Alice Casado – Sois la bienvenue

vagabondageautourdesoi.comLa plongée dans le passé de Marie-Louise Begue dite Malou est présentée par Alice Casado dans son récit Sois la bienvenue. Seulement, celui-ci n’est pas ordinaire puisque cette jeune fille confiée à l’Assistance Publique dès l’âge de 5 ans va associer brièvement son parcours à celui du poète René Char.

Marcelle Reine Begue, matricule 505 née le 21 mai 1933 à la Maison des Mères d’Avignon, fille de Malou né de père inconnu va remonter sa filiation avec l’aide de sa petite-fille, la narratrice.  Un test ADN vient confirmer ce que la rumeur familiale évoquait : René Char est le père de Marcelle.

Alice Casado associe ses études à son enquête et remonte les fils de son histoire familiale à partir de recherches et courriers divers. Elle détaille ce qu’était la réalité crue des enfants confiés à l’Assistance publique au début du XXè siècle.

L’absence d’éducation dans les relations de Malou et son Inspecteur montre un pouvoir paternaliste où les enfants assistés ont a-priori tous les tords. Les enfants sont maltraités par la brutalité des rouages administratifs mais aussi par les relations avec les familles sans qu’un véritable contrôle s’établisse. De plus, dans leur treizième année, l’enfant devient corvéable à merci jusqu’à sa majorité.

Le fils de la famille qui accueille Malou et l’emploie sans rémunération vient passer ses vacances.  Complétement inexpérimentée et en demande affective énorme, elle se laisse convaincre… Mais, Marie-Emile Char veille à la réputation de son fils.

Trois destins de femme liés à un homme devenu célèbre qui essayera des années plus tard de rattraper, un peu, le temps perdu et lui déclarera lors de leur première rencontre « Sois la bienvenue« .

Évidemment, ce récit éclaire aussi les paroles du poète en racontant son parcours, ses engagements et ses choix. Néanmoins, j’avoue qu’il me faudra du temps pour, de nouveau gouter, la beauté de ses poèmes !

Alice Casado sait à travers ce récit très personnel rendre compte de la relation terriblement privilégiée qu’elle entretient avec sa grand-mère. Son récit est sensible et documentée à la fois. Aucun pathos n’est réclamé ici. Ce sont des faits qui sont exposés. Aucune colère ou revendication habite ces trois femmes. Il s’agit comme la narratrice le dit si justement de « mettre des mots sur les maux » !

Voulant donner toute la lumière sur la naissance de son aïeule et effacer la blessure de naître de père inconnu, Alice Casado propose avec Sois la bienvenue le récit réussi de cette recherche, avec ces moments de découragement mais aussi ces grandes joies. Pour moi, un bon moment de lecture !

Remerciements à @NetgalleyFrance et @EditionsStock #SoisLa Bienvenue de #AliceCasado

Puis quelques extraits

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Ce père qu’elle ne pouvait s’empêcher de défendre bien qu’il n’ait pas eu le courage de le reconnaître de son vivant.

Ils ne comprenaient pas. Ce n’est pas pour lui qu’on devait se battre. Mais pour elle.

Privée d’enfance. Humiliée, exploitée et méprisée. Stigmatisée par une société qui considérait les enfants de l’assistance comme des parias, des moins que rien. À la misère affective s’ajoutait, en grandissant, la misère sociale, sans savoir laquelle de l’une ou de l’autre lui laisserait le plus grand traumatisme.

Elle me parlait de ce père tant admiré, ce père mort sans l’avoir reconnue.

Ces soupçons et ces menaces à demi-mot contenaient tous les préjugés de cet ordre patriarcal auquel les jeunes filles et les servantes de l’Assistance étaient soumises. Leurs témoignages dans le cas d’éventuels abus sexuels n’avaient d’ailleurs aucune crédibilité, tant elles étaient vues comme volages par nature.

Mais ce n’était pas de Malou qu’il parlait, parce que dans la vie des enfants assistés, il y avait rarement de jolis histoires.

Si d’avoir été abandonnée à la naissance constituait déjà un triste destin pour une enfant, Malou, encore mineure, était désormais fille-mère a 17 ans.

Plus je parvenais à l’appréhender, plus je l’admirais. La construction de mon argumentation reposait sur la légitimité de L’Isle-sur-la-Sorgue à revendiquer un lieu de mémoire en l’honneur du poète. Je disséquai donc les liens qui unissent Char au « pays ».

