Les Nuits de Mashhad – Ali Abbasi

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Le film Les nuits de Mashhad du réalisateur Ali Abbasi raconte le combat d’une journaliste qui, grâce à son opiniâtreté et ses convictions, a réussi à faire arrêter le tueur de l’Araignée, tueur en série reconnu responsable du meurtre de seize prostituées droguées en Iran.

Le film s’ouvre sur la traque d’un homme (Mehdi Bajestani), la quarantaine, circulant en moto dans la nuit de Machhad. C’est la troisième ville d’Iran,  sainte pour les Chiites. Après avoir chargé une prostituée, il l’emmène chez lui. Ils ont un rapport sexuel et il la tue.

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Mehdi Bajestani dans le rôle du tueur

Le cadre est posé. Les nuits de Mashhad raconte l’histoire du tueur en série surnommé tueur-araignée par la presse. L’arrivée de la jeune journaliste Rahimi ( Zar Amir Ebrahimin) qui enquête sur ses meurtres donne tout au long du film l’ampleur des difficultés pour une femme de faire son métier.

Ça commence par la réservation de son hôtel. Puis, par l’abus de pouvoir d’un flic qui la considère comme un objet de plaisir, sous prétexte qu’elle fume. Et, ça continue ainsi jusqu’à l’exécution. Un parcours plus que difficile que celle de cette combattante ! D’autant plus, que ce rôle s’oppose à la femme du tueur, très traditionaliste qui, à la fin, se transforme en représentante patentée de la police des mœurs de son pays.

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Zar Amir Ebrahimin dans la rôle de Rahimi

Le parti pris du réalisateur de Les nuits de Mashhad m’a profondément plu. La caméra qui suit de très près les personnages capte les mouvements presque réflexes que chaque femme a dans ce pays, comme remettre tout le temps son foulard pour ne pas montrer trop ses cheveux. Baisser les yeux. Etc. Rien n’est acquis pour une femme. N’importe quelle situation peut, d’un coup, se transformer et la mettre en péril. Et, le film le montre parfaitement.

Les nuits de Mashhad montrent qu’aucune femme ne peut circuler seule, sans crainte. L’accompagnement masculin est constant dans toutes les démarches. La journaliste est remise à sa place lorsqu’elle ose poser une question dérangeante. Etc. Pour moi, le film devient récit sociologique de la condition des femmes dans cette partie du monde.

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Une des femmes avant son assassinat

Évidemment, la foi du tueur interroge surtout avec les témoignages de sa femme et de son fils de 14 ans, à la fin. Que donnera un tel obscurantisme à l’avenir ? Et, encore, nous ne sommes pas en Afghanistan !

Certes les trois scènes de meurtre sont évidemment difficiles à supporter. Alors, pourquoi le réalisateur nous en montre autant…Si ce n’est pour opposer cette idéologie d’un autre âge qui approuve ces meurtres à une justice occidentale.

En montrant le combat d’une femme pour la justice et la vérité, Le film Les nuits de Mashhad s’apparente à un récit sociologique sur la condition des femmes dans cette partie du monde. Un film à découvrir absolument !

Secrets de tournage

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Le réalisateur et ses deux acteurs principaux à Cannes-2022
  • Saeed Hanaei est le nom du vrai tueur en série qui a inspiré Ali Abbasi. A peine la quarantaine, il est marié avec trois enfants. Il a tué seize femmes prostituées et droguées en deux ans, en tout cas, celles qu’il a déclarées.

« Ils étaient aussi inutiles que des cafards pour moi », aurait déclaré M. Hanai, à la veille de son exécution. New York Times

Son mode opératoire semblait assez semblable à celui exposé par le film. Ses partisans l’ont soutenu jusqu’au moment où il a avoué avoir eu des rapports sexuels avec 13 de ses victimes dans l’appartement familial.

Comme dans le film, des groupes ont réclamés que la justice condamne le meurtrier ce qui a obligé le gouvernement à statuer vers la peine de mort.

« En revanche, je voulais
faire un film sur une société devenue tueuse en série ». Ali Abbasi 

La scène terrible de fin est semble-il conforme à ce qu’a déclaré son fils aux médias après sa mort.

Sur sa pierre tombale est inscrit « Si j’enlevais la corruption, il était pour le bien du peuple».Book Wiki

 

  • Cette affaire a fait l’objet d’un documentaire qui depuis peu est ressorti en Turquie. Le documentaire a été nominé par un prix catégorie journalisme d’investigation.

Une interview dans le couloir de la mort y est reproduit où le tueur affirme avoir aucun remord et même espére que d’autres continueront son combat.

