie de lire ce roman qui ne m’aurait pas attirée a priori. Bonne journée
Il y décrit ce retour à la nature qui hante la génération de nos enfants et les changements au niveau de l’écologie. Pas forcément optimiste, mais au moins éclairant !
Bonne journée 😉
Que veut dire “quaternaires”? N’est-ce pas plutôt quadragénaires ?
Une invention de ma part 😄, mais ravie que vous ayez trouvé la signification ! Du coup, je ne corrige pas 😉
Le prochain Goncourt ? Affaire à suivre.
Franchement, même si Christine Angot fait partie du jury, je pense qu’elle n’arrivera pas à faire fléchir d’autres plus conservateurs pour élire Triste tigre. Alors, il y a Éric Reinhardt, parfait romancier type du Goncourt, un choix sans trop de surprise, assez classique ! Pour être dans la modernité, il y a Humus, au sujet novateur, intelligent et érudit, mais néanmoins facile d’accès. Donc, le favori ? A suivre! En tout cas, si c’est Veiller sur elle! Alors, là, je serai déçue 😞
Je n’ai aucune attirance pour les asticots et autres vers, je passe mon tour, même si la thématique écologique m’interpelle. De plus j’ai un nouveau livre qui va bientôt arriver et que je compte lire avant de l’offrir à sa destinataire. Bon week end
Oh, moi non plus, rien me destiner à être incollable sur les vers de terre ! Je crois que c’est là le premier trait d’humour de cet écrivain !
Il rest arrive mardi dans ma boîte aux lettres et attend son tour. Je ne crois pas qu’il attendra longtemps. Je viendrai te relire quand je l’aurai fi
Là, c’est sûr, on n’est pas dans le documentaire animalier … Ta première m’a fait sourire parce que j’ai imaginé la voix off commentant les ébats des lombrics, avec des gros plans sur les composteurs … Je ne connaissais pas les positions politiques de l’auteur, mais en tout cas, il a réussi son roman !
Oui, très belle image, le doc sur les ébats des vers de terre! Mais, la scène finale dans le jardin du Luxembourg est pas mal aussi, moins doc du dimanche 😄
Alors là, je suis dubitative. En général je n’apprécie pas trop les romans sur des sujets d’actualité, politiques ou dans l’air du temps… Mais il faut voir !
Pour le concours, j’hésite entre lui et Éric Reinhardt , le chouchou des jurys…il devrait y avoir de nombreux votes .A moins que l’académie est le courage de couronner Neige Sinno … Fin du suspens, mardi 😉
Bon…comme vous…vraiment pas attirée de prime abord. A voir donc
Mais, je n’ai absolument pas regretté ….A suivre donc !