Diaty Diallo – Deux secondes …

d’air qui brûle

Rentrée littéraire 2022

vagabondageautourdesoi.com - Diaty Diallo - Juste deux secondes et la vie bascule, comme le rappelle Diaty Diallo dans son premier roman écrit comme un cri de protestation, avec à l’arrière plan le son d’un rap strident, pour dénoncer les violences policières où la jeunesse finit par inonder l’air qu’ils ont brûlé.

Car Diaty Diallo écrit la langue qui ne s’écrit pas. Celle de ces zones reléguées, abandonnées, plus pauvres que la pauvreté déclarée. Alors, après un énième contrôle d’identité de jeunes qu’ils connaissent pourtant par cœur, la police dérapage et la vie d’un jeune s’envole.

Qu’il s’appelle ici, Samy, ou alors Aboubakar ou Amada, leur vie les a quittés, alors que la police se devait de les protéger.

Alors Astor se met à raconter l’avant avec les fauteuils sur la pelouse décimée, les barbecues au coin de l’immeuble et surtout la bande de copains. Il y a Chérif, Isaa, Demba et Nil, et tant d’autres.

Ils partagent le quotidien et se connaissent depuis des lustres. Mais quand au cours d’un énième contrôle de police, la vie d’un plus jeune lui sera arrachée, alors, tout va s’embraser. Et cet incendie dans les corps et les têtes investit le quartier.

Difficile de qualifier cette écriture : la poésie est une constante et la musique accompagne, scandant les mots habituels mais ici écrits souvent sans fioritures mélangés au langage des quartiers. Elle accompagne les regards, les corps, les oublis aussi. De ceux duquel quelqu’un s’échappe aux autres pour mieux se découvrir.

Mais, Diaty Diallo partage les odeurs des plats des mères, leurs amours dans les casseroles, la fumette omniprésente et aussi l’alcool comme une normalité. Elle vante aussi ces pages comme de jeunes chevalier sur leurs destriers modernes flambant devant les potes mais aussi les plus vieux avec leurs motos, comme les fantassins du quartier.

Pas sûr que l’écriture reste sa seule expression !

Même si il y a quelques longueurs qui viennent ralentir ce rythme nerveux et sensible, Diaty Diallo invente un langage poétique pour faire entendre une colère qu’il n’est pas sûr qu’elle se soit assagie !

Puis quelques extraits

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Elles chantent en yaourt, dansent des pas d’afribeat en slow motion sur de la folk psychédélique. Debout, Marjan entame des mouvements souples et tape dans ses mains en fusion avec la musique, comme si plus personne n’était là.

Vérité, en vrai. Je m’en bats en vrai, dit Samy contrarié.

Eau glacée sur le fantasme.

Il n’entend rien mais sait- on sait quand on n’a pas vécu un jour l’un sans l’autre- ce qu’il dit : toi et Bak, vous bougez, vous rentrez à la maison. Samy dit viens on bouge.

Et puis il sait, croit savoir, que c’en est fini d’exister comme ils existent, Bak et lui, là tout de suite : devenus indésirables, à punir; infiniment de trop.

Les mêmes traits des premiers instants qui suivent la nuit ou le jour durant lequel commence le deuil. Une capacité élevée à rire nerveusement. Des globes épuisés et insondables. Une rationalité à toute épreuve. Le futur désormais jugé comme audacieux

Les premiers instants de la nuit et du jour durant lequel commence un deuil sont un secret qu’on découvre sans volonté, émergeant des entrailles du vivant. Et on apprend avec le temps, d’ailleurs, qu’ il ne faut rien creuser.

Une bataille à laquelle on n’a jamais pigé grand-chose. On savait qu’on perdrait quelqu’un, simplement on ne savait pas ni qui ni quand. On savais juste qu’il s’agirait de celui de trop.

Et encore,

Faut pas arracher les cheveux des noirs. Faut pas faire baisser les caleçons , faut nous croire quand on dit qu’est nous mêmes et par grand -chose d’autre de plus sur la carte d’identité. Faut pas plier, faut pas nous plier, faut pas pourchasser arrêtez de nous faire courir, faut pas nous rabaisser, nous violer. nous flinguer. Faut arrêter s’il vous plaît. On est blasés. C’est une manière d’exprimer la peur.

Ils ont 13, 15, 16 ans, ils sont des ouvriers de la débrouille comme seuls en produisent les quartiers pauvres.

Le lien social comme subterfuge, les institutions aimaient bien nous faire travailler gratuitement.

Et plus que le goût, je crois que c’est l’interminable attente qui donnait tout leur charme aux repas pour les occasions. Bonnes ou tristes.

Mais moi je pense qu’ils se sont d’abord connus dans une vie antérieure . Aux étrangetés compatibles, aux obsessions entrelacées. Aux amitiés fusionnelles.

Et encore, encore

Il y a quelque chose à calmer ce soir. Ensemble. Quelque chose de dur qu’il faut soulager à défaut de guérir. Ensemble.

Quand une personne est arrachée trop tôt à la vie, la souffrance déborde de son foyer pour attendre la rue. C’est une communauté qui a mal.

On veut contraindre nos corps à la disparition, nous les avons fait briller. La résistance est dans le mouvement. Notre terrain aujourd’hui est un carnaval.

Ici en bref

D'habitude, je ne partage pas mes lectures lorsqu'elles ne m'ont pas plue ! Mais, là, c'est le livre qui se vend à plus

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Diaty Diallo – Deux secondes d’air qui brûle

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Parution : 19 août 2022

EAN : 9782021507584

Lecture : Novembre 2022

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17 commentaires

  1. Ce livre est une immersion fort intéressante, poignante à certains moments, dans un univers généralement dépeint de façon négative.

    La lecture de ce roman invite à s’interroger, à réfléchir sans complaisance sur les conditions de vie dans ces cités.

    • Bon week-end ! Je ne reçois plus de tes nouvelles…Il faut que j’aille voir cela de plus près 🙂

  2. merci pour les extraits qui rendent bien compte de la musicalité de son style. a l’occasion, je le lirais mais pas ma priorité

  3. Moi, je n’ai pas du tout aimé le parti-pris de ce langage-cité employé par l’auteure qui sait pourtant très bien écrire quand elle veut. Ça m’a tellement agacé que je n’ai pas été émue par les personnages que j’ai vraiment trouvés trop clichés, sans profondeur. Il en faut pour tous les goûts et ce roman n’était pas pour moi.

    • Inversement, moi j’étais contente que cette langue des quartiers puisse entrer dans la littérature surtout avec autant de poésie, comme un texte de rap sans le rythme.

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