Eric Halphen – Le faussaire de la famille

vagabondageautourdesoi.com - Eric Halphen - A la fois magistrat, homme politique et auteur de polar, Eric Halphen rajoute encore une corde à son talent : celui d’écrire un essai sur l’art du XIXè siècle à partir de l’histoire du petit fils du peintre Jean-François Millet qui se fit faussaire assez talentueux pour vendre beaucoup avant qu’on ne l’arrête.

La façon de se détendre de Eric Halphen était de se perdre sur Ebay enchères à la recherche de dessins. Lorsqu’un jour, il tombe sur un dessin signé jean-Charles Millet, il s’interroge et découvre que ce peintre était de la famille du grand peintre, mais surtout qu’il était devenu son faussaire !

Présentation du peintre

Peintre majeur du XIXè siècle, le talent de Jean-François Millet a impressionné Van Gogh, mais aussi Dali, le photographe Walter Evans et encore Terence Malik dans les Moissons du ciel et même Banksy qui en détourne son fameux tableau Les glaneuses en dessinant une pause cigarette pour l’une d’entre elles !  Très apprécié en Amérique et au Japon, il reste peu connu en France.

Bruno Girveau, directeur du musée des Beaux-Arts de Lille a organisé la première exposition de l’artiste en France en 2018. Il  décrit sa particularité ainsi  » il (JF M) parle du rapport que l’homme entretient avec la nature et les animaux, de ce respect qu’il a pour elle et ceux qui la travaillent, les paysans, qui en finissent par mourir depuis le temps. »

Dans Le faussaire de la famille, Eric Halphen dresse le portrait de cet homme qu’il décrit comme paradoxal. Surnommé « Homme des bois » et « Ours taciturne », Jean-François apparait comme cachant ses enfants à sa mère et sa grand-mère. Il arrive aussi trop tard pour la mort de son père, ne se déplace pas pour celle de sa grand-mère ni celle de sa mère. Et, ainsi il énonce  » peintre paysan mais n’est pas paysan« , « le silencieux éloquent« , « le socialisme individualisé » et ce physique « grand et fort » mais semble « doux ».

J’avoue que je ne connaissais rien de la vie de ce peintre; La proposition de Eric Halphen, même si je ne peux en vérifier la véracité, a le mérite de faire vivre l’homme pour tenter d’expliquer l’œuvre de celui qui fut l’illustre représentant de l’École de Barbizon.

Le faussaire

La partie suivante présente le petit fils, Jean-Charles, né en 1924, dessinateur et peintre lui-même, beaucoup moins talentueux, beaucoup moins habité par la fibre artistique. Il n’a pas de message à transmettre, de folie à mettre en couleurs, d’émotions à partager. Il a juste l’envie de profiter de la vie surtout que son ascendant célèbre n’a pas vraiment laissé de quoi faire vivre sa lignée !

Alors, lui vient l’idée d’en profiter quand-même du talent du papy ! Il lui faut trouver le génie : C’est Paul Cazot auquel Jean-Charles transmet les tics de peinture du Maître. Plus tard, il faut aussi un expert. Jean-Charles en trouve un aussi. Et ainsi de suite …

Tout au long de ce récit, la figure de Jean-Charles oscille autour du naïf inconsistant et du tricheur génial. Son principal talent reste l’art du mensonge, de la tromperie avec son charisme inné. Mais Eric Halphen décrit surtout son culot, et même son esbroufe. Et, rien ne semble l’arrêter ! Car, ce n’est pas uniquement auprès de sombres marchands d’art véreux que Jean-Charles et Cazot refourguent leurs faux. Le spécialiste « es Millet » va leur en acheter. Certes, il est vieux et diminué, mais quand-même !

Eric Halphen, en habitué des malfrats, sait donner corps à son escroc. Il devient vite un sympathique opportuniste sachant s’adapter face à la difficulté du monde. Le côté Arsène lupin, en somme !

La société reprend ses droits

Seulement, à force de trop en vouloir, ils se font remarquer et l’envie d’en croquer davantage titille leur entourage. A partir des archives de l’arrestation et des minutes des procès. Eric Halphen narre cette période avec toute la compétence que son métier lui apporte.