Que le poète, sans être « régionaliste », revendiquait une forme d’appartenance, et convoquait ce que certains ont nommé  » l’imaginaire du racinement .

Puis d’autres encore

René Char le reconnaissait, ces bons maîtres de la Sorgue, Louis Cruel, Jean-Pancrace Bouvier l’Armurier, et tous les Transparents, par leur parole riche et imagée, lui avaient appris à voler, libre, au-dessus d’une langue raide et calcinée.La plupart d’entre eux comprenaient mieux que n’importe quel critique les vers du poète. Tout cela le rendait plus proche de moi, et de nous.

Tout cela faisait courir beaucoup de risques pour un homme qui n’avait pas eu, lui, le courage de reconnaître sa descendance.

 » …Je préférerais être sa fille légitime d’un charcutier ou du facteur plutôt que la fille naturelle d’un poète célèbre ».

Probablement influencée par l’année que je lui avais consacré pour mon mémoire, il me semblait y entendre le pays qui résonnait,  » la patrie de Char » ainsi que l’avait si bien nommée Albert Camus. La terre du Vaucluse, l’eau de la Sorgue, la rocaille du mont Ventoux, la beauté, la fraternité des hommes, tout paraissait transporté dans le flot de cette voix qui semblait, ce soir-là, s’adresser à ma grand-mère et moi.

Avait-elle un autre choix , dans ce temps pas si lointain, où la femme se libérait d’une tutelle pour mieux passer sous la domination d’une autre ?

Lui, qui était convaincu qu’un poète n’a pas d’enfant, ne semblait pas concevoir à quel point un enfant pouvait avoir besoin d’un père, poète ou non.

Quelle inconséquence que celle des hommes. Combien de vies touchées, de rêves brisés, de destins volés, non pas à cause de ce que l’on a fait, mais de ce que l’on n’a pas fait ?

Elle me parlait de ce père tant admiré, ce père mort sans l’avoir reconnue.

Probablement influencée par l’année que je lui avais consacré pour mon mémoire, il me semblait y entendre le pays qui résonnait,  » la patrie de Char » ainsi que l’avait si bien nommée Albert Camus. La terre du Vaucluse, l’eau de la Sorgue, la rocaille du mont Ventoux, la beauté, la fraternité des hommes, tout paraissait transporté dans le flot de cette voix qui semblait, ce soir-là, s’adresser à ma grand-mère et moi.

Privée d’enfance. Humiliée, exploitée et méprisée. Stigmatisée par une société qui considérait les enfants de l’assistance comme des parias, des moins que rien. À la misère affective s’ajoutait, en grandissant, la misère sociale, sans savoir laquelle de l’une ou de l’autre lui laisserait le plus grand traumatisme.

C’était donc à moi que revenait la tâche ardue de réconcilier le passé. Mon but n’avait pas été d’écrire sur la lâcheté des uns, et la grandeur des autres, mais sur tout ce qu’un être peut contenir de failles, d’admirable, sur le courage qui nous dépasse, sur la fierté qui nous emporte, sur ce qui unit les hommes et les générations les unes aux autres, parfois dans la négation, parfois dans un amour qui brûle ou qui consume.

Ici en bref

D'habitude, je ne partage pas mes lectures lorsqu'elles ne m'ont pas plue ! Mais, là, c'est le livre qui se vend à plus

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Un extrait
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Puis un autre
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Puis, le dernier

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Alice Casado – Sois la bienvenue

Éditeur : Stock

Twitter : @EditionsStock   Instagram : editionsstock

Parution : 5 avril 2021

EAN : 9782931080122

Lecture : Mai 2021

Littérature contemporaine 

Chroniques littéraires

6 commentaires

  1. Bonjour Matatoune. La vie autrefois était très dure. Ma mère et ses soeurs et frères (ils étaient 8) ont tous été placés à 14 ans. Ma mère était bonne pour une famille heureusement sympa. Bonne journée

    • Oui comme l’héroïne de ce récit! Je trouve qu’elle donne bcp d’épaisseur à ce passé avec des documents et des courriers qui sont évidemment très émouvants. Bon week-end

  2. Beaucoup d’enfants abandonnés ont vécu des drames dans le passé, cette histoire doit être bien triste et révoltante.Bon am

    • Oui et c’est parfaitement décrit à partir de documents sourcés ! D’où l’intérêt de ce récit !

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