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En attente de l’exécution …
  • Ali Abbasi est un cinéaste suédois d’origine iranienne. Il aurait souhaiter tourner son film en Iran mais il n’aurait pu avoir la même teneur. Le film a été tourné en Jordanie.

 

  • Zar Amir Ebrahimin a été obligée de quitter l’Iran après une affaire autour d’une sextape publiée à son insu. Elle était condamnée à des coups de fouet et sa carrière arrêtée.

« J’avais une vie un peu étrange en Iran. Ce qui m’a fait quitter l’Iran, c’était quand même une histoire grave. C’est une histoire assez spéciale. J’ai eu cette expérience d’être insultée, harcelée. J’ai un peu ajouté ces moments personnels de ma vie aussi dans mon interprétation, comme la confrontation avec un membre du gouvernement ou les réactions des collègues. Ces derniers ont eu peur du scandale, ils ne veulent plus travailler avec toi et ne veulent pas être mêlés à ce genre d’histoire qui peut créer des problèmes avec le gouvernement. » Allo Ciné

Vivant à Paris, l’actrice a reçu le prix d’interprétation féminine à Cannes cette année.

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  • Mehdi Bajestani est un acteur de cinéma et de théâtre en Iran. Il vient de la région de Marshhad et donc a adopté l’accent populaire de la ville. Son interprétation humanise le tueur. Par contre, il prend des risques considérables avec ce film.

 

  • Mashhad, personnage à part entière

Deuxième ville sainte la plus importante au monde, Mashhad attire plus de 20 millions de touristes et pèlerins tous
les ans, dont la plupart viennent se recueillir au mausolée de l’imam Reza, plus
grande mosquée au monde, décrit comme « le cœur de l’Iran chiite » Dossier de presse

Mais c’est une ville qui se trouve aussi sur le trajet de la drogue entre l’Afghanistan et l’Europe. La prostitution s’y affiche partout, comme si ce secteur économique était toléré.

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Marshadd , la nuit

Du côté des critiques

TéléramaLe Monde

D’autres chroniques

Lylilit

Sources

New York Times

Allo Ciné

Festival de Cannes 2022

Dossier de presse

Questions pratiques

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Les Nuits de Mashhad – Ali Abbasi

Genre : Drame
Réalisateur :Ali Abbasi

Titre original : HOLY SPIDER

Acteurs : Mehdi Bajestani, Zar Amir Ebrahimi, Arash Ashtiani
Pays : Suède
Durée : 1 h 57

Sortie nationale : 13 juillet 2022

Distributeur : Métropolitan Filexport

CHRONIQUES DE FILM

10 commentaires

  1. j’ai adoré ce film, même si les scènes de violence sont difficiles à supporter. N’y a t-il pas une certaine complaisance à montrer les meurtres dans des scènes interminables .
    L’interet du film est qu’il est inspiré d’une histoire vraie.

    • Oui, ce fût l’un des principaux reproches faits à ce film ! Nous réagissons avec nos regards d’occidentaux, me semble-t-il. Car, pour la plupart de ses concitoyens ses actes de meurtres sont applaudis et même encouragés. Alors, peut-être que pour être sûr que le spectateur ne tombe pas dans cette opinion, montrer la réalité de la violence permet de ne pas entretenir d’ambiguïté … C’est mon interprétation, elle vaut ce qu’elle vaut 🙂

  2. Je ne suis pas aussi enthousiaste que toi. Il est possible au cinéma de suggérer l’horreur sans infliger 3 étranglements et une pendaison . Je suis le cinéma iranien et je n ai pas eu une telle impression de violence dans d autres films traitant de situations aussi atroce. Et quand on refuse la peine de mort la condamnation n est pas une solution plutôt un problème de conscience.

    • Attention spoiler. Ne pas lire avant d’avoir vu le film !
      Oui, le film semble controversé surtout quand on le compare, à tord pour moi, avec La loi de Téhéran. Les deux films ont des sujets différents et en plus, le second est iranien et les nuits de Mashhad ont été réalisés par un émigré iranien en dehors d’Iran.
      L’interprétation de Mehdi Bajestani est extrêmement réussie car elle humanise énormément ce tueur. Les scènes de violence sont une façon de contrebalancer à la fois son interprétation et à la fois les positions des traditionalistes dont la famille. Le témoignage du fils à la fin montre bien combien ce genre de meurtres est banalisé et même revendiqué dans la population.
      La scène de pendaison montre à la fois combien le tueur était sûr de bénéficier de l’indulgence de la justice comme le lui avait dit ses amis et combien le combat de la journaliste n’était pas sûr d’aboutir jusqu’à la fin.
      Je reste convaincue de l’importance de ce film !

    • Je n’avais pas vu sa prestation à Cannes mais je l’ai écouté ce matin sur France Inter 🙂

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