En conclusion,

Le faussaire de la famille est un récit historique savoureux qui décrit une escroquerie improbable d’un petit-fils sur le talent de son grand-père. De cette personnalité peu recommandable, Eric Halphen nous la narre avec sympathie et, même certainement, de l’admiration. Car ce menteur professionnel embobine tout le monde et s’adapte à toutes les situations au fil de ses trahisons.

Eric Halphen a choisi le côté de la justice et décrypte l’enquête et les procès. Néanmoins, notre humanité revient rapidement en apprenant la façon dont Jean-Charles est mort. Pour la connaître et pour le plaisir de lire cette histoire hors-norme, cet essai est à découvrir !

Remerciements à @buchetchastel et @NetGalleyFrance pour #lafaussairedelafamille de @Eric_Halphen

Puis quelques extraits

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…pour Millet, l’art est souffrance, sacerdoce. Vivre dans le dénuement et dans la misère, Vivre en reclus, pas d’amusement, pas de distraction, pas de plaisir.

…Il ne s’agit pas de se lancer dans des copies pures et simples des tableaux du grand-père,ce seraient alors des faux, il ‘en ai pas question. Ce qu’il convient de peindre ce sont uniquement des huiles inspirées par l’œuvre de Millet, dès à la manière de juridiquement – sinon moralement – inattaquables.

L’interrogation qui taraude Jean- Charles reste suspendue en l’air, telle une mouche jouant les timides elle les observe d’en haut sans se mêler à la conversation, mais aucun des deux n’est dupe : la signature, qu’elle soit peinte ou apposée par un cachet, que ce soit l’un ou l’autre qui s’en charge, elle va de soi, la combine l’a bien entendue intégrée, le tabou n’en est pas vraiment un – on verra plus tard.

À deux finalement tout paraît plus facile, les responsabilités sont diluées, l’éventuelle sensation de culpabilité tellement atténuée qu’elle finit par disparaître ; l’anormal, quand il est renvoyé par l’autre, prend l’apparence de la norme.

Montrer, certes ; pas démontrer. Les hommes et les femmes, leur place unique ici-bas, leur petitesse immense, oui; pas les idées ni les idéologies.

..à cette époque, une photographie c’est toute une aventure..

Et ce n’est pas un hasard si les moments heureux dans l’œuvre de Millet, par ailleurs si sombre, si mélancolique et même douloureuse, ont trait pour la plupart aux tableaux et dessins montrant l’homme et la femme en tant que parents, à l’enfant qui s’appuie sur eux pour grandir et exister.

Non seulement la paysanne de Cazot ressemble comme une sœur à une paysanne de Millet, non seulement son complice est parvenu on ne sait comment à appréhender un zeste de la religiosité bizarre qui émane de toutes les œuvres de son grand-père, mais encore le tableau fait ancien et tanné, quand on retourne la toile elle a le foncé et le légèrement froncé qui trahit les années…

Ici en bref

D'habitude, je ne partage pas mes lectures lorsqu'elles ne m'ont pas plue ! Mais, là, c'est le livre qui se vend à plus

vagabondageautourdesoi.com - Eric Halphen -
Premier extrait
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Seconde extrait
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Puis un dernier

Du côté des critiques

 

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Questions pratiques

Eric Halphen – Le faussaire de la famille

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Éditeur : Éditions Buchet-Chatel 

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Parution : 10 février 2022

EAN : 9782283035504

Lecture : Mars 2022

Littérature contemporaine

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Chroniques littéraires

12 commentaires

  1. Je note ce livre qui a l’air vraiment intéressant, mais pas pour tout de suite vu l’immensité de ma pal. Bon dimanche

    • Oui, moi aussi, je me suis laissée submerger et j’avoue ne pas aimé ça du tout !

  2. il ne me tentait pas mais ta chronique me donne des regrets… Mais j’ai accumulé trop de retard, il faut parfois, être raisonnable 🙂

    • J’ai aimé cet essai. Eric Halphen sait raconter et mettre en situation. Je lirai certainement son prochain polar, s’il en fait paraître un nouveau 🙂

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