RENTREE LITTERAIRE 2023
Guy Boley, en associant Elisabeth à la biographie de son frère, Fredrich Nietzche, dresse dans A ma sœur et unique un portrait de femme terriblement démoniaque.
Elisabeth est une femme vénale, méchante, menteuse, bigote et raciste, incapable de tendresse, ni même d’une simple humanité. Son seul but semble de tenir sa place dans la “bonne société”, s’enrichir pour mieux en imposer et, en plus, récolter la compassion de tous. Prête à tout, et même à trahir les écrits de son frère et à le transformer en antisémite et fasciste, elle en fait un penseur adulé du Troisième Reich.
Brins d’histoire
En dix parties, Guy Boley tente de rétablir la vérité en racontant, comme un conte, l’histoire de ce génie si précoce, philosophe, penseur et musicien à la fois, souffrant notamment de douleurs ophtalmiques. Vient renforcer ce récit, la présentation de sa relation avec sa sœur, cadette de deux ans, prête lors de sa jeunesse à aliéner son destin à celui de son frère pour prendre soin de lui.
Avec l’amitié pour le musicien Wagner, avant que Louis II de Bavière ne le prenne sous son aile, Guy Boley transforme son joli conte en tragédie. En effet, Frédéric est décrit se réfugiant de plus en plus dans la solitude et Elisabeth commençant à apprécier les avantages de la haute bourgeoisie.
Lorsque Fredrich décide de ne plus faire semblant, alors la rupture s’annonce ! Non seulement, il ne devient pas pasteur comme toute son ascendance. Mais le penseur déclare qu’il n’accompagnera plus sa mère, ni sa sœur, le dimanche, au service. Et, même, il écrit dans un de ses livres, “Dieu est mort” !
Et ainsi de suite, jusqu’à l’effondrement psychique de Frédérich. Alors, la petite princesse se transforme en véritable sorcière !
Relation étrange
Car, tout au long de ce récit romancé, des situations de plus en plus démoniaques se présentent. Ils révèlent la personnalité d’Elisabeth, certes peut-être bête comme le disait son frère, mais avant tout cruelle et corruptible. Et, l’écœurement devant tant de duplicité n’est jamais loin !
En écrivant chaque jour à sa mère, aussi régulièrement à sa sœur, et aussi à ses amis, Nietzche laisse une documentation énorme qui vient d’être complètement publiée. Guy Boley s’en est largement inspiré.
Le style de Guy Boley regorge de mots, de phrases longues qui débordent quelques fois, un peu trop, comme de trop, par trop de précisions. Les virgules s’ajoutent pour que les adjectifs ou les verbes précisent une nuance. L’enthousiasme de l’écrivain afflue de toutes parts.
En conclusion
Celle que Nietzche appela Lama, fut sa nurse, sa béquille qu’il qualifia pourtant de “Stupide dinde, vindicative et antisémite”. De plus, lorsqu’il s’est complètement fermé au monde, elle devient celle qui saura utiliser ses écrits comme une corne d’abondance.
Ce portrait de Guy Boley est particulièrement réussi pour éclairer sa biographie et déconstruire la mauvaise réputation qu’on attribue à l’homme, penseur reconnu par tous ! À ma sœur et unique, à découvrir !
Remerciements
À @editionsgrasset et @NetGalleyFrance pour #Amasoeuretunique de #GuyBoley
Puis quelques extraits
Le deuil vous fait grandir.
On parlera plus tard, dans certaines biographies, d’un inceste latent..C’est toujours chose possible : en un éclair malgré l’interdit, la morale et la crainte de l’enfer, des chairs enfiévrées peuvent s’ensauvager. Ici, ça ne semble guère acquis. Figés au creux du même lit, sagement assis, ils ne sont que fontaines d’innocence pleurant la mort du père, la mort du petit frère, donc celle de leur enfance.
C’est pourquoi, depuis la mort du père, malgré leurs divergences, elles l’ont toutes lustré, poli, nourri et satiné avec leur baume unique : le grand amour de Dieu.
Soudain tout s’est brouillé. Tout est devenu confus. Des maux violents ont martelé son crâne de leurs sabots de feu. Impossible de lire, encore moins de penser : le simple fait de vivre devient une corvée.
Et les femmes apprenant que leur enfant choyé est devenu renégat, apostat, petit penseur prétendant penser plus haut que le Créateur, se mettent aussitôt à pleurer presque en araméen, se prosternent au sol en se battant la coulpe, se ceignent les reins d’un cilice abrasif, lui rappellent qu’elles donnèrent le meilleur de leur maigre savoir et de leur pauvre science pour qu’il s’épanouisse autant dans les études que dans l’amour de Dieu.
Et encore,
C’est une journée oiseuse, d’une monotonie qui prête à somnoler. Même penser semble vain.
La haine du juif, chez le couple Wagner, est un poison tranquille Ils sauront l’infuser avec beaucoup d’aisance et très grande élégance autant à leurs amis qu’aux membres de leur famille.
Plic, plac, ploc, par petits bonds, petits rebonds, tous ces cailloux lancés d’un peu partout conduiront sans entrave, dans une Europe quasiment insensible aux sillons des étangs, à l’extermination d’un peuple tout entier.
Sous les clameurs admiratives des badauds, l’omnibus à présent frôle bâtiment impérial et massif ou, dans moins de 300 ans, on se partagera l’Afrique entre pays d’Europe comme on coupe une galette les jours d’épiphanie. Miracle du pouvoir : quelle que soit sa part, chacun aura sa fève est la couronne qui va avec. On gravera sur elle : Conférence de Berlin, 1885.
L’affaire Kantorowitz devient une affaire d’Etat, immense, gigantesque, monstrueuse. Une rampe de lancement qui, par son intensité – on l’éclaire à jamais assez – , présage et prépare d’autres rampes, celles dites de sélection que l’on verra surgir soixante années plus tard, juste à l’entrée des camps de la mort.
Tout cela est d’un triste à faire pleurer les ruines.
Ici en bref

