RENTRÉE LITTÉRAIRE 2022
Les enfants endormis
Prix Wepler-Fondation La Poste 2022
Prix Première 2023
Un jeune homme, Anthony Passeron, donne une vie de papier à son oncle Désiré dans ce magnifique roman Les enfants endormis. Avec un portrait tendre et exigeant, il rend hommage aussi à sa grand-mère, Louise, qui, toute sa vie, a lutté pour s’élever au-dessus de sa condition et a soutenu son aîné, sans faille, contre une pandémie qui a fait plus de quarante mille décès en France depuis les années 80.
Brins d’histoire
Au moment où le monde se confine, Anthony Passeron ressort d’une boîte à chaussures quelques photos jaunies, quelques films super 8 pour retrouver l’essence de l’époque qui avait entouré toute la jeunesse de Désiré, son oncle, et de son père. Il pose des mots sur un secret que sa grand-mère a toujours caché : Que désiré était l’un des enfants endormis !
Anthony Passeron raconte la descente aux enfers de son oncle, à partir de son voyage à Amsterdam. Ce fils aîné était promu à reprendre la boucherie familiale dans l’arrière-pays niçois. Celle-ci construire avec l’abnégation de Louise et son mari qui, après la guerre, avait essayé de mettre en vie ce petit coin de paradis sans compter les heures travaillées.
Car, tenir un commerce, c’est plus qu’ailleurs, être sensible à l’ambiance, aux rumeurs de la communauté qui vous fait vivre, et vivre bien, même.
Alors,
Qu’est-ce qui a fait dérailler ce bel espoir ? Anthony Passeron ne donne pas de raison mais décrit l’ambiance du village où tout le monde se regarde, la découverte de la ville au cours des années- lycée, sa folle insouciance, les aînés qui peuvent raconter leur Mai 68. Cette génération si particulière s’éprend très vite d’envies d’espace, d’absolu, en bref, d’ailleurs.
Amsterdam avait des allures de paradis, tout le monde se parlait, échangeait dans une ambiance super cool. En fait, Amsterdam était une ville de perdition et nous ne le savions pas ! Désiré ne s’est pas réveillé de cette belle illusion. A son retour, il a trouvé dans ses réseaux de quoi continuait la fête et même l’intensifier.
La suite, Anthony Passeron la raconte dans le secret de la famille qui essuie sa honte à coup de non dits : son père étouffé par sa colère, son grand-père prenant la tangente à bord de sa camionnette pour ses livraisons, les larcins qui deviennent de plus en plus voyants et les colères de Louise qui sera, malgré tout, toujours du côté du déni pour mieux protéger celui en qui elle portait tous ses espoirs .
Déjà l’histoire familiale suffirait à constituer un roman réussi. Seulement, Anthony Passeron ne s’en est pas contenté. Il alterne chaque chapitre court par celui concernant l’histoire de la pandémie du Sida.
Et, ce retour sur la découverte de la maladie, fouillée et documentée, et sur les recherches pour l’identifier et soulager les malades permet d’appréhender le vécu de cette fin du XXè siècle.
Certes, le sida fut longtemps ressenti comme la maladie de la honte ! Comment croire qu’un virus puisse décimer la jeunesse ? Dans les croyances, cette maladie était réservée aux marges et aux déclassés. C’était rassurant avec le retour du puritanisme ambiant. Néanmoins, petit à petit, Antony Passeron le démontre, beaucoup se sont mis à tomber comme des mouches.
Mais, en décortiquant les tâtonnements des scientifiques et médecins, c’est dans la richesse de l’intelligence que Antony Passeron choisit de plonger ses lecteurs.
Pour conclure,
Le roman Les enfants endormis se lit comme la reconstruction de l’univers de l’arrière-pays Niçois au prise avec les addictions, le silence et le quand-dira-t-on. La maîtrise littéraire est au rendez-vous dans ce récit très personnel aux accents universels.
De ces deux récits qui s’entremêlent, l’un factuel, documenté et précis et l’autre suggéré par quelques films super 8 et des photos, Antony Passeron convoque les ressentis de sa famille frappée de plein fouet par la pandémie du Sida, celle qui couche Les enfants endormis dans l’oubli et le non-dit. De l’histoire d’un oncle à l’histoire du traitement de la maladie, Anthony Passeron éclaire superbement la sociologie de cette pandémie.
