Christophe Ono-dit-Biot –

Trouver refuge

vagabondageautourdesoi.com - Christophe Ono-dit-Biot -Difficile de résumer mais aussi de donner envie de lire le dernier roman de Christophe Ono-dit-Biot, Trouver refuge, inclassable dans un seul genre, tellement foisonnant et décalé mais terriblement attachant !

Longtemps j’ai tourné autour de ce livre, acheté depuis longtemps l’ouvrant et le refermant, lisant de-ci delà des critiques pas toujours avantageuses, et puis, comme on saute dans le vide, je m’y suis noyée de plaisir.

Brins d’histoire

Mina est professeur à la Sorbonne et enseigne la Renaissance mais surtout Byzance avec liberté et évidement pertinence. Admirée de ses étudiants(es), elle distille sa culture au gré de ses cours historiques qu’elle choisit pour éveiller aussi les consciences.

Son mari, c’est Sacha, le narrateur, un homme la quarantaine installée dans son confort bien bourgeois. Pas assez d’argent pour vivre du salaire de sa femme, Il définit son travail ce touche à tout, comme un philosophe de plateau (de télévision) ou une sorte de « viagra dramaturgique pour scénariste en panne d’inspiration », sorte de caution culture et historique de séries addictives, ou plus simplement de « bouffon » sur les médias.

Tout irait pour le mieux, si on n’était pas vingt ans plus tard qu’aujourd’hui avec un autocrate élu à la tête de la France, un certain Papa, qui réduit de plus en plus les libertés individuelles pour, dit sa communication, le bien de tous !

Leur couple, malgré la présence d’une petite Irène, sept ans, se délite quelque peu. Sacha a perdu la fougue des premières années de leur rencontre, du moins c’est ce que pense Mina. Sacha est tellement installé dans sa vie qu’il demande, un matin, à sa femme si l’éducation de leur fille à l’éveil et la curiosité est ce que l’époque réclame, elle qui  veut plus d’acceptation plutôt que de rébellion !

Mina entre dans une colère froide pour rappeler à son mari leurs idéaux et valeurs partagés. Du coup, las de sa place de chantre du politiquement correct, lors d’une énième émission télé, Sacha laisse sous-entendre que Papa n’est peut-être pas celui qu’il prétend être …

Non seulement, il perd aussitôt son boulot, mais par cette phrase inconsidérée qui fait le buzz sur tous les médias et réseaux sociaux, il met aussi en danger sa famille. Lorsque la menace se précise, il décide de Trouver refuge, là où dans sa jeunesse, il avait trouvé la paix, sur le Mont Athos…

Roman protéiforme

Trouver refuge flirte avec différents genres littéraires. Avant tout, ce roman regorge d’une foule de détails culturels que Christophe Ono-dit-Biot distille au fil de ses pages tout simplement sans pédantisme.

J’ai pris conscience que Monet avait peint les Nymphéas en quelque sorte pour oublier la tragédie d’une jeunesse décimée et blessée par la première guerre mondiale. Mais aussi que Guernica était une respiration de liberté dans un univers qui se rétrécissait de plus en plus.

Qu’avoir les dents, comme on disait chez moi, du bonheur pour un futur soldat permettait, lors des guerres napoléoniennes, d’être réformé car on lui demandait de pouvoir déchirer les cartouches avec elles. Que le christianisme sanctifie les victimes et pourquoi le poisson est si important pour les chrétiens. Et, tant d’autres choses …

Mais, en nous projetant ainsi vers 2040/2050, Christophe Ono-dit-Biot nous plonge dans un monde autocratique dérivant sévèrement vers le fascisme. Rejetant la faute sur les extrémistes de gauche, il dédouane cette droite qu’il représente, lettrée, sociale au libéralisme modérée, de sa responsabilité à ouvrir un boulevard à l’extrémiste fascisme.

Néanmoins, Christophe Ono-dit-Biot identifie que l’argument en cours depuis plusieurs années du « c’est pour votre bien » est une auto-contrainte puissante et infantilisante. Nombreux sont les exemples que nous vivons au quotidien, repoussant toujours un peu plus la liberté individuelle de chacun.

La paix recherchée

Ce roman est aussi une formidable ode au couple, et bien sûr, à la transmission d’un père à sa fille. Christophe Ono-dit-Biot élargie cette notion à celle du professeur à son élève, des livres à leurs lecteurs, etc. Mais, aussi, il affirme que la réciprocité est tout aussi importante. Ce père exprime son amour éperdu pour sa fille en lui ouvrant le monde et elle lui partage à son tour sa propre reconstruction qu’elle a créé à partir de son enseignement.

Reste la beauté que Christophe Ono-dit-Biot choisit de nous conter : le Mont Athos alliant le dépouillement à une luxuriante nature, la tranquillité des pierres byzantines nourries de soleil, le jusd e citrons cueillis sur l’arbre dont l’aigreur désaltère, la mer comme un être aimé qu’il faut célébrer avant de s’y couler…

Cette beauté décrite ici comme une métaphore du paradis terrestre que Sacha ne cesse de poursuivre. Un havre de paix où la prière du cœur des moines permet de s’y plonger.

