Prix Anaïs Nin 2020
Le monologue d’une femme de cinquante-trois ans, séparée de son mari et mère de deux fils, sur sa vie, son travail et les exploitations qu’elle subit sans broncher jusqu’au jour où ça déborde, où la violence libère. C’est la voix intérieure donnée par Nina Bouraoui dans ” Otages “ à Sylvie Meyer, femme, mère et salariée discrète, effacée et sur qui on peut toujours compter…
Au fil de la lecture, les mots de Nina Bouraoui montent, étouffent et glacent à la fois. Comme un double qui regarderait son jumeau, Sylvie Meyer parle de toutes les femmes, ses sœurs d’infortune qui à un moment ou un autre se reconnaissent dans les attitudes, les réactions, les émotions de son personnage de fiction.
Le ton est sec et le style parfaitement dépouillé. La voix est lancinante lorsqu’elle décrit toutes les peurs des femmes, les larmes qu’il faut cacher pour continuer à avancer. Elle devient obsédante lorsqu’elle décrit la solitude. Elle est la colère lorsqu’elle décrit toutes les violences et jamais exprimées : les violences intimes, les violences sociales, publiques et privées, et celles du monde du travail. Peut-être qu’à trop vouloir être exhaustive, cela devient trop …trop difficile, trop réaliste …
Roman écrit à partir d’une pièce de théâtre jouée en 2015 et reprise plusieurs fois puis laissée dans un tiroir puis ressortie pour paraitre lors de cette rentrée littéraire 2020.
Sylvie Meyer est otage de son mari, otage de son employeur et otage de la société et lorsque sa violence s’exerce, elle conquiert sa liberté. Saisissant, dérangeant et étouffant. En tout cas, “Otages” a le mérite de donner corps à la violence libératrice, lorsque rien d’autre n’a pu être dit et surtout entendu !
C’est normal pour nous de souffrir. C’est dans notre histoire ; notre histoire de femmes. Et ça restera longtemps ainsi. Je ne dis pas que c’est bien mais je ne dis pas que c’est mal non plus. C’est aussi un avantage : pas le temps de se répandre. Et quand on n’a pas le temps, on passe à autre chose. Vite fait bien fait :on n’ennuie personne.
Le langage n’est rien quant on ne veut pas comprendre. Les mots deviennent aussi légers que des bulles de savon qui s’envolent puis éclatent.
Cela peut paraître fou, mais ôter la liberté à quelqu’un a affirmé ma propre liberté.
Il y a deux sortes d’individus. Ceux qui gagnent et ceux qui perdent. J’ai parfois cru gagné pour endormir ma conscience mais j’ai perdu beaucoup et le peu qu’il me restait, et je l’ai détruit.
L’histoire d’un type derrière son bureau qui est au-dessus des hommes et des femmes, il se permet de les piétiner, de jouer avec leurs nerfs, de les humilier même, oui, car c’est toujours de l’humiliation de douter du travail des autres et pire c’est une mise en péril en fait, le doute c’est un petit coup de canif à chaque fois, et au bout de cent petits coups de canif, c’est simple, on crève.
C’est aussi pour cette raison, qu’avec le temps, nous sommes plus fortes, les coups rendent la peau dure.
Otages – Nina Bouraoui
Éditeur : J.C Lattès
Parution : 2 janvier 2020
ISBN : 270965055X
Lecture : Mi-janvier 2020
Je vais le lire.. Merci Mata 🙂
Très beau retour, une de mes lectrices a eu à peu près les même mots pour nous présenter cette lecture lors de notre Kawa littéraire. Du coup voilà que je suis encore plus intriguée.
C’est un personnage qui reste longtemps dans la tête tant Nina Bouraoui sait trouver les mots 😉
Très belle chronique pour un livre délicat. J’ai lu le précédent de l’auteure et j’avais aimé la sérénité qui s’en dégageait!
Celui-ci n’est pas serein. Il est glaçant de clairvoyance et implacable devant l’évidence de la violence qui ne peut que s’exprimer. Du coup, elle arrive comme une déflagration attendue. Mais en disant si peu sur le passage à l’acte, elle se concentre sur la libération que ressent son personnage… Vraiment, un roman à découvrir ! 😉
Une histoire avec des aspérités. Je suis intrigué. Tu en parles avec talent !
Merci Matatoune 🙂
C’est un très beau livre sur les violences sociales et économiques subies par les femmes, mais aussi acceptées par elles, comme si c’était inscrit à jamais dans leur être. …Très bonne soirée !
je l’ai noté aussi j’attends qu’il soit disponible à la BM 🙂
Comme je l’ai dit plus haut, cela ne serait tardé ! Bonne soirée
Hier à la bibliothèque j’ai vu qu’il arrivait bientôt sur les étagères …. Très heureuse car je voulais le lire 🙂
Alors, bonne lecture et j’ aurais plaisir à lire ton avis. 😉
Merci pour cette découverte. Un livre qui semble plutôt rude.
Bonne journée
Oui, mais le style de Nina Bouraoui est vraiment simple et ça se lit facilement. Bonne journée à toi aussi