Puis quelques extraits
On n’est pas censé assister à la mort de ce qu’on voit naître.
L’héroïne leur avait tout volé, l’appétit, le sommeil, les étreintes. Elle les avait renvoyés chacun vers un plaisir intérieur, inaccessible. La vie n’était plus qu’une course vaine, perpétuelle, contre les effets du manque, une course perdue d’avance.
La situation exigeait d’espérer dans un univers sans espoir, de prévoir dans un monde sans avenir, de se battre dans un monde sans victoire. C’était à cela qu’on était désormais condamné : agir en vain.
Le SIDA en avait fini avec nous. Il s’en était allé saccager d’autres corps, gâcher d’autres rêves de vie simple. Il ne laissait derrière lui que les survivants d’une famille sonnée, s’échangeant des comprimés incapables de les endormir pour oublier, quelques heures, des souvenirs qu’ils les hanteraient pour toujours.
Le virus la ramenait à tout ce qu’elle avait taché de s’extraire. Il était parvenu à contrarier la trajectoire qu’elle s’était efforcée de suivre depuis l’Italie. Un micro-organisme, surgit d’où on ne sait où, réussissez à enrayer une longue histoire d’ascension sociale, une lutte pour devenir quelqu’un de respecté. Il suscitait des sentiments de honte, d’exclusion et d’humiliation qu’elle s’était jurée, il y a longtemps, de ne plus jamais revivre.
Et encore,
A tout juste vingt ans, il franchissant pour la première fois les limites de l’enclos dans lequel son existence était emprisonnée. Tandis que le train filait dans la nuit, il se sentait de plus en plus libre.
Cet argent, c’était sa dévotion, l’amour qu’un fils portait à son père et à sa mère.
La viande avait tout donné à la famille, on ne devait pas lui être infidèle.
La direction de Claude Bernard, gêné par l’apparition d’une population homosexuelle que l’infectiologue attire dans ses consultations, lui signifie que, s’il choisit de continuer à travailler sur ce syndrome, il devra trouver un autre hôpital où exercer.
Ici en bref



Du côté des critiques
Télérama –
Du côté des blogs
AlexMotsàMots – Méditation Contes -LITTELECTURE BLOG – One more cup of coffre – Tu L’As lu ?? –
Questions pratiques
Anthony Passeron – Les enfants endormis
Éditeur : Éditions Globe
Twitter : @EditionsGlobe Instagram : @editions_globe
Parution : 19 août 2022
EAN : 9791022612142
Lecture : Août 2022
Bonsoir Matatoune. Je note ce titre. Ce roman devrait me plaire. Bonne soirée
Oui il est très bien écrit, tu verras 🙂
[…] en parlent également : Matatoune, Kitty, Baz’Art, Domi, Rose, Patricia, Lili, Sebastolivre, One more cup of coffee, Dealer de […]
je viens juste d’écrire ma chronique de ce roman que j’ai moi aussi beaucoup aimé, et après avoir écouté l’auteur dans une librairie près de chez moi. à conseiller et à faire lire. parce que les jeunes en particulier ne sont plus assez attentifs et que la maladie est toujours là.
Oui c’est un récit important qu’il faut faire découvrir !
Merci pour cette excellente présentation…Bisous doux weekend
Bon week-end à toi aussi 🙂
On ne parle presque plus du Sida dans les médias et c’est bien de rappeler que cette maladie existe encore. J’aime bien les extraits, aussi ! Bonne journée !
Non, c’est vrai. C’est un très intéressant récit qui mérite sa découverte. Bon week-end 🙂
Un récit magnifique, à la fois très intime et mondialisé sur cette précédente pandémie.
Oui parfaitement réussi 🙂
Je me souviens d’André Passeron, journaliste du “Monde” (à l’époque de “HBM”) : y-a-t-il un lien de parenté avec l’auteur ?
Il ne semble pas qu’il soit parent …Mais, il faudrait continuer l’enquête 🙂
C’est important de témoigner de cette époque et de ses non dits. Ce livre devrait me plaire, je le note. Bonne journée
Ce récit est émouvant et édifiant à la fois sur se passé si proche et pourtant méconnu. Bonne soirée !