Christophe Ono-dit-Biot nous balade autour de cette chimère, car même les moines le cherchent encore…Est-ce parce-que les femmes y sont absentes ? Peut-être bien,car on y tolère juste une petite fille à condition qu’elle s’affirme garçon …

Un thriller comme un autre

Car Trouver refuge se dévore comme un vrai polar. Jusqu’à la fin, le suspens est intact pour savoir si Mina, Sacha et la petite Irène arriveront à échapper aux griffes du minotaure français ! De rebondissements en éléments nouveaux, Christophe Ono-dit-Biot  sait tenir en haleine son lecteur, le coinçant pour mieux l’embarquer dans son aventure. Mais, là je ne peux rien dire de plus !

Pour conclure,

De ce roman Trouver refuge qui emprunte plusieurs genres, de la critique politico-sociale au roman choral, en passant par le récit d’initiation et d’aventure, sans oublier le thriller, Christophe Ono-dit-Biot  en fait un objet littéraire atypique, addictif et terriblement plaisant; Une belle réussite !

Puis quelques extraits

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On croit les choses impossibles jusqu’à ce qu’elles se produisent.

Ainsi se voyaient les moines : des anges, c’est-à-dire des êtres sans désir, ayant renoncé à leurs corps et à leurs pulsions, uniquement tournées vers la lumière de Dieu comme les héliotropes vers le soleil.

Le danger se dompte comme la peur.

L’offense : c’était le mot à la mode. Il était apparu dans le paysage sous l’action des minorités qui s’en servaient pour dénoncer les attaques qu’elles subissaient de la part de la majorité, et avait été récupéré par la majorité qui se sentait elle aussi défiée dans son mode de vie et de pensée. Le retour de balancier avait été violent.

Guernica nous rappelle que dans le chaos il reste toujours quelqu’un pour allumer une petite flamme, quelqu’un qui ne veut pas que la liberté meurt, (…)

Lire, c’est faire la guerre et l’amour même quand tu n’as pas l’âge, éprouver le deuil quand tout le monde est vivant et la joie même quand ton cœur est sec, t’évader d’un bagne pour te venger , te percer les yeux pour accéder à une autre vue, chasser une baleine parce que le renoncement te tuerait,danser sur des volcans…

Et encore,

« Fiction » savait Sacha venait d’un mot latin qui signifiait « feindre » , et les ruses ne tiennent jamais longtemps. Trop dangereux à cause de ça, le roman. Pour soi et pour kes autres.

Manipuler l’ironie, par exemple, cette insulte déguisée en compliment.

Les monastères se succèdent. Châteaux forts de la foi. (…) Comme si servir Dieu ou fuir les hommes, c’était un peu la même chose, le paradis en plus.

« Bien sûr qu’elle existe, puisqu’on raconte son histoire. »

Le fascisme sait sourire : les dents sont blanches , mais l’haleine est pourrie.

L’Antéchrist, ce sont ces forces à l’œuvre dans le monde qui visent à rendre l’homme incapable de s’élever loin du matériel, de ses écrans, vers la contemplation du Sublime. L’Antéchrist , c’est celui qui prétend œuvrer pour votre bonheur mais qui vous damné, en vous emprisonnement dans le divertissement permanent, la fièvre de la consommation, de la gloire, le cycle des désirs jamais assouvis complètement, à l’aide d’une technologie de plus en.plus asservissante. C’est ça l’Antéchrist …

Ici en bref

D'habitude, je ne partage pas mes lectures lorsqu'elles ne m'ont pas plue ! Mais, là, c'est le livre qui se vend à plus

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Un extrait
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Puis un autre
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Éditeur : Gallimard

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Parution : 6 octobre 2022

EAN : 9782072885693

Lecture : Octobre 2022

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19 commentaires

    • Oui, moi aussi, j’avoue que j’avais une représentation complétement subjective de ce livre que j’ai eu bcp de plaisir à découvrir. Je pensais qu’il recevrait un prix … Pour l’instant, rien ! A suivre, peut-être…

  1. je le irais surement car j’aime bien son écriture et avais beaucoup apprécié « Birmane »

  2. Je crois que Christophe Ono-dit-Biot est journaliste sur France-Culture, dans des émissions littéraires. J’ignorais qu’il était aussi écrivain mais ça fait un peu « microcosme germanopratin qui fonctionne en vase-clos et se sert mutuellement la soupe »… Donc, je préfère passer.

  3. ça m’as l’air un peu ardu, même si le fait d’être transportée au Mont Athos me plait dans ta description. Bisous douce journée

    • Je crois que c’est ce qui m’a le plus attirée…Magnifique région, mais ça tu le sais 🙂 Bonne soirée

    • Oui, comme je le disais plus bas, étonnée que peu de critiques soient écrites sur ce roman alors que il y a bcp de retours de presse. Certes le fait que l’écrivain soit directeur adjoint en charge de la culture du magazine Le Point doit y aider un peu, mais quand-même… En tout cas, bonne soirée 🙂

  4. Pas (encore ?) lu, mais mes dernières rdv avec l’auteur (notamment « Plonger ») me font craindre ce que Jostein dit bien : les ficelles, les ficelles…. Toutefois tu m’as donné envie d’y regarder de plus près…

    • Je n’ai pas lu « Plonger ». Mais, celui-ci m’a bcp plu. Je suis assez étonnée par les avis sur Babelio et le peu de blogueurs qui ont fait un retour alors que le roman est sélectionné dans deux prix différents … A suivre …

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