Incipit

Un extrait

Puis le dernier !
Questions pratiques
Guy Boley – A ma sœur et unique
Twitter – Instagram
Éditeur : Grasset
Twitter : @editionsgrasset Instagram : @editionsgrasset
Parution : 23 août 2023
EAN : 9782246835332
Lecture : Juillet 2023
Bonjour Matatoune. Cette soeur semble vraiment démoniaque. Je le lirai peut-être.
Ah, oui, on peut penser qu’on est trahi par les siens, mais là, ce n’est pas qu’une trahison puisqu’elle a profité de l’effondrement psychique de son frère pour changer ses écrits, les vendre et en faire des slogans appréciés des nazis …difficile de trouver sympathie à ce portrait, mais quelle démonstration ! Bonne journée 😉
Tu as éveillé ma curiosité.
Ah, il faut aimer les envoyées de Guy Boley. Alors, sa biographie romancée captive tant son portrait d’Elisabeth est démoniaque ! A découvrir pour en finir avec cette réputation désastreuse qu’elle a patiemment construite après l’effondrement psychique de son frère !
Tu me donnes grande envie de lire ce livre, je vais voir s il est toujours disponible. Bonne semaine
Oui, c’est un portrait de femme terriblement réussi! Mais, le style de Guy Boley est particulier ! En tout cas, un roman qui m’à bcp étonnée ! Bonne continuation
Il y a toujours de la jalousie entre frères et sœurs, et parfois certains dérapent jusqu’à l’impensable ! On est toujours mieux trahis par les siens…
Oui, certes, mais là, c’est bcp quand-même ! Imaginer qu’elle faisait payer les visites pour son frère à l’asile où il était enfermé lors de son effondrement psychique me revolte énormément !
Bête disait son frère, c’est plus ! 😉
Les sœurs (ou frères) essaient souvent de dénaturer les œuvres de leur génial frère ou sœur ! C’est comme la sœur de Rimbaud, Isabelle, ou Paul Claudel avec Camille… On n’est jamais trahi que par les siens, comme on dit ! Merci de cette présentation et bonne journée
Oui, mais Elisabeth, selon Guy Boley, c’est très, très au-dessus , jusqu’à parait-il découper les phrases de son frère pour qu’elles plaisent plus aux nazis, lors de son effondrement psychique! Un portrait tellement démoniaque, que vraiment on en est dégoûté !