Veiller sur elle
PRIX GONCOURT 2023
Prix du livre Fnac 2023
Dernière sélection du Prix Fémina

Jean-Baptiste Andrea signe un quatrième roman Veiller sur elle, aimé et célébré par tout le monde. Mes libraires étaient unanimes, chose très rare, pour dire que c’était LE roman de la rentrée littéraire 2023. Sa prestation de “parfait gendre, bien propret” à la Grande Librairie ne m’avait absolument pas convaincue. Je trouvais l’homme trop sûr de lui. Péché d’orgueil, je le confesse ! Et, puis, son prix Fnac, que j’aime beaucoup m’a fait tiquer sans toutefois ébranler ma certitude. Les avis d’autres blogs m’ont fait changer d’avis. Puis, sa présence dans la dernière sélection du Goncourt m’a enfin ouvert les yeux ! Je me devais de le découvrir.
Jusqu’à vers la centième page, la présentation de Mimo Vitaliani, apprenti sculpteur envoyé à Gênes pour l’éloigner de la guerre 14-18 a retenu mon attention. L’entrée en scène de Viola, du même âge mais absolument pas du même milieu, (c’est une Orsini, issue d’une famille noble ! ), m’a réveillée de ma torpeur. Elle introduit dans Veiller sur elle, les nuances, les connaissances, les aspirations pour une autre conception sociale du rôle des femmes, certes, mais aussi entre les classes. Du coup, le talent de Mimo Vitaliani se bonifie et le roman de Jean-Baptiste Andrea s’épaissit et s’intensifie avec plaisir !
Mimo et Viola deviennent “jumeaux cosmiques” et même le jour de leurs seize ans, la jeune fille lui révélera un secret. Dans Veiller sur elle, Jean-Baptiste Andrea fait traverser le siècle à ses deux héros sans dommage malgré les événements historiques marquants en toile de fond.
Roman édulcoré
Seulement, suffit-il de bien raconter une histoire populaire pour que cela devienne fédérateur pour tous ? Je ne sais pas ! Mais, en tant que bon scénariste, Jean-Baptiste Andrea choisit, comme son sculpteur Mimo, de “Sculpter (écrire), c’est très simple. C’est juste enlever des couches d’histoires, d’anecdotes, celles qui sont inutiles, jusqu’à atteindre l’histoire qui nous concerne tous, toi et moi et cette ville et le pays entier, l’histoire qu’on ne peut plus réduire sans l’endommager. Et c’est là qu’il faut arrêter de frapper. ”
Et, c’est vrai que son récit romanesque est concis pour ne rendre que des situations fortes où la noirceur est volontairement combattue et enfouie pour ne révéler que leur beauté. Ce parti pris est assumé par l’écrivain qui souhaite proposer à ses lecteurs un monde vu par la lentille de l’esthétique.
Seulement, qu’est-ce que le ravissement ? Est-ce qu’il naît uniquement d’une grâce reconnue, encensée et académique. La Piètà Vitaliani conçue par Mimo doit être cachée pour éviter les débordements que certains ressentent plus que d’autres à sa vue, tellement elle est sublime. Le ravissement naît d’émotions insoupçonnées que l’art révèle, mais de toutes les émotions, de tous les ressentis et de tous les ébranlements, pas uniquement ceux dits(es) positifs(ves).
Dans Veiller sur elle, il m’a manqué de m’identifier aux émotions négatives des personnages que Jean-Baptiste Andrea semble effacer presque complètement de son discours. Pas de colère, pas de rage, pas de tristesse, juste de la sublimation vers l’art et la puissance des mots !
Roman populaire
Dans les différentes interviews, Jean-Baptiste Andrea est comparé à Pierre Lemaitre, écrivain dit populaire, ayant reçu le Goncourt en 2013. Prémonition des médias : “Lemaitre en 2013 et Andrea en 2023”, voilà qui aurait du peps et ferait le buzz sur les réseaux sociaux ! En tout cas, la verve est ressemblante !
Maintenant, est-ce la même intention ? Car, chez Pierre Lemaitre, la contestation sociale n’est jamais loin et en conséquence, l’ironie est savoureuse. Alors, certes Mimo a fait de la prison pour avoir publié un écrit contre l’Italie fasciste. Seulement, avant, il a “fricoté” un certain temps avec le frère de Viola, cadre reconnu du parti de Mussolini.
C’est Viola qui est la plus subversive des deux avec son idéal de femme libre, contrainte de se conformer aux cadres sociaux en vigueur. Seulement, rien n’est dit de ses ressentiments à abandonner son rêve, notamment, celui de voler pour devenir la femme d’un rustre fortuné. Sa duplicité est pressentie dans les positions qu’elle prendra plus tard dans le récit, mais Jean-Baptiste Andrea n’en dit pas grand-chose.
Et que dire de l’attitude de Mimo atteint d’achondroplasie qui sera ravi, au cours d’un voyage à Paris, de la méprise d’un passant avec Toulouse-Lautrec ! Est-ce que sa maladie aura influencé son art ? Peu en seront dits !
En conclusion,
Certes le monde de Jean-Baptiste Andrea est rassurant, surtout pour l’atmosphère anxiogène que nous vivons actuellement. Ses deux héros traversent les épreuves sans qu’elles ne les atteignent vraiment. L’histoire semble nous démontrer que l’amitié, ou plutôt un amour platonique, les protège de toutes les conséquences des aléas de la vie. Et, croyez-moi, il y en a beaucoup dans Veiller sur elle.
Veiller sur elle est une magnifique histoire, très bien racontée. Mais, trop belle justement !
Puis quelques extraits

Rome était une amie. De Florence, j’étais amoureux. Il n’y a qu’une lettre de différence entre ville et fille.
Je savais, pour l’avoir vécu, que les crises n’appauvrissent que les pauvres.
Il y avait pire que de perdre sa liberté, c’était d’en perdre le goût.
Personne ne fait jamais rien de mal, la beauté du mal était précisément qu’il ne demande aucun effort. Il suffit de le regarder passer.
– Imagine ton œuvre terminée qui prend vie. Que va-t-elle faire ? Tu dois imaginée ce qui se passera dans la seconde qui suit le moment que tu figes, et le suggérer. Une sculpture est une annonciation.
J’ai grandi dans un monde où l’on grogne beaucoup. Parler était au mieux un luxe, le plus souvent une frivolité,
Un petit mensonge qui faisait plaisir n’en était pas un, selon moi.
Ici en bref




Du côté des critiques
Le Monde –
Du côté des blogs
AlexMotsàMots – EmOtions – The cannibal lecteur – Au fil des livres – La bibliothèque Roz – D’autres vies que la mienne – Aude Bouquine – Pamolico –
Questions pratiques

Jean-Baptiste Andrea – Veiller sur elle
X : @ Instagram : @
Éditeur : L’iconoclaste
X : @Ed_Iconoclaste Instagram : @ed_iconoclaste
Parution : 17 août 2023
EAN : 9782378803759
Lecture : Octobre 2023
Mais ça fait du bien de lire de belles histoires de temps en temps !!!
As-tu lu du même auteur ” Des diables et des saints” ?
Pour moi, une belle histoire c’est celle où je peux rire et pleurer dans le même ouvrage! Là, je n’ai pas pleuré, dommage ! Non, je n’ai pas lu son avant dernier, mais apparemment, côté émotions, c’était plutôt l’inverse que Veiller sur elle ! 🙂
[…] 1. Jean-Baptiste Andrea – Veiller sur elle […]
Bonjour Matatoune. Je ne sais pas si le lirai mais ta chronique m’aura éclairée. Bon dimanche
Il est à lire non seulemrnt car forcément dans tous les clubs de lecture, il sera à découvrir pour échanger mais aussi pour se faire sa propre idée. Il est souvent comparer à Pierre Le maître, seulement chez cet écrivain la critique sociale me semble servir de moteur au romanesque. Ici, cela m’a bcp manqué !
Bonne journée 😉
Grand roman, très élégant, très bien construit. Oui, peut être un peu trop lisse, un peu trop consensuel, mais bon.
C’est bien que le Goncourt récompense un roman grand public, un roman populaire au bon sens du terme, et pas un roman intello que personne ne peut lire à part les membres du jury.
(J’avais lu Cent millions d’années et un jour, du même auteur, roman un peu contemplatif qui comporte de belles descriptions de la montagne. Je le conseille, c’est magnifique)
Pour ma part, un.peu déçue ! Mais, c’est vrai pas de soucis pour Noël ! Cadeau idéal ! Merci pour votre venue ici .Bonne continuation 😉
Son personnage de Mimo qui ne fait qui picoler et aller et venir de son village à la Grande Ville, a fini par me lasser.
C’est vrai, j’avais oublié ces détails! C’est peut-être du pur roman, mais moi aussi, je m’y suis ennuyée ! 😉
Bonsoir,
J’ai aimé ce livre malgré ces quelques défauts que tu évoques. J’ai aimé l’esthétique et les errances des personnages, j’ai aimé me laisser emporter dans ce double jeu sur ce « elle » de chair ou de pierre qui trouble tant les hommes.
Je n’ai pas lu les autres romans en dernière sélection du Goncourt, donc je n’ai pas d’avis, nous verrons bien !
Anne
Oui, je crois que je ne me suis pas laissé aller! Mais, j’ai eu bien d’autres plaisirs de lecture en cette rentrée littéraire, alors
Je pense que cela peut-être soit Reinhardt soit Koenig …. À suivre 🙂
Toujours pareil, quand un livre est encensé, j ai du mal à m y retrouver. On s attend…à plus et l on est déçu. Je le lirais sans doute à l occasion mais sans en attendre grand chose. On verra.
Moi aussi, j’ai eu un présupposé négatif et le roman n’a pas réussi à me le faire oublier ! Mais sûr, il recevra d’autres prix ! A voir !
Si il n’y a que le beau ce n’est plus la vie, c’est juste du rêve….Bisous bon mercredi
Oui😄 je le pense aussi ! Bonne continuation !
Un livre sans aucune émotion négative… Je ne crois pas que ça me plairait ! Mais votre chronique a piqué ma curiosité. Bonne journée à vous !
En tout cas, c’est mon ressenti ! Il m’a manqué ce petit quelque chose qui fait une grande œuvre, même si c’est une belle fresque